Les arguments préalables au choix

Les arguments préalables au choix

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– S'engager dans un Pacs. – Alors que les concubins sont unis de fait et que leur statut ne crée pas d'obligations entre eux, que les futurs époux embrassent une institution séculaire, les futurs partenaires souhaitent quant à eux voir reconnaître leur statut de couple. Mais alors, que signifie s'engager dans un Pacs ? Les couples vont contractualiser leur vie à deux, ce qui évitera l'absence de règles spécifiques du concubinage (Sous-section I). Cette contractualisation est souvent guidée par des considérations fiscales, sociales et professionnelles (Sous-section II). Les couples s'interrogent également sur la place du partenaire survivant dans l'ordre successoral (Sous-section III)450.

Contractualiser la vie à deux

– Un contrat d'une espèce particulière 451 . – Défini à l'article 515-1 du Code civil, le Pacs est un contrat conclu pour organiser la vie commune de deux personnes majeures452. À l'origine, le Pacs ne devait d'ailleurs avoir aucune incidence sur l'état des personnes. Aucune annotation de ce contrat n'était portée sur les actes de naissance des partenaires453. Puis, la loi du 23 juin 2006 a mis fin à cette pratique en créant l'article 515-3-1 du Code civil imposant une mention du Pacs sur l'acte de naissance de chaque partenaire454. Malgré cette réforme, le Conseil constitutionnel a indiqué que le Pacs conservait une nature contractuelle455. Néanmoins, ses dispositions figurant dans le livre premier du Code civil intitulé « Des personnes », les auteurs soulignent que le Pacs se révèle, par son objet, un contrat d'une espèce tout à fait particulière. Il est conçu comme « un statut du couple, à base contractuelle : comme le mariage, il touche à l'état des personnes »456.
– L'existence d'un couple. – Selon l'article 515-4 du Code civil, « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune ». Lors de l'adoption du Pacs, il a été indiqué qu'il n'est pas un simple arrangement entre amis457. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs précisé que « la notion de vie commune ne recouvre pas seulement une communauté d'intérêts et ne se limite pas à l'exigence d'une simple cohabitation entre deux personnes ; la vie commune mentionnée par la loi déférée suppose, outre une résidence commune, une vie de couple »458. Il ne fait aucun doute, selon cette analyse, que pour conclure un Pacs, les deux personnes doivent former un couple, ce qui suppose, au-delà de la forte communauté d'intérêts et d'affection entre deux personnes, des relations charnelles entre elles.

L'existence d'une relation de type filial entre deux personnes

– Une vie de couple. Le notaire doit-il accepter de recevoir un Pacs entre deux personnes qui déclarent avoir une vie commune mais dont le lien qui les unit correspond à celui qui existe entre un père et son fils ? La Cour de cassation a été amenée à se prononcer dans une telle affaire. Une personne sous curatelle renforcée envisageait de conclure un Pacs avec une personne bien plus jeune ; l'écart d'âge étant de quarante-quatre ans. Le curateur ayant refusé d'assister la personne juridiquement protégée lors de la conclusion de la convention, cette dernière a saisi le juge des tutelles d'une demande tendant à être autorisée à conclure un Pacs. La cour d'appel a refusé d'y faire droit considérant « que la notion de filiation est étrangère à celle de couple et que la définition de leur relation par MM. [X] et [J] ne correspond pas à celle du pacte civil de solidarité,les intéressés ayant déclaré que le lien qui les unissait était celui d'un père à son fils ». La décision est cassée par la Cour de cassation aux termes d'un arrêt du 8 mars 2017 pour violation des articles 515-1 et 515-2, 1o du Code civil. Les juges d'appel ayant constaté « d'une part, l'existence d'une vie commune de vingt-quatre ans entre les intéressés, d'autre part, l'absence de tout empêchement légal à la conclusion d'un pacte civil de solidarité », la convention devait être autorisée459. Si la solution posée par la Cour de cassation est conforme aux textes, on peut néanmoins être surpris par une telle décision. S'il n'existait entre les deux hommes aucun lien de parenté ou d'alliance empêchant la conclusion d'un Pacs, il n'était pas démontré qu'ils formaient un couple. Même si l'article 515-1 du Code civil définit le Pacs comme un contrat conclu par deux personnes physiques majeures pour organiser leur vie commune, il a toujours été présenté comme un contrat de couple. Il suppose par conséquent une communauté de vie et pas seulement une vie commune même si ces deux hommes ont partagé le même toit pendant vingt-quatre ans. Par ailleurs, comme le souligne un auteur, « l'opération avait été montée pour que M. X. puisse bénéficier d'un tarif fiscal plus avantageux (le pourvoi notait que la suggestion avait été faite par le notaire) sans pour autant aller jusqu'au mariage »460. Dès lors, il aurait été préférable pour ces deux hommes d'envisager une procédure d'adoption qui correspondait davantage au lien qui les unissait que de conclure un Pacs461. Cette décision n'ayant pas été publiée, elle constitue certainement un arrêt d'espèce. D'ailleurs, dans un autre arrêt rendu le 29 mai 2024462, la Cour de cassation n'a pas hésité à retenir la fictivité du Pacs conclu entre deux partenaires en raison notamment de l'absence de toute relation sentimentale, monsieur considérant sa partenaire comme sa propre fille.
Ce n'est pas faire œuvre de créativité notariale que de proposer un Pacs à de telles personnes dont l'objectif est manifestement de transmettre un patrimoine exonéré de toute fiscalité au premier décès. Le notaire devrait, dans une telle situation, refuser de le conclure. Mais quelle attitude doit-il alors adopter si ces mêmes personnes souhaitent conclure un contrat de mariage ? Il devrait sans doute prendre la même décision. Néanmoins, l'absence de contrat de mariage préalable à l'union aura pour conséquence de soumettre les époux au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts. Il est sans doute préférable que ces individus soient mariés sous un régime de séparation de biens. Est-il toutefois nécessaire de rappeler que « le mariage est nul lorsqueles époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu'en vue d'atteindre un but étranger à l'union matrimoniale »463 ?

Les aspects fiscaux, sociaux et professionnels

– Plan. – La contractualisation de la vie à deux est également guidée par des aspects fiscaux (§ I), sociaux (§ II) et professionnels (§ III) lesquels seront successivement rappelés.

Les aspects fiscaux

– Une extension aux partenaires. – De nombreuses dispositions fiscales applicables initialement aux époux ont été progressivement étendues aux partenaires et sont, indéniablement, « pour beaucoup dans le succès populaire du Pacs »464.
– L'imposition sur les revenus. – Concernant l'impôt sur les revenus, la conclusion d'un Pacs entraîne la soumission à une imposition commune comparable à celle des époux et distincte des concubins465. Toutefois, lors de l'année de la conclusion du Pacs, les partenaires peuvent opter, au même titre que les époux, pour une imposition distincte. Par ailleurs, en étendant aux partenaires « les règles d'imposition, d'assiette et de liquidation de l'impôt ainsi que celles concernant la souscription des déclarations » applicables aux époux, l'article 7 du Code général des impôts permet d'appliquer les exceptions prévues au 4 de l'article 6 du même code. Ils peuvent ainsi faire l'objet, à titre exceptionnel, d'une imposition distincte dans deux cas466 :
  • les partenaires sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ;
  • ou, lorsqu'en cas d'abandon du domicile par l'un ou l'autre des partenaires, chacun dispose de revenus distincts.
Si la dernière hypothèse ne devrait pas ou peu se rencontrer en pratique dans la mesure où il est simple et facile de rompre un Pacs, la première hypothèse interpelle davantage parce qu'elle fait référence, d'une part, à une séparation de biens et, d'autre part, à une absence de toit commun entre les partenaires. Seuls les partenaires ayant conclu un Pacs après le 1er janvier 2007 sous le régime de la séparation des patrimoines peuvent faire l'objet d'une imposition distincte en matière d'impôt sur les revenus à la condition de ne pas vivre sous le même toit467. Toutefois, ces derniers peuvent-ils vivre de manière séparée, à l'instar des époux468, alors qu'il est fait référence à une résidence commune à l'article 515-3 du Code civil469 ? Sur le plan fiscal, il a été expressément envisagé que les partenaires puissent ne pas vivre sous le même toit, et ce de manière constante, « sans égard aux motifs justifiant la résidence séparée (dissentiment, raisons professionnelles ou de santé, etc.) »470 ; la communauté de toit ne devant pas se confondre, selon la doctrine administrative, avec la notion de vie commune. Même si cette instruction n'a pas été reprise en intégralité par le BOFiP, le législateur fiscal considère, au regard des articles 6 et 7 du Code général des impôts, que les partenaires peuvent vivre séparément. Pour autant, les partenaires doivent avoir une communauté de vie et d'intérêts pour justifier de la réalité du Pacs et éviter ainsi sa remise en cause pour fictivité471.
– Les autres catégories d'imposition. – La conclusion d'un Pacs n'a aucune incidence sur la taxe foncière et la taxe d'habitation. En revanche, en matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI), la situation des partenaires est identique à celle des époux et des concubins pour lesquels l'ensemble de leur patrimoine est pris en compte. Si le législateur fiscal a prévu des cas d'imposition séparée pour les époux en matière d'IFI, ceux-ci ne s'appliquent pas aux partenaires472. Ne conviendrait-il pas, au titre de l'IFI, d'aligner les partenaires sur les époux pour une cohérence des régimes fiscaux ?
– Les droits de mutation à titre gratuit 473 . – Les successions entre partenaires sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit en vertu de l'article 796-0 bis du Code général des impôts. Il s'agit d'un argument phare pour les personnes souhaitant contractualiser leur vie à deux. Le Pacs est en effet plus avantageux que le concubinage et rejoint le mariage même s'il est nécessaire, pour le partenaire, de bénéficier d'une disposition à cause de mort474. Par ailleurs, les donations de biens présents entre partenaires bénéficient d'un régime fiscal identique à celui applicable entre les époux. Ils bénéficient d'un abattement de 80 724 € et des tranches progressives du barème fiscal475.

Donation de biens présents et Pacs

Selon l'alinéa 2 de l'article 790 F du Code général des impôts, l'abattement dont bénéficie le partenaire est remis en cause lorsque le Pacs « prend fin au cours de l'année civile de sa conclusion ou de l'année suivante pour un motif autre que le mariage entre les partenaires ou le décès de l'un d'entre eux ». Cet article ne vise expressément que l'abattement légal ; le législateur fiscal ayant omis de se prononcer sur la remise en cause des tranches du barème fiscal. En conséquence, s'il est nécessaire de recalculer les droits de donation sans tenir compte de l'abattement légal entre partenaires en cas de rupture du Pacs pour une cause autre que le mariage ou le décès, les tranches entre partenaires devraient continuer à s'appliquer476.
– Une solidarité fiscale. – Selon l'article 1691 bis du Code général des impôts, chacun des partenaires peut être recherché pour le paiement total de l'imposition sans qu'il y ait lieu de procéder entre eux à une répartition préalable de la dette fiscale du foyer. La solidarité fiscale entre partenaires s'applique notamment pour l'impôt sur les revenus lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ainsi que pour la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit. La jurisprudence a étendu cette solidarité aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine477. Ils sont également solidaires pour le paiement de l'IFI478. Cette solidarité fiscale ne cesse pas automatiquement avec la rupture du Pacs. Toutefois, les ex-partenaires peuvent demander à l'administration fiscale une décharge de paiement de l'impôt commun sous certaines conditions479.

Les aspects sociaux

– Des situations différentes selon les aides et les organismes. – Si le Pacs peut conférer des avantages pour les partenaires, il peut également n'avoir aucun effet, voire conduire à la minoration ou la perte de certaines prestations sociales notamment lorsque les plafonds de ressources sont appréciés en tenant compte des revenus des deux partenaires. Le notaire les informera de la nécessité de consulter, en amont de la conclusion du Pacs, chaque organisme à ce titre480. Quant au droit aux prestations en nature des assurances maladie et maternité, il est reconnu au partenaire de l'assuré social. Il peut également prétendre au bénéfice du capital décès481. En revanche, le Conseil constitutionnel a rappelé que le Pacs ne confère aucun droit à une pension de réversion contrairement au mariage. Cette distinction entre les modes de vie de couple ne méconnaît pas le principe d'égalité482. Plusieurs propositions de loi ont été déposées à l'effet d'étendre ce droit aux partenaires mais aucune n'a, pour l'heure, prospéré483. Par ailleurs, pour le cas où une personne, après le décès de son conjoint, vivrait de nouveau en couple, la conclusion d'un Pacs ne lui fait pas perdre, en principe, le droit à une pension de réversion dans le régime général de la sécurité sociale. Toutefois, une telle affirmation ne vaut pas pour les régimes spéciaux. En raison des réglementations très diverses, le notaire conseillera aux futurs partenaires de se renseigner auprès de chaque caisse de retraite concernée avant de conclure un Pacs.

Les aspects professionnels

– Différents avantages professionnels. – S'agissant des aspects professionnels, le Pacs produit des effets à la fois dans le secteur privé et dans la fonction publique. Il en va ainsi du bénéfice de congés tant lors de la conclusion du Pacs qu'en cas de décès d'un partenaire. De même, les conjoints travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané. Le Pacs permet également d'obtenir une mutation professionnelle dans la fonction publique. Le partenaire bénéficie alors d'une priorité dans l'ordre des mutations. Quant au statut du conjoint collaborateur, il n'est plus un statut réservé et est désormais accessible au partenaire du chef d'entreprise484.

L'absence de protection du partenaire

– L'absence de droit successoral. – Le partenaire survivant n'est pas un héritier, contrairement au conjoint survivant. Si les couples sont souvent surpris que le Pacs ne confère pas automatiquement de droits successoraux, il peut s'agir d'un argument favorable dans certaines configurations familiales. En effet, des familles recomposées peuvent souhaiter que la succession de chaque parent soit dévolue à ses propres enfants, sans interférence avec d'éventuels droits au profit du survivant selon l'ordre des décès. Cependant, le notaire sera confronté, de façon récurrente, lors la conclusion de la convention de Pacs ou ultérieurement à la faveur d'une acquisition immobilière, à la demande insistante des partenaires de se protéger mutuellement. Cette volonté consiste généralement à maintenir le survivant dans son logement pour lui assurer stabilité et maintien de son cadre de vie. Le législateur a prévu la possibilité pour le partenaire survivant d'invoquer le droit temporaire au logement si le de cujus ne l'en a pas privé par testament485. Néanmoins, ce droit prend fin à l'expiration du délai d'un an à compter du décès, le droit viager au logement n'ayant pas été étendu au partenaire survivant. Si les partenaires souhaitent se protéger au décès de l'un d'eux, un testament devra obligatoirement être établi puisque la loi ne leur confère aucun droit successoral. Les droits consentis par le testateur ne devront pas excéder la quotité disponible ordinaire. Par ailleurs, le partenaire survivant ne pourra demander l'attribution préférentielle notamment des droits par lesquels sont assurés le logement et le mobilier le garnissant que si la personne décédée lui a conféré cette faculté par testament486. Pour pallier l'attente des clients, le notaire prodiguera des conseils avisés tant pour la conclusion du Pacs que la rédaction d'un testament487.
– L'absence de prestation compensatoire. – Le Pacs peut être rompu librement sur déclaration conjointe des partenaires ou par décision unanime de l'un d'eux. Chacun peut en effet, à tout moment, reprendre sa liberté, « sans « préavis » et sans avoir à invoquer une faute de l'autre partenaire »488. La rupture d'un Pacs est facile et rapide, d'où son succès auprès des couples. Néanmoins, la contrepartie de cette simplicité et rapidité réside dans l'absence de prestation compensatoire, et ce, même en cas d'inégalité dans les conditions de vie des ex-partenaires. Quand bien même la rupture est libre, l'un des partenaires peut être tenu de verser à l'autre des dommages et intérêts, sans que ce versement soit pour autant qualifié de prestation compensatoire. Ils peuvent alors être fondés sur la responsabilité contractuelle pour violation des obligations résultant du Pacs, d'une part489, et sur la responsabilité délictuelle en raison du préjudice causé par les circonstances de la rupture, d'autre part490. Si cette responsabilité délictuelle peut naître d'une faute, elle peut également être envisagée en dehors de celle-ci, ce qui conduit à s'interroger sur l'existence d'un dommage causé par la rupture du Pacs elle-même, indépendamment des circonstances.