Les conditions liées à l'existence d'un projet parental

Les conditions liées à l'existence d'un projet parental

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Suppression de toute référence aux critères pathologiques. – Pour ouvrir l'AMP aux couples de femmes et à la femme non mariée et éviter de créer une inégalité pour les couples de personnes de sexe différent, il était nécessaire de supprimer toute référence aux critères médicaux posés à l'ancien article L. 2141-2 du Code de la santé publique. Comme l'évoquent des auteurs, « il ne s'agit plus de “soigner” une stérilité, mais de mettre à disposition d'un couple ou d'un individu les moyens de réaliser son projet parental »939. Toutefois, « si le caractère pathologique de l'infertilité n'est plus un critère d'accès, l'assistance médicale à la procréation s'inscrira toujours dans un parcours médical »940.
– L'existence d'un projet parental comme critère déterminant. – Le nouvel article L. 2141-2 du Code de la santé publique prévoit désormais que l'AMP est destinée « à répondre à un projet parental ». Si ce concept de projet parental semble nouveau avec la loi bioéthique du 2 août 2021, il n'en est finalement rien. Dès la loi bioéthique no 94-654 du 29 juillet 1994, l'ancien article L. 152-2 du même code prévoyait que l'AMP était « destinée à répondre à la demande parentale d'un couple »941. En réalité, en 1994, « l'essentiel n'est pas [tant] la référence à la notion de projet parental, mais la précision que celui-ci doit être porté par un couple au sens traditionnel du terme » composé d'un homme et d'une femme942. Si la notion de « projet parental » n'est pas nouvelle dans la loi bioéthique du 2 août 2021943, elle est désormais un critère déterminant pour permettre aux couples de personnes de sexe différent ou de même sexe et à la femme non mariée de recourir à une AMP.
– Absence de définition légale. – Cette notion de « projet parental » est désormais au cœur du procédé de l'AMP. Toutefois, elle n'a pas été définie par le législateur. Tenter d'ailleurs d'en donner une définition ou d'en déterminer ses contours n'est pas chose aisée tant la concrétisation de celui-ci peut prendre des formes diverses944. Cependant, sans l'existence de ce projet parental, le recours à l'AMP est impossible.
– Accroissement du rôle reconnu aux volontés individuelles. – Le projet parental existe avant même la conception de l'enfant. Dans un couple, ce projet parental apparaît comme l'engagement pris vis-à-vis de la personne avec laquelle on le construit, ainsi qu'envers l'enfant qui en sera issu, même si sa conception nécessite l'intervention d'un tiers donneur. L'enfant vient au monde grâce au projet parental de deux personnes qui, « même si l'une d'entre elles seulement a procréé, se sont engagées ensemble pour être ses parents »945. Quant à la femme non mariée qui souhaite réaliser seule une AMP, elle a également la volonté de participer directement au processus d'engendrement de l'enfant et d'assumer seule des responsabilités en tant que parent. L'existence même de ce projet parental – la volonté de devenir parents – permettra de créer un lien de filiation entre les auteurs de celui-ci et l'enfant qui en sera issu même s'il n'y a pas de lien biologique entre eux. Le rôle reconnu à la volonté individuelle pour établir la filiation s'est considérablement accru avec l'AMP avec tiers donneur.
– Le notaire n'est pas juge du projet parental. – Lors du recueil du consentement prévu à l'article 342-10 du Code civil, le notaire doit expliquer aux bénéficiaires d'une AMP avec tiers donneur que celle-ci doit être réalisée dans le cadre d'un « projet parental ». Toutefois, il n'a pas à définir un tel projet dans l'acte de consentement, ni même à apprécier la pertinence de celui-ci.
– Entretiens particuliers avec l'équipe médicale chargée de réaliser l'AMP. – Le notaire rappellera aux couples ou à la femme non mariée que la mise en œuvre d'une AMP est précédée d'entretiens particuliers. Ils ont lieu avec un ou plusieurs médecins et d'autres professionnels de santé de l'équipe médicale pluridisciplinaire, composée notamment d'un psychiatre ou d'un psychologue ou d'un infirmier ayant une compétence en psychiatrie. Ils peuvent se faire accompagner d'un assistant de service social. Conformément à l'article L. 2141-10 du Code de la santé publique, les médecins de l'équipe médicale devront vérifier la motivation des bénéficiaires de l'AMP et procéder à une évaluation médicale. Ils les informeront notamment « des possibilités de réussite ou d'échec des techniques d'assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long terme ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu'elles peuvent entraîner ». D'autres informations doivent également être communiquées par l'équipe médicale sur les modalités d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du tiers donneur ainsi que sur l'impossibilité pour un couple de réaliser un transfert d'embryons en cas de rupture ou en cas de décès de l'un des membres du couple.
Un dossier-guide doit être remis par l'équipe médicale pour décrire notamment les différentes techniques de l'AMP et rappeler que l'adoption demeure toujours possible. Les couples ou la femme non mariée doivent confirmer, par écrit, à l'équipe médicale, leur consentement à la réalisation de l'AMP à l'issue d'un délai de réflexion d'un mois à compter des derniers entretiens médicaux.
Le notaire n'ayant pas à se prononcer sur l'aptitude du couple demandeur ou de la femme non mariée à recourir à une AMP, un acte de consentement peut être signé sans que celle-ci ne se réalise. En effet, il résulte de l'article L. 2141-10 du Code de la santé publique que seul le médecin, ayant participé aux différents entretiens, peut décider de reporter l'AMP s'il estime qu'un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire, voire de la refuser si la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions exigées par la loi. Le médecin doit se prononcer uniquement dans l'intérêt de l'enfant à naître946.

Des entretiens médicaux réalisés avant ou après l'acte de consentement

La loi ne précise pas si les entretiens particuliers avec l'équipe médicale doivent être réalisés avant ou après la signature de l'acte de consentement à l'AMP. Il arrive que ceux-ci soient réalisés en amont de sorte que lorsque les couples ou la femme non mariée se présentent devant le notaire pour la signature de l'acte de consentement, il s'agit en réalité de l'une des dernières étapes avant la mise en œuvre de l'AMP. Les bénéficiaires de l'AMP produisent d'ailleurs très souvent au notaire le courrier du centre hospitalier indiquant qu'un acte de consentement authentique est nécessaire pour réaliser l'AMP. Pour d'autres, les entretiens médicaux seront réalisés postérieurement à la signature de l'acte de consentement à l'AMP. Le notaire est en droit d'interroger les clients pour savoir si les entretiens ont déjà eu lieu. Il leur rappellera, le cas échéant, que la signature de l'acte de consentement à l'AMP n'oblige pas, pour autant, l'équipe médicale à réaliser l'insémination ou le transfert d'embryon.
– Un projet parental pour tous les bénéficiaires d'une AMP. – Le projet parental s'impose à tous les bénéficiaires d'une AMP, et ce, quelle que soit leur orientation sexuelle.