Les conditions d'âge

Les conditions d'âge

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Aucune limite d'âge posée par le législateur avant la réforme sur la bioéthique de 2021. – Avant la loi bioéthique du 2 août 2021, le couple formé d'un homme et d'une femme devait être en âge de procréer pour la mise en œuvre d'une AMP. Cependant, le législateur n'avait fixé aucune limite d'âge de sorte qu'il revenait aux médecins d'apprécier celui-ci en tenant compte notamment de « l'intérêt de l'enfant » à naître. En pratique, l'AMP était réalisée par les médecins avant l'âge de quarante-trois ans pour les femmes, car la prise en charge de celle-ci par l'assurance maladie cessait à partir de cette date anniversaire. Pour déterminer l'âge de procréer des hommes également concernés par cette condition, les hauts magistrats avaient considéré qu'il y avait lieu « de se fonder, s'agissant de sa dimension strictement biologique, sur l'âge de l'intéressé à la date du recueil des gamètes et, s'agissant de sa dimension sociale, sur l'âge de celui-ci à la date du projet d'assistance médicale à la procréation »947.
– Avis du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine. – Plusieurs études ont mis en avant les « difficultés à l'adolescence chez des enfants issus de parents âgés, surtout de pères ». Il en ressort que « les relations intergénérationnelles sont (…) perturbées, lorsque les hommes procréent à l'âge d'être grand-père, ou lorsqu'ils le sont déjà ». Ces situations ont pour conséquence de créer « des difficultés pour l'enfant à s'inscrire dans l'ordre de la filiation et du groupe social ». Enfin, « la parentalité tardive expose à un risque accru d'avoir un parent décédé avant que l'enfant n'ait atteint l'âge adulte, et encore plus fréquemment d'avoir des parents présentant une incapacité, voire une perte d'autonomie »948.
– Un âge limite depuis la loi bioéthique. – Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une AMP sont désormais fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine949. Il est tenu compte à la fois des risques médicaux liés à l'âge et de l'intérêt de l'enfant à naître. L'insémination artificielle, l'utilisation de gamètes recueillis, prélevés ou conservés à des fins d'AMP ainsi que le transfert d'embryons peuvent être réalisés950 :
  • jusqu'à quarante-cinq ans chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l'enfant ;
  • jusqu'à soixante ans chez le membre du couple qui n'a pas vocation à porter l'enfant.

L'impossibilité de conclure un acte de consentement à l'AMP en cas de dépassement de la limite d'âge

Un couple de femmes âgées de plus de quarante-cinq ans souhaite réaliser une AMP à l'étranger. Le notaire peut-il recueillir leur consentement et établir l'acte de reconnaissance conjointe anticipée ? La circulaire du 21 septembre 2021 précitée précise que l'AMP peut être réalisée en France ou à l'étranger. Or, si des limites d'âge existent dans plusieurs pays dont la France pour réaliser une AMP, tel n'est pas le cas dans d'autres951. Des couples ou la femme non mariée peuvent alors être tentés de s'y rendre pour y pratiquer ce que la France interdit.
Le Conseil d'État s'est prononcé sur l'âge de procréer en rejetant la demande formulée par une femme, âgée de plus de quarante-cinq ans, d'exporter ses ovocytes à l'étranger en vue de leur utilisation952. Dans un arrêt rendu le 27 octobre 2022, il a précisé qu'en « l'état des données acquises de la science, (…), le risque médical pour l'enfant et pour la mère s'accroît avec l'âge de celle-ci au moment de la grossesse, en particulier à partir de quarante ans ». Dès lors, il a considéré que « le principe d'une condition d'âge pour recourir à l'assistance médicale à la procréation [fixée à l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique], qui relève de la marge d'appréciation dont chaque État dispose, dans sa juridiction, pour l'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de cette convention ». Il a ainsi été conclu qu'en « fixant la limite d'âge au quarante-cinquième anniversaire pour la femme qui a vocation à porter l'enfant, âge prenant en considération tant les risques médicaux de la procréation liés à l'âge ainsi que l'intérêt de l'enfant à naître, le Premier ministre n'a pas fixé, par les dispositions de l'article R. 2141-38 du Code de la santé publique, une règle manifestement illégale ».
Si les couples ou la femme non mariée ne répondent pas au critère de l'âge, le notaire est tenu de refuser de signer l'acte de consentement prévu à l'article 342-10 du Code civil ainsi que l'acte de reconnaissance conjointe anticipée. En pratique, la limite d'âge posera essentiellement des difficultés pour les couples de femmes pour lesquelles il est nécessaire de conclure un acte de reconnaissance conjointe anticipée pour établir le lien de filiation entre l'enfant issu de l'AMP et la femme qui n'a pas accouché953. Pour les couples de personnes de sexe différent ou pour la femme non mariée, ils peuvent réaliser, à l'étranger, une AMP exogène au-delà de la limite d'âge sans qu'il y ait des difficultés pour établir le lien de filiation avec l'enfant issu d'une telle technique, ce qui peut éventuellement être source de discrimination.