Les cas d'examen du testamentaire

Les cas d'examen du testamentaire

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Délivrance, contrôle et envoi en possession. – À la différence des héritiers légaux immédiatement saisis et investis de la propriété du patrimoine du défunt, les successeurs intestat, bien qu'instantanément propriétaires des biens légués, doivent se soumettre, selon les cas, aux modalités d'examen de leur titre testamentaire : la délivrance de legs, d'une part, ou le contrôle notarial de la qualité du légataire (anciennement envoi en possession), d'autre part.
La délivrance de legs est la formalité par laquelle les ayants droit saisis consentent à l'exécution de la libéralité en remettant le bien entre les mains du légataire non héritier. Elle est demandée par un légataire universel en présence d'héritiers réservataires, par un légataire particulier et par un légataire à titre universel. Elle est consentie par tous les réservataires, à défaut par les légataires universels, à défaut par les héritiers ab intestat .
La vérification de la qualité du légataire concerne exclusivement le légataire universel. Elle était auparavant accomplie par le président du tribunal de grande instance qui rendait une ordonnance d'envoi en possession. Depuis le 1er novembre 2017, le contrôle est confié au notaire dans les formes de l'article 1007 du Code civil.
En préambule, il est rappelé que les formalités diffèrent selon la nature des dispositions de dernières volontés. Un testament authentique et une donation entre époux rendent inutile la vérification. L'authenticité assure une présomption de régularité, de sincérité et de véracité justifiant la dispense de contrôle. La procédure ne concerne que le testament olographe, qualifié par certains auteurs de « titre vulnérable » . La forme des dispositions n'a en revanche aucun impact sur la délivrance de legs.
Il convient, dans un premier temps, de reprendre les différents cas généraux (Sous-section I), avant d'analyser les questions notariales particulières (Sous-section II) et d'en faire une synthèse sous la présentation d'un tableau (Sous-section III).

Typologie de cas généraux

– Distinctions. – Quatre situations sont distinguées : celle des ayants droit à la fois héritiers légaux et testamentaires, celle des légataires non héritiers, celle du conjoint veuf, enfin celle du partenaire ou concubin.
– Situation des légataires héritiers. – Lorsque le successeur est à la fois héritier et légataire, il est saisi. Il convient de distinguer s'il est bénéficiaire d'un legs particulier, à titre universel, ou d'un legs universel.
Si l'héritier bénéficie d'un legs particulier ou à titre universel, il n'a jamais à demander la délivrance de son legs, dans la mesure où il est saisi. Il n'a pas non plus à se soumettre au contrôle d'envoi en possession. Cette dispense concerne également le conjoint survivant gratifié.
S'il présente la double qualité d'héritier et de légataire universel, un doute subsiste, ainsi que nous l'avons étudié au chapitre précédent, sur la nécessité d'un contrôle notarial de la qualité de légataire en présence d'un testament olographe (ancienne procédure d'envoi en possession). La difficulté provient de la contradiction entre l'article 724 qui investit l'héritier d'une saisine plénière et indivisible et l'article 1007 qui soumet le légataire universel au contrôle. La doctrine et la jurisprudence majoritaire assujettissent le légataire au contrôle de l'article 1007 dès lors que le testament l'investit de droits plus importants que sa vocation légale. Le cumul des qualités de légataire universel et d'héritier ab intestat ne le dispense donc pas d'un envoi en possession en cas d'opposition, non parce qu'il est saisi mais parce qu'il évince d'autres héritiers saisis avec un titre olographe.

L'héritier, légataire particulier

Un défunt laisse un frère et une sœur. Il lègue à sa sœur à titre particulier sa maison. Aucune délivrance de legs n'est à prévoir. Aucune vérification de qualité ni aucun contrôle d'envoi en possession ne sont utiles. Il est de bonne pratique de faire un consentement à exécution des volontés de la personne décédée par le frère.

L'héritier unique, légataire universel

Le défunt laisse un frère unique qu'il institue légataire universel par testament olographe. Celui-ci ne permet pas à l'héritier de recueillir davantage que sa vocation légale. Aucun doute : aucune délivrance de legs n'est à prévoir et la formalité de contrôle de la qualité du légataire est inutile.

L'un des héritiers est légataire universel

Le défunt laisse un frère et une sœur. Il institue sa sœur légataire universelle par testament olographe. Celui-ci permet à la sœur de recueillir davantage que sa vocation légale. La sœur est héritière, elle n'a pas à demander la délivrance. Un doute subsiste sur la nécessité de vérifier sa qualité par le contrôle de l'article 1007 du Code civil. La pratique recommande par prudence de le faire.

– Situation des légataires non-héritiers. – Lorsque le légataire n'est pas héritier, il n'a pas forcément la saisine. Bien que propriétaire des biens légués, il est tenu de satisfaire aux formalités de délivrance ou de contrôle. Il convient de distinguer le legs particulier (ou à titre universel) du legs universel.
Si le legs est un legs particulier, ou à titre universel, quel que soit le testament, il est tenu de demander la délivrance de son legs aux réservataires, à défaut au légataire universel, à défaut aux héritiers ab intestat.
Si le legs est un legs universel, il faut distinguer suivant qu'il existe ou non des héritiers réservataires et suivant la forme du testament olographe ou authentique.
En l'absence d'héritier réservataire, le légataire universel est saisi. Institué par acte authentique, il n'a jamais à demander le contrôle de sa qualité. Institué par testament olographe, il doit l'obtenir ou à défaut, en cas d'opposition, requérir l'envoi en possession du tribunal.
En présence d'héritier réservataire, le légataire universel n'est pas saisi, il doit obtenir la délivrance de son legs, quelle que soit la forme du testament.

Le legs particulier à un non-héritier en l'absence de legs universel

Le défunt laisse un frère et une sœur. Il lègue à un neveu une somme d'argent de 30 000 €. Le neveu demande à sa mère et son oncle la délivrance de son legs.

Le legs particulier à un non-héritier, en présence d'un legs universel

Le défunt laisse sa belle-fille, la fille de son épouse prédécédée, légataire universelle. Il lègue à titre particulier sa collection de tableaux à un musée. Le musée demande à la belle-fille la délivrance de son legs.

Le legs universel à un non-héritier en l'absence de réservataire

Le défunt a institué l'enfant de sa compagne légataire universel par testament olographe. Il ne laisse pas de descendant, mais un frère et une sœur. Le bénéficiaire doit faire contrôler sa qualité de légataire par le notaire et en cas d'opposition demander l'envoi en possession.

Le legs universel à un non-héritier en présence de réservataire

Le défunt a institué son beau-fils légataire universel par testament olographe. Il laisse un enfant. Le beau-fils doit demander la délivrance de son legs à l'enfant.

– Situation du conjoint veuf légataire. – Le conjoint survivant est saisi dans tous les cas (C. civ., art. 724), qu'il soit héritier ab intestat, bénéficiaire d'une donation entre époux, ou d'un testament. Il n'a jamais à demander la délivrance de sa libéralité. Néanmoins, lorsqu'il est gratifié d'une libéralité universelle par testament olographe, la question du contrôle de sa qualité de légataire fait encore débat. Doit-il se soumettre aux formalités de vérifications de l'article 1007 du Code civil ? Il convient de distinguer s'il est en concours avec d'autres héritiers (descendant ou ascendant) ou unique héritier légal.
En présence de descendant ou d'ascendant : le conjoint survivant n'a pas à demander la délivrance de son legs. S'il est bénéficiaire d'une donation entre époux ou d'un testament authentique, ou institué légataire particulier, aucune formalité n'est nécessaire. S'il est institué légataire universel par titre olographe ou mystique, il y aurait un doute pour savoir s'il doit se soumettre au contrôle de sa qualité de légataire. La question, ouverte sous l'empire de la loi ancienne, resterait d'actualité sous le nouveau régime. Certains auteurs préconisent d'appliquer la règle jurisprudentielle classique : dans la mesure où le testament olographe conférerait au conjoint plus de droits que sa vocation d'héritier, l'examen de l'article 1007 est nécessaire. Cette question peut paraître curieuse. Le conjoint est un héritier saisi de plein droit. Sa saisine est indivisible et lui permet d'appréhender l'intégralité de la succession, d'autant plus qu'en présence de réservataire le contrôle est en principe exclu. Ainsi que le souligne le professeur Michel Grimaldi, « il est étonnant que le titre lui retire ce que la loi lui donne » . La majorité de la doctrine considère qu'ayant la saisine, le conjoint n'a plus à faire contrôler sa qualité de légataire, de surcroît lorsqu'il est réservataire.
La solution que nous recommandons est celle de la signature d'une option dans laquelle les héritiers réservataires et les ascendants consentent à l'exécution de la libéralité, afin d'aligner le conjoint testamentaire sur la situation du conjoint institué contractuel par donation entre époux.
En présence d'ascendants uniquement : le conjoint est alors réservataire. Le legs universel lui ouvre des droits supérieurs à ses droits légaux. Certains préconisent d'appliquer par mesure de prudence le contrôle de la qualité du légataire. Nous préférons recourir à un consentement à exécution lorsque le conjoint vient en concours avec les ascendants et, lorsqu'il est seul ayant droit (par défaut d'application du droit de retour légal), de ne pas procéder à la vérification de son titre.
En l'absence de descendants et de père et mère, le conjoint recueille toute la succession (C. civ., art. 757-2) ; il est en outre réservataire dans cette configuration (C. civ., art. 914-1). Étant l'unique héritier, il n'a pas à demander la délivrance de son legs ni le contrôle de sa qualité de légataire, notamment aux frère et sœur.

Le conjoint légataire universel en présence de réservataire

Le défunt laisse un conjoint légataire universel par testament olographe et deux enfants d'unions différentes. Un doute subsisterait sur la nécessité d'examiner sa qualité. Nous recommandons un simple consentement à exécution.

Le conjoint légataire universel en présence d'ascendants

Le défunt laisse un conjoint légataire universel par testament olographe et son père. Un doute subsisterait sur la nécessité d'examiner sa qualité. Peu de notaires réalisent néanmoins cette formalité. Nous ne la conseillons pas.

Le conjoint légataire universel seul héritier

Un défunt marié a institué par testament olographe son épouse. Il ne laisse ni parents ni descendant, mais un frère. La veuve recueille sans formalité d'examen toute la succession.

– Situation du partenaire et du concubin. – Le partenaire comme le concubin gratifié se retrouvent dans la situation des légataires non héritiers. Ils doivent demander aux héritiers du sang ou au légataire universel la délivrance de leur legs particulier ou à titre universel, et aux réservataires la délivrance de leur legs universel. Ils doivent se soumettre au contrôle notarial de leur qualité de légataire universel dans tous les autres cas.

Le conjoint partenaire ; le concubin

Exemple : Le défunt laisse un frère et une sœur et un concubin. Il lègue à son concubin une somme d'argent de 100 000 €. Le concubin demande au frère et à la sœur de la personne décédée la délivrance de son legs.

Exemple : Le défunt a institué sa partenaire légataire universelle par testament olographe. Il ne laisse pas d'enfant, mais un frère et une sœur. La partenaire doit faire vérifier sa qualité de légataire (C. civ., art. 1007).

Exemple : Le défunt a institué sa concubine légataire universelle par testament olographe. Il laisse un enfant, fils de sa compagne. La concubine mère de l'enfant doit demander la délivrance de son legs à son fils.

Questions particulières

– Plan. – L'examen du titre testamentaire génère parfois des questions. Deux d'entre elles méritent une attention particulière : celle du testament international (§ I) et celle des legs à titre universel conjoints (§ II).

Le testament international

– Une nature hybride. – Le testament international introduit par la convention de Washington du 26 octobre 1973 est une forme hybride, une sorte de testament olographe ou mystique ouvert, présenté devant témoins au notaire. Très utile en contexte international, il mériterait d'être plus usité tant il simplifie le règlement successoral à l'étranger. Bien plus facile à exporter qu'un fragile titre olographe, il répond à l'attente des familles sans frontières, en se rapprochant du will anglo-saxon tout en conservant une spécificité notariale française.
Le testament international peut être dactylographié ou manuscrit par le testateur ou par un tiers. Il peut être rédigé en français ou dans une autre langue. Ses termes ne sont pas obligatoirement portés à la connaissance des témoins, ni même à celle du notaire, l'article 4 de la loi uniforme prévoyant seulement que le testateur déclare en séance que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu. Une attestation constatant la reconnaissance d'écriture et de signature est jointe aux dispositions de dernières volontés selon le modèle de l'article 10 de la loi uniforme.
Cette disparité de formes possibles n'est pas sans créer de doutes. Dans la mesure où la loi successorale serait la loi française, le contrôle de la qualité du légataire de l'article 1007 du Code civil en présence d'un testament international est-il nécessaire ?
La question demeure ouverte, et l'on comprend aisément pourquoi, tant sa forme peut revêtir de réalités différentes. À notre sens, deux situations sont à distinguer :
  • le testateur n'a fait que présenter au notaire un testament préétabli, sans que son contenu ait été porté à sa connaissance. Celui-ci dresse l'attestation de reconnaissance d'écriture et de signature, dont il remet un exemplaire au testateur. Il est difficile dans ces conditions de reconnaître une forme compatible avec l'authenticité justifiant une dispense ultérieure de contrôle de la qualité du légataire ;
  • à l'inverse, si le testateur a établi le testament avec le concours du notaire, qu'il en confirme les termes, le signe et le lui remet, le tout en présence des témoins, le notaire dresse l'attestation prévue par la loi, avec reconnaissance d'écriture et de signature et conserve l'ensemble dans son coffre-fort. Le titre du légataire universel revêt alors une authenticité qui justifie une dispense de vérification lors de l'ouverture de la succession. La preuve sera d'autant plus renforcée si l'acte a été reçu en minute sous la forme d'un « dépôt authentifiant », selon les termes du professeur Dagot. L'effet de ce dépôt authentifiant entraîne la transformation de la nature de l'acte déposé, qui devient authentique. Il permet d'assurer le contrôle du consentement des parties, la date certaine, la reconnaissance d'écriture et de signature des parties.

Un testament protéiforme

La convention de Washington n'impose pas de conditions de réception et de conservation du testament. Il est raisonnable de penser qu'il puisse être établi en minute, sous la forme d'un brevet, ou par acte sous seing privé. Il est envisageable que le notaire se limite à l'établissement de l'attestation de l'article 10 précité et que le document soit conservé par le testateur. Ainsi, au regard du droit français, le testament est protéiforme.
– Conseil pratique. – L'internationalisation des successions va nécessairement rendre plus attractive cette forme testamentaire. Le conseil pratique pour en assurer la pleine efficacité est de procéder à un dépôt ante mortem lui conférant un caractère authentique, d'une part, et rendant superflu son dépôt post mortem, d'autre part.
Trois conditions doivent être réunies :
  • le testament a été établi et préparé sous le contrôle du testateur avec le notaire. L'esprit de « la dictée » de l'article 972 du Code civil est de bonne pratique ;
  • le testament est daté et signé devant le notaire et la date est la même que celle de l'acte authentique auquel il est annexé ;
  • le notaire dresse l'acte de dépôt en minute, détaille la comparution du testateur et des témoins et précise les conditions de sa réception en la forme authentique. À la requête de tous, il dépose le testament et l'attestation à la minute mentionnant la reconnaissance d'écriture et de signature et la réquisition de conservation du testateur.

Le dépôt

En l'absence de précisions dans la convention de Washington sur les conditions de réception et de conservation, il demeure incertain de conclure que le testament international est systématiquement dispensé du contrôle notarial de la qualité du légataire. Seul le dépôt « ante mortem authentifiant » respectant les trois conditions énoncées le garantira.

Le legs universel conjoint ou multiple

– Pluralité de legs universels. – La question particulière de la pluralité de legs universels revêt une grande incidence pratique. Il est fréquent que le testateur établisse son testament sans l'aide d'un notaire et institue pour légataires des bénéficiaires ayant conjointement vocation au tout avec ou sans assignation de parts. Deux illustrations guideront le raisonnement.
À titre liminaire, il est précisé que la question d'un double legs de l'universalité de l'usufruit et de la nue-propriété à deux personnes différentes est analysée par la jurisprudence comme un legs universel de la nue-propriété et un legs à titre universel de l'usufruit. Elle n'est pas concernée par les développements qui suivent.

Deux illustrations d'un legs conjoint

J'institue pour légataires universels une association pour un tiers (1/3), deux cousins chacun pour un sixième (1/6<sup>e</sup>) et mon ami pour un tiers (1/3).

Je lègue à mon amie tous mes biens meubles et je lègue à telle association tous mes biens immeubles. Chacune supportera le passif à due concurrence.

– Quelle qualification ? – Ces dispositions doivent-elles s'analyser comme des dispositions universelles ou à titre universel ?
La question a un intérêt pratique important dans la mesure où les légataires universels sont saisis sous le contrôle du notaire de l'article 1007 du Code civil, alors que les légataires à titre universel ne sont pas saisis et dépendent de la délivrance des héritiers du sang, quand bien même ces derniers n'auraient aucun intérêt à intervenir.
– Une réponse incertaine. – Les deux types de legs sont définis dans le Code civil, sous l'article 1003 : « Le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès » et sous l'article 1010 : « Le legs à titre universel est celui par lequel le testateur lègue une quote-part des biens dont la loi lui permet de disposer, telle qu'une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier. Tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier ». Mais ces éléments de définition sont insuffisants, tant la frontière est étroite.
En l'état actuel du droit positif, la réponse est incertaine. La jurisprudence s'attache à la lettre du testament et à la recherche de l'intention du testateur. La doctrine recommande la prudence en distinguant selon que le legs a été fait avec ou sans assignation de parts.
Si le legs a été consenti sans assignation de parts, l'article 1044, alinéa 2 du Code civil pose une présomption d'universalité : « Le legs sera réputé fait conjointement lorsqu'il le sera par une seule et même disposition et que le testateur n'aura pas assigné la part de chacun des colégataires dans la choseléguée » . La jurisprudence reconnaît cette universalité même si les dispositions résultent de deux testaments distincts mais compatibles.
En revanche, si le legs a été fait avec assignation de parts, la réponse dépend des éléments propres à chaque espèce et, en cas de litige, relève de l'appréciation souveraine des juges du fond. Pour certains auteurs, il convient de s'assurer que « l'intention a été de transmettre son patrimoine à l'ensemble des légataires, à charge pour eux de se le partager » .
– Une problématique conduisant à une impasse. – Le notaire en charge de la liquidation est en première ligne pour apprécier le caractère universel de la pluralité de legs. La dénomination retenue par le testateur est un indice, mais un indice insuffisant.
Les éléments de discernement objectifs semblent plaider en faveur de la qualification de legs à titre universel. Tout d'abord, l'article 1010 précité édicte une liste limitative et impérative de cinq types de legs à titre universel. La doctrine estime ensuite que ce n'est pas parce que le testateur lègue l'intégralité de ses biens qu'il confère nécessairement une vocation au tout, à chacun des légataires, ni même au résiduel subsidiaire en cas de caducité des autres dispositions. Enfin la jurisprudence retient qu'il ne convient donc pas de raisonner au regard de l'émolument à recueillir, certains legs universels se révélant sans émolument et certains legs à titre universel concentrant un émolument total.
D'un point de vue plus subjectif, la recherche de l'intention du testateur semble en revanche mener à la qualification de legs universel. « Pour l'institution d'un héritier universel, la loi n'a pas prescrit de termes sacramentels : il suffit qu'il y ait, dans le testament, claire manifestation de la volonté du testateur de transmettre au légataire l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ». Du point de vue du notaire en charge du règlement, les legs à titre universel conjoints sont le plus souvent le résultat de l'ignorance et de la maladresse du testateur et non l'émanation d'une intention de faire appel aux héritiers du sang déshérités pour délivrer les legs. Il lui paraît hasardeux et inadapté de soumettre les légataires, ayant ensemble vocation à l'universalité, à la volonté des successeurs évincés, pauvres détenteurs illégitimes de la police de l'hérédité.
En outre, la solution de prudence qui conduirait le notaire à qualifier les legs de libéralités à titre universel mène à un parcours complexe, presque une impasse. Trois voies s'imposent alors pour le règlement successoral :
  • l'ouverture d'une vacance successorale (C. civ., art. 809), avec nomination d'un curateur ;
  • la désignation d'un mandataire successoral avec mission de délivrer les legs (C. civ., art. 813-1) ;
  • ou la recherche des héritiers ab intestat habiles à délivrer des legs, mais ayant une vocation successorale vide. Il pourrait être envisagé, dans ce cas, que les légataires à titre universel cantonnent leur legs pour motiver le consentement des héritiers du sang à la délivrance, appelés alors à recueillir une partie de l'héritage.
Aucune de ces voies n'est simple ni rapide. Ce qui est d'autant plus regrettable en présence d'une fiscalité très lourde entre non-parents.
– La réponse – in concreto . – Au regard des deux illustrations qui ont guidé notre réflexion, il pourrait être reconnu un caractère universel au premier testament (comprenant des assignations de parts différentes) s'il résulte des éléments extrinsèques du dossier que l'intention du testateur était de procéder entre eux à un partage de l'universalité. Tandis que le second testament (legs conjoints des meubles et des immeubles) semble exclure cette qualification, dans la mesure où il paraît compliqué de prétendre que l'un des légataires a une vocation subsidiaire. Il s'agit bien a priori de deux legs à titre universel.
– Précautions rédactionnelles. – En pratique, pour éviter cette situation inconfortable, il faut conseiller en amont la désignation d'un légataire universel avec pour mission de délivrer les legs à titre universel. Il convient d'éviter l'expression « à charge de délivrer le legs particulier », qui pose difficulté en cas de caducité du legs universel. Il est utile également de prévoir un légataire universel subsidiaire et une clause d'accroissement.
Appliquées aux deux exemples précédents, les rédactions à privilégier pourraient être les suivantes :
– Proposition de prospective législative. – Il est tentant pour le notaire de proposer aux clients une interprétation des dispositions testamentaires, conduisant à rechercher la volonté réelle du testateur pour parvenir à une qualification du legs en libéralité universelle. Mais l'interprétation, pour être valable, doit faire intervenir tous ceux qui y ont intérêt et, ainsi, ne saurait être opposable aux héritiers évincés non signataires. Dès lors, elle nécessite le concours des héritiers du sang, que l'on imagine mal se plier à l'exercice. Elle serait de surcroît officieuse, dans la mesure où elle dépend exclusivement de la compétence judiciaire.
Pour réduire ces cas d'incertitude, de blocage, de risque de mise en jeu de la responsabilité notariale, seule une intervention du législateur résoudrait la question. Le projet serait de soumettre au contrôle notarial de l'examen du titre, au lieu d'une délivrance de legs, les légataires à titre universel, en l'absence de réservataires, qui conjointement recueilleraient l'universalité de la succession. Par voie de conséquence la mission de vérification du notaire sur l'examen de la saisine de l'article 1007 du Code civil serait élargie aux legs à titre universel dès lors qu'ils porteraient sur l'universalité des biens du défunt.
La proposition n'est pas exempte de critiques, dans la mesure où l'hérédité du tout ne se confond pas avec la vocation universelle. Le meilleur moyen de comprendre cette acception, un peu obscure à première vue, est de se pencher sur l'absence de vocation héréditaire subsidiaire des légataires. Si l'un des gratifiés renonçait à la libéralité, ce sont bien les héritiers légaux qui en bénéficieraient. Elle marquerait en outre le recul de l'hérédité légale non réservataire, en remettant la saisine entre les mains des successeurs choisis par le défunt qui assureraient la continuité de sa personne. Elle imposerait de surcroît au notaire une attention particulière pour s'assurer que le testament couvre tous les actifs, tout le passif, tous les droits et toutes les obligations, y compris les fruits. Bien encadrée, la proposition aurait le mérite de l'efficacité.

Modification du mécanisme de délivrance

Pour éviter les cas de blocage en présence d'un legs à titre universel, le mécanisme de la délivrance prévu à l'article 1011 du Code civil pourrait être modifié avec l'ajout d'un alinéa : « Lorsque l'ensemble des legs à titre universel donne vocation à la totalité des biens (actif comme passif), la vérification du titre se fera sous la forme de l'article 1007 du Code civil ».

Tableau récapitulatif des formalités

– Synthèse. –
Qualité du légataire Nature du legs Qualité des héritiers présents Nature du testament Formalités
Le légataire n'est pas héritierLegs particulier ou à titre universelIndifférenteIndifférenteDélivrance de legs (C. civ., art. 1011 et 1014)
Le légataire n'est pas héritierLegs universelHéritiers réservatairesIndifférenteDélivrance de legs (C. civ., art. 1004)
Héritiers non réservatairesTestament olographe ou mystique, ou international simpleContrôle de la saisine et EEP* en cas d'opposition (C. civ., art. 1007)
Testament authentique, ou international avec dépôt ante mortem authentifiantAucune
Le légataire (ou institué contractuel par DEE**) est le conjoint réservataireLibéralité ou legs particulier ou à titre universelHéritiers non réservatairesIndifférenteNéant, consentement à exécution de bonne pratique
Libéralité ou legs universelHéritiers non réservatairesTestament olographe, mystique ou testament international simpleNéant (débat doctrinal ancien)
Testament authentique ou international avec dépôt ante mortem authentifiant, ou donation entre époux (DEE**)Aucune
Le légataire (ou institué contractuel par DEE**) est le conjoint non réservataireLegs particulier ou à titre particulierHéritiers réservatairesIndifférenteNéant, consentement à exécution de bonne pratique
Legs universel (ou libéralité universelle si DEE**)Héritiers réservatairesTestament olographe, mystique ou testament international simpleNéant, consentement à exécution de bonne pratique (minorité doctrinale dans le sens contraire)
Le légataire (ou institué contractuel par DEE**) est le conjoint non réservataire (Suite) Legs universel (ou libéralité universelle si DEE**)Héritiers réservatairesTestament authentique ou international avec dépôt ante mortem authentifiant, ou DEE**Aucune, consentement à exécution totale ou partielle de bonne pratique lors de l'exercice de l'option (C. civ., art. 1094), ou cantonnement
Le légataire est héritierLegs particulier ou à titre universelIndifférenteIndifférentNéant, consentement à exécution de bonne pratique
Legs universelEn l'absence de réservataireTestament olographe, mystique ou testament international simpleNéant (si le legs ne modifie pas le quantum de ses droits), contrôle de la qualité et EEP* si opposition (dans le cas contraire)
Testament authentique ou international avec dépôt ante mortem authentifiantNéant
En présence de réservatairesTestament olographe, mystique ou testament international simpleNéant