– Plan. – L'objectif n'est pas de répertorier l'ensemble des clauses pouvant être stipulées à l'occasion d'un contrat de mariage de communauté, mais plutôt de faire ressortir celles qui répondent aux deux préoccupations essentielles des époux en pratique : la protection du conjoint, d'une part (§ I), et la protection de son patrimoine, d'autre part (§ II).
Les aménagements spécifiques
Les aménagements spécifiques
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Les clauses permettant la protection du conjoint
– Nuances et diversité. – Par une clause expresse de leur contrat de mariage, les époux peuvent décider d'étendre la masse commune par rapport au modèle que constitue le régime légal. L'adoption d'une communauté de meubles et acquêts ou d'une communauté universelle n'est en elle-même que le résultat de cette extension. Entre la communauté réduite aux acquêts et la communauté universelle, des nuances existent.
La clause de mise en communauté
– La clause de mise en communauté301. – La clause de « mise en communauté » a pour but de faire entrer dans l'actif de communauté des biens, de nature mobilière ou immobilière, qui seraient, à défaut, demeurés propres aux époux en vertu des règles ordinaires du régime matrimonial adopté. Cette clause se rencontre fréquemment à propos du logement familial (mise en communauté à titre particulier), mais elle peut également concerner une catégorie de biens (mise en communauté à titre universel). Mais la clause définissant le bien en fonction de sa seule affectation est à proscrire. Celle-ci est susceptible d'entraîner une variation de la qualification du bien en fonction de la variation de son affectation. L'objet de la clause doit être le bien lui-même détaché de toute affectation, au risque de contrevenir au principe de mutabilité réglementée du régime matrimonial de l'article 1397 du Code civil.
Le transfert de propriété au profit de la communauté ne s'opère pas nécessairement sans contrepartie. Une récompense peut être prévue au profit du patrimoine de l'époux apporteur302, le contrat devant le prévoir expressément303.
L'objectif de l'époux peut être double : il peut être d'une part strictement matrimonial. En apportant un bien à la communauté, l'époux peut ensuite prévoir une attribution particulière de celui-ci lors du décès (comme une clause de préciput par exemple). D'autre part, l'objectif peut aussi être la transmission future du bien dans la perspective d'une donation.
– La donation avec clause d'entrée en communauté. – L'article 1405, alinéa 2, du Code civil autorise explicitement le disposant à prévoir dans l'acte contenant la libéralité adressée à un époux commun en biens que l'objet de cette libéralité appartiendra à la communauté. Il s'agit alors pour le donateur de faire échec au jeu de l'article 1405, alinéa 1er, prévoyant que sont propres à l'époux bénéficiaire, tous les biens reçus à titre gratuit pendant le mariage. Cette clause était fréquemment rencontrée dans le passé, notamment lorsque des parents transmettaient à un enfant un terrain pour qu'il puisse y édifier son logement. Elle est désormais déconseillée à cause du potentiel risque de désunion. En effet, le bien devenu commun ne bénéficie pas d'une disposition similaire à la reprise des apports pour protéger un bien familial. L'insécurité provient ainsi du risque d'atteinte à la réserve héréditaire de l'enfant donataire. Ainsi, dans le cas où les parents donateurs ne seraient pas décédés au jour du divorce du donataire, il est possible qu'au jour de la succession, alors qu'il sera comptable de la totalité de la donation, le bien donné compose sa réserve, laquelle doit lui être dévolue libre de toute charge. Au moment du divorce, l'actif commun ne pourra alors être que provisoire, et l'on pourra découvrir ultérieurement que le bien n'a jamais fait partie de la communauté304.
La clause de préciput
– Plan. – Seront abordés successivement le régime civil (I) puis le régime fiscal (II) de la clause de préciput.
Régime civil
– Objet et finalités. – Lorsque l'objectif des époux est de protéger le conjoint et d'organiser la succession entre celui-ci et les autres héritiers, il peut être proposé d'insérer une clause de préciput. Réglementée par les articles 1515 à 1519 du Code civil, la clause de préciput est une convention dont l'objet est de permettre à un époux de prélever, avant tout partage et sans contrepartie, certains biens faisant partie de la communauté. Il s'agit d'une « clause traditionnelle », fréquemment utilisée en pratique, qui remplit une double finalité : à l'instar de la clause de prélèvement moyennant indemnité, elle permet l'attribution en nature d'un bien, évite l'indivision successorale entre le conjoint survivant et les autres héritiers sur les biens concernés ainsi que les aléas d'un partage en nature. Toutefois, elle s'en distingue par son caractère gratuit. Cette faculté rompt par conséquent l'égalité dans le partage. À cet égard, elle constitue un avantage matrimonial.
La clause de préciput participe de la logique d'anticipation patrimoniale poursuivie à l'égard du conjoint survivant qui « ne consiste (…) plus nécessairement à lui attribuer davantage mais à transmettre mieux »305.
Sur le plan économique, elle permet de faciliter la transmission des entreprises familiales et des biens.
– Caractère particulier et passif. – Cette faculté de prélèvement est nécessairement stipulée à titre particulier, ce qui exclut toute incidence sur la répartition du passif commun306.
– Convention de mariage. – La clause de préciput est une convention de mariage relevant de la qualification d'opération de partage. Elle a pour trait caractéristique d'être d'origine conventionnelle, tirant sa force obligatoire de la volonté des parties, exprimée dans une convention matrimoniale. La convention à l'origine du préciput est de nature matrimoniale. Plusieurs conséquences en découlent : effet déclaratif, cumul avec les droits successoraux du conjoint survivant, non-réductibilité pour atteinte à la réserve, etc.
307
La question de savoir si l'exercice du préciput constitue un partage ou une « opération de partage » est d'une actualité brûlante au regard des prétentions de l'administration fiscale dans le cadre des redressements qu'elle opère actuellement308. Traditionnellement, des auteurs qualifient l'exercice du préciput d'opération de partage pour expliquer l'absence de droits de mutation à titre gratuit, mais n'en concluent pas que le droit de partage est applicable. Mais la doctrine récente écarte la qualification d'opération de partage au préciput309.
– Bénéficiaires de la clause. – La double option proposée par l'article 1515 du Code civil est la suivante : le préciput peut être stipulé au profit, soit du survivant des époux, soit de l'un d'eux s'il survit (nommément désigné par la clause). Pour autant, la dissolution de la communauté pour une autre cause que le décès n'exclut pas l'exercice du préciput.
La question s'est posée de savoir s'il convient de réserver le jeu de l'option au seul cas de dissolution de la communauté par décès ou d'en étendre l'application quelle que soit la cause de dissolution. La loi apporte elle-même la solution, non pas dans l'article 1515, mais dans l'article 1518 du Code civil. La licéité du préciput sous condition de survie, quelle que soit la cause de dissolution de la communauté, est un principe aujourd'hui unanimement admis par la doctrine310.
Toutefois, la convention matrimoniale limite très souvent en pratique l'avantage à ce seul cas de dissolution. En effet, les praticiens ont pris l'habitude de prévoir une clause de liquidation alternative en réservant les avantages matrimoniaux au seul cas de dissolution du régime par décès.
Mais les époux peuvent manifester la volonté de maintenir l'avantage matrimonial (le préciput prenant effet au décès du prémourant des époux, il est en principe révoqué de plein droit par le divorce en vertu de l'article 265, alinéa 2, du Code civil). Dans un tel cas, le préciput s'exerce non pas à la dissolution de la communauté, mais ultérieurement, une fois le premier décès survenu. S'ouvre alors une période incertaine et inconfortable dont la durée n'est pas connue. Son dénouement est incertain selon l'ordre des décès dans l'hypothèse où le bénéficiaire du préciput est un des époux nommément désignés. Cette période impose un maintien en indivision ou un partage provisoire de la communauté avant un partage définitif réalisé au premier décès.
La possibilité de déroger à l'effet différé du préciput prévu à l'article 1518 du Code civil, pour lui conférer un effet immédiat, fait toujours l'objet d'un débat en doctrine et n'a jamais été tranchée en jurisprudence. Il pourrait être opportun, par une modification législative, d'autoriser la stipulation de l'effet immédiat du préciput à la dissolution du régime, quelle que soit sa cause.
– Liberté d'aménagement de la clause. – La question s'est posée de savoir si les époux ont ou non la liberté de limiter ou d'élargir le champ de la clause de préciput. L'option légale est-elle seulement indicative ou les époux sont-ils restreints à la lettre du texte ? Les auteurs sont très majoritairement favorables au caractère simplement indicatif des énonciations légales, ce qui laisse le champ libre à tout aménagement possible311. Très peu d'auteurs en restent à une interprétation stricte du texte ou excluent de ne stipuler aucune condition de survie312.
– Utilité civile du préciput. – Offrant une alternative aux libéralités entre époux, la clause de préciput ne se heurte pas à la limitation de la liberté de disposition à titre gratuit résultant de la réserve héréditaire, dans le cas seulement d'enfants communs du couple. Sa souplesse, par sa modularité dans son extension, et son adaptabilité au plus proche des besoins de l'époux, la rapprochent des libéralités à cause de mort susceptibles de cantonnement.
– Quels sont les biens pouvant faire l'objet d'une clause de préciput ? – Le préciput ne peut porter que sur des biens communs. Il ne peut pas porter sur des biens propres, ni sur des biens personnels dans un régime séparatiste. En revanche, un bien dépendant d'une société d'acquêts peut faire l'objet d'une telle clause.
Ainsi, un bien peut faire l'objet d'un apport à communauté ou à une société d'acquêts, dans le contrat de mariage ou dans une convention matrimoniale ultérieure, ce qui permettra de stipuler ensuite une clause de préciput sur ledit bien313.
N'importe quel bien commun peut faire l'objet d'un préciput. Celui-ci peut porter sur une somme d'argent à la condition que le montant soit déterminé ou déterminable, sur un ou plusieurs biens communs, ainsi que sur une catégorie ou un ensemble de biens déterminables par leur nature ou leur affectation. Il peut, au gré des parties, être stipulé en usufruit aussi bien qu'en pleine propriété.
Dans la pratique, le préciput porte généralement sur la résidence principale qu'il convient de désigner par sa qualité. Il faudra en effet préférer une clause portant sur « la résidence principale » plutôt que d'indiquer une adresse précise. Si, au jour du décès, les époux avaient déménagé dans un autre bien, la clause ne pourrait pas s'appliquer. Le préciput ne s'appliquerait pas davantage si les époux avaient emménagé dans un bien propre ou personnel du défunt.
Un préciput sur les meubles meublants, les objets mobiliers, les véhicules par exemple peut également s'avérer utile, évitant ainsi une revendication éventuelle des héritiers au premier décès.
En outre, il est également au cœur des stratégies d'optimisation des contrats d'assurance-vie souscrits par des époux. Il permet de prélever, avant la dissolution de la communauté, la valeur de rachat du contrat d'assurance-vie non dénoué et de contourner les conséquences civiles de l'arrêt Praslicka du 31 mars 1992314. Cette valeur de rachat est alors soustraite de la masse commune315. Si un préciput sur la valeur de rachat présente un intérêt civil, il n'a aucune conséquence sur le plan fiscal, si ce n'est un éventuel droit de partage316. Depuis la réponse ministérielle Ciot, la valeur des capitaux d'assurance-vie non dénoués au décès n'est plus soumise aux droits de succession.
– L'exercice du préciput. – Le bénéficiaire du préciput exerce son prélèvement en nature. Néanmoins, il doit respecter les actes faits par son conjoint pendant la communauté dans la limite de ses pouvoirs. Le préciput ne peut s'exécuter que sur l'actif net de la communauté, après que le conjoint a exercé ses récompenses et que les créanciers de la communauté ont été payés. Ces derniers pourront toujours exercer leurs poursuites sur les biens objets du préciput. Aucun délai n'est prévu par la loi pour l'exercice du préciput. Il est conseillé de prévoir des stipulations précises (comme une mise en demeure) dans le contrat de mariage.
– Le préciput, une simple faculté d'exercice. – Contrairement aux autres avantages matrimoniaux qui constituent des modalités obligatoires de liquidation du régime matrimonial, la clause de préciput n'est qu'une simple faculté. Ainsi, le conjoint survivant est libre d'exercer ou non le préciput dont il bénéficie.
Régime fiscal
– Prétention de l'administration fiscale. – Traditionnellement, la clause de préciput bénéficiait d'un traitement fiscal favorable puisqu'elle échappait à la taxation des droits de mutation à titre gratuit alors que dans le même temps, les libéralités faites au conjoint y étaient encore assujetties. Par ailleurs, le préciput n'était pas davantage taxé au titre du droit de partage dans la mesure où il aboutit à un prélèvement « avant partage ».
Cette souplesse a disparu progressivement au fil des années, l'administration fiscale opérant un durcissement de sa politique de recouvrement de l'impôt. Ainsi, elle a commencé à procéder à des redressements en appliquant un droit de partage lors de l'exercice du préciput.
L'argumentaire avancé est toujours à peu près le même : « le prélèvement à titre de préciput aurait lieu avant le partage de la succession, mais non pas avant celui de la communauté qu'il contribuerait au contraire à réaliser en soustrayant les valeurs prélevées à l'indivision post-communautaire, de sorte que la taxation s'imposerait »317. Partant, « pour justifier de l'application du droit de partage, l'administration se fondait sur l'interprétation classique du préciput le qualifiant d'opération de partage auquel tous les effets du partage sont attachés : le préciput constituerait une modalité de partage en raison de la qualité de copartageant du conjoint survivant laquelle lui permet de prélever sur la masse commune les biens objet du préciput »318. Or, selon la doctrine administrative, l'exigibilité du droit de partage impose quatre conditions : l'existence d'un acte, l'existence d'une indivision entre copartageants, une indivision justifiée et l'existence d'une véritable opération de partage. Selon des auteurs, ces conditions ne sont pas réunies pour exiger un tel droit. Néanmoins, ce n'est pas la position adoptée par l'administration fiscale319.
– État du droit positif. – Face à cette question embarrassante, les juges du fond se sont montrés divisés. Certains rendent des décisions favorables aux contribuables en considérant que l'administration fiscale n'avait pas à appliquer le droit de partage aux prélèvements préciputaires320. D'autres, à rebours, ont confirmé l'application du droit de partage321.
Face à ces décisions contradictoires, la doctrine la plus autorisée est montée au créneau aux fins d'écarter la qualification d'opération de partage au préciput et affirmer que l'application du droit de partage à l'exercice d'un préciput apparaît ainsi injustifiée322.
Saisie de la question, la chambre commerciale de la Cour de cassation a préféré interroger la première chambre civile pour avis sur la question suivante : « le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l'article 1515 du Code civil constitue-t-il une opération de partage ? ».
La clause aménageant le régime des récompenses
– Principe. – Les clauses aménageant le régime des récompenses procèdent de la volonté de moduler les règles des articles 1433 à 1469 du Code civil. Il s'agira de déroger au mécanisme de la naissance d'une récompense, de moduler à la hausse ou à la baisse les diverses clés de calcul ou encore, de supprimer les récompenses déjà existantes.
– L'étendue de la clause de dispense de récompense. – Le mécanisme des récompenses a pour but de rétablir l'équilibre entre les masses propre et commune en cas de mouvement de valeur entre elles au cours du régime de la communauté. Les hypothèses de chef de récompense sont multiples dans la pratique et sont induites par la communauté de vie. Toutefois, les époux peuvent aussi souhaiter prévoir une clause de dispense de récompense.
Cette dispense peut-elle être envisagée comme une dispense de récompense générale ? Même si elle reste théoriquement envisageable, la renonciation à tous chefs de récompense semble contestable en pratique dans la mesure où elle dénaturerait le régime de communauté adopté par les époux. En outre, la renonciation qui porterait par exemple sur l'ensemble des récompenses dues à un patrimoine propre pourrait exposer à un risque fiscal de requalification323. Ce risque pourrait être écarté dès lors que la renonciation unilatérale est justifiée par le souci d'écarter toute difficulté de preuve, d'évaluation ou encore lorsqu'elle est susceptible de faciliter le règlement patrimonial global ou de le rendre plus équitable. Il semble préférable pour les époux de prévoir une dispense de récompense limitée à un ou plusieurs chefs de récompense en précisant les hypothèses dans lesquelles il n'y aura pas lieu à récompense.
Les hypothèses peuvent être diverses et concerner, par exemple :
- les travaux financés par la communauté sur un bien immobilier propre de l'un des époux, notamment lorsque ce bien constitue la résidence principale des époux ;
- le financement de l'acquisition ou de l'amélioration d'un bien immobilier commun au moyen de deniers propres ;
- le cas de la souscription d'un contrat d'assurance-vie au moyen de deniers communs au bénéfice de tiers en régime de communauté universelle avec clause d'attribution en présence d'enfants d'un premier lit.
Tous ces chefs de récompense et bien d'autres encore peuvent faire l'objet d'une clause de dispense.
– Comment adopter une clause de dispense de récompense ? – La clause de dispense de récompense constitue une clause liquidative. Elle est par conséquent prévue dans la convention matrimoniale. Il n'est pas possible d'insérer une telle clause dans un testament, ni dans un acte de donation qui préciserait que l'opération ne générera pas de récompense.
Les clauses permettant à l'époux de protéger son patrimoine
– Diversité des clauses. – Les inconditionnels du régime de communauté, ou ceux qui, raisonnablement attirés par un régime séparatiste, préféreront s'en détourner pour rester dans le giron communautaire, ont tout intérêt à régler avec précision les rouages de leur contrat de mariage. Il peut être recommandé d'aménager le régime de communauté par des clauses permettant d'exclure certains biens de la masse commune ou encore certains revenus particuliers.
Mais avant d'envisager ces clauses d'exclusion, il est important de rappeler que, dans une quête de protection de leurs biens, les époux peuvent également jouer sur d'autres leviers.
Tout d'abord, le contrat de mariage peut prévoir de modifier les règles de calcul des récompenses prévues à l'article 1469 du Code civil. Il sera par exemple possible de prévoir un remboursement des dépenses faites par un époux pour le compte de son conjoint au nominal ou avec des intérêts à définir au lieu de prendre en compte le profit subsistant ou la dépense faite.
Ensuite, les époux peuvent porter une attention particulière sur les clauses de présomption de propriété. Dans l'optique de sauvegarder le patrimoine propre et ainsi restreindre la masse commune, il peut être utile de concevoir l'adjonction de clauses se rapportant à la preuve du caractère propre des biens, soit quant aux moyens de preuve, soit quant à la charge de la preuve. Ainsi, des clauses de présomption de propriété telles qu'on peut les rencontrer en régime de séparation de biens pourraient utilement être prévues324.
Enfin, il conviendra de rappeler aux époux, comme déjà évoqué, l'utilité de stipuler des clauses d'emploi et de remploi de biens propres, ou pour le moins des déclarations d'origine des deniers, en cas d'acquisition d'un nouveau bien, pour permettre de revendiquer par la suite une récompense ou une reprise en nature de bien propre par l'effet de la subrogation.
La clause d'exclusion de communauté ou stipulation de propre
– Principe. – La clause de stipulation de propre vise à limiter les effets de la règle selon laquelle les biens acquis à titre onéreux ou créés, pendant le mariage, entrent en communauté sans que soient formalisées les déclarations d'emploi ou remploi325. L'exclusion de la masse commune de biens, qui auraient dû en principe y être compris, peut être à titre universel ou à titre particulier. Elle peut porter sur des meubles ou des immeubles326. Elle peut être prévue au bénéfice d'un seul des époux, ou être réciproque, mais en prévoyant éventuellement une portée différente pour chacun des époux.
L'exclusion de communauté à titre universel peut constituer, comme la mise en communauté à titre universel mais par l'effet du mécanisme inverse, un moyen d'équilibrer les apports des époux. L'exclusion de communauté à titre particulier revêt le plus d'intérêt. Ainsi peut-on stipuler propres les offices ministériels, un cabinet libéral, un fonds de commerce, des parts ou actions de société, etc.
Il est juridiquement possible de prévoir cette clause d'exclusion des biens professionnels, semblable à celle qui peut être stipulée en régime de participation aux acquêts, alors même que la pratique notariale ne l'utilise pas. Cela mérite d'être clarifié.
Or, cette clause permet notamment d'exclure de la communauté l'outil de travail. On sait que la volonté de protéger les biens professionnels est de plus en plus prégnante chez nos concitoyens, y compris chez ceux qui entendent se marier sous un régime par essence communautaire. Or, en l'état, la stipulation de propre peut permettre de répondre à la volonté d'un époux entrepreneur et, partant, à un reproche régulièrement adressé au régime de communauté.
L'époux peut également souhaiter exclure les revenus en résultant. Cependant la prudence est de rigueur. Il convient de rappeler que les gains et salaires sont des biens communs par nature. Il n'est pas concevable de les exclure dans une logique communautaire sans risquer de vider la communauté de sa substance. Toutefois, même dans l'hypothèse où aucune exclusion des revenus du bien professionnel n'était stipulée, les conséquences pour la communauté peuvent être importantes et différentes en fonction de l'activité professionnelle des époux. L'époux salarié verrait ses gains et salaires entrer dans la communauté, alors que les dividendes de la société ne sont considérés comme communs qu'à partir du moment où ils sont distribués. Cette situation pourrait produire dans les faits une énorme injustice.
Par ailleurs, et sauf convention contraire, les fonds communs qui seront réinvestis dans les biens professionnels produiront récompense.
– Fiscalité successorale. – L'exclusion des biens professionnels emporte un inconvénient en cas de rupture du mariage par décès. L'actif de communauté ne pouvant pas être à géométrie variable selon l'issue du mariage, les droits de succession seront plus élevés pour les héritiers de l'époux s'étant réservé des biens propres que si ces biens étaient entrés en communauté. En effet, ils seront taxés aux droits de succession sur la totalité des biens au lieu de ne l'être que sur la moitié.
– Le sort du passif. – L'exclusion de communauté stipulée sur les biens professionnels permet-elle de limiter le gage des créanciers professionnels au patrimoine professionnel de l'époux ?
Au vu des règles déjà évoquées relativement au sort du passif sous un régime de communauté de biens réduite aux acquêts327, l'ensemble des biens propres (et donc le patrimoine professionnel) et les biens communs constitue le droit de gage des créanciers de l'époux relativement à son activité professionnelle (sauf cautionnement ou emprunt). Ainsi, une dette née pendant le mariage d'une action en responsabilité de l'époux dans le cadre de son activité professionnelle est commune au plan de l'obligation engageant l'ensemble des biens communs du couple. Les biens propres du conjoint sont, quant à eux, exclus du droit de gage.
Toutefois, quant à la contribution à la dette, les dettes contractées dans l'intérêt personnel de l'un des époux ainsi que pour l'acquisition, l'amélioration, la conservation d'un bien propre restent personnelles à l'époux. Si elles sont payées par la communauté au titre de l'obligation à la dette, elles génèrent alors un droit à récompense au profit de la communauté.
Lorsque les époux prévoient une clause d'exclusion de la communauté à titre particulier, comme en l'espèce l'outil professionnel, ils souhaitent généralement faire peser le passif y relatif sur le seul époux concerné. En matière de contribution à la dette, il est important que la convention matrimoniale le prévoie expressément.
– La gestion des droits à récompense afférents aux biens professionnels. – Au contraire, les époux ont pu prévoir une clause d'exclusion des droits à récompense afférents aux biens professionnels dans la convention matrimoniale. Dans cette hypothèse, aucune récompense ne sera due au titre des dettes afférentes au patrimoine professionnel des époux. La communauté supportera alors à titre définitif toutes les dépenses liées au patrimoine professionnel des époux malgré son caractère propre. En revanche, un tel aménagement ne paraît pas pouvoir concerner l'obligation à la dette qui présente un caractère impératif selon la doctrine. Comme l'affirment certains auteurs, « l'article 1501 précité [du Code civil] est un argument en ce sens. Autant le principe de la liberté des conventions matrimoniales doit permettre tout aménagement de la contribution aux dettes, seuls les intérêts des époux étant en cause, autant la sécurité des créanciers justifie que les époux ne puissent porter atteinte à leur droit de poursuite, tel qu'il est défini par la loi dans chacun des régimes de communauté »328.
La clause d'exclusion des fruits et revenus des biens propres
– Principe. – Les fruits et revenus de biens propres, économisés ou non, forment des biens communs. Il est néanmoins possible de stipuler conventionnellement qu'ils conserveront le caractère de propre. Garantir le caractère propre de ces biens assure une indépendance et une liberté supplémentaire à l'époux propriétaire du bien frugifère, et donne « sa pleine portée à la jouissance exclusive des biens propres » prévue à l'article 1428 du Code civil329. Corrélativement, les biens acquis au moyen de ces fruits et revenus seront propres sous couvert du respect du formalisme de l'emploi et du remploi.
L'exclusion des fruits et revenus de propres ne dénature pas le régime dans la mesure où ceux-ci ne sont pas considérés comme des biens communs par nature, contrairement aux gains et salaires.
Cette clause peut être utilement stipulée lorsqu'un prêt a été souscrit avant le mariage pour l'acquisition, ou en cours de mariage, pour la construction ou la rénovation d'un bien propre, qui sera remboursé au moyen des loyers perçus. Les fruits et revenus du bien propre serviront alors au paiement d'une dette propre.
En revanche, sans cette stipulation, l'époux se trouvera débiteur d'une récompense pour les deniers communs qui auront servi à financer un bien propre, ce qu'il ne découvrira bien souvent qu'au jour de la dissolution de la communauté, sauf à avoir individualisé les revenus de biens propres sur un compte spécifique et pouvoir en justifier.
La clause de reprise des apports en cas de divorce
– Principe. – Il peut être prévu dans un contrat de mariage que les biens apportés en communauté auront un sort différent à la liquidation du régime matrimonial selon la cause de dissolution du régime. Par le décès de l'un des époux, les biens apportés resteront communs. Par le divorce, l'époux apporteur les reprendra. Une telle clause n'est pas contraire au principe d'immutabilité des régimes matrimoniaux. Elle constitue simplement une modalité du partage des biens.
– Naissance de la clause dite « alsacienne » et consécration législative. – La validité, un temps discutée, de cette clause inspirée de la faculté légale de reprise en faveur des héritiers, prévue par l'article 1525, alinéa 2, du Code civil, a été admise par la Cour de cassation330. Cette clause ne fait que « permettre à son bénéficiaire d'opérer un prélèvement en nature (…) sur l'actif de la communauté, après l'acquittement du passif et avant le partage ou l'attribution intégrale des acquêts »331.
Les positions jurisprudentielle et doctrinale peuvent être ainsi résumées :
- la clause est valable au moins si elle réserve et préserve les intérêts des tiers ;
- la communauté a droit à récompense en raison des travaux (ou améliorations) dont elle a assumé la charge sur un bien apporté par un époux, lorsque celui-ci est repris en nature après divorce.
La question a été posée du sort de cette clause, en cas de divorce des époux, au lendemain de la réforme du 26 mai 2004332. Il a alors été débattu du point de savoir si la clause de reprise des apports, en cas de dissolution du mariage par divorce, ne constituait pas un avantage matrimonial ne prenant effet qu'à la dissolution du régime et n'était pas, en conséquence, affectée par la révocation de plein droit. La Cour de cassation a considéré que « la clause de reprise des apports stipulée au contrat de mariage portant adoption du régime de la communauté universelle ne confère aux époux aucun avantage matrimonial »333.
La loi du 23 juin 2006 a ajouté un alinéa 3 à l'article 265 du Code civil : « Toutefois, si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu'ils auront apportés à la communauté ». La « clause alsacienne » bénéficie ainsi, d'une reconnaissance légale de son efficacité dans le divorce.
– Devoir de conseil du notaire. – Les juges ont pu engager, avec sévérité, la responsabilité du notaire qui n'avait pas averti les époux de la faculté de prévoir une clause alsacienne. Mais la Cour de cassation a considéré qu'une telle clause ne se justifiait pas en l'absence d'apports déséquilibrés. Toutefois, lors du choix du régime matrimonial, cette clause est donc devenue un point de vigilance. Il peut d'ailleurs être judicieux d'envisager l'adjonction d'une clause de reprise des apports, si elle fait défaut, dans les anciens contrats de mariage.
– Nature de la clause. – Ni la loi, ni la jurisprudence n'ont précisé la nature de la clause de reprise des apports334. La clause de reprise constitue-t-elle un avantage matrimonial ? La Cour de cassation a décidé que tel n'est pas le cas. Cette solution reste critiquée par une partie de la doctrine. Toutefois, elle ne procure pas un avantage par rapport à l'application du régime légal. Ce serait même, selon un auteur, « son exact contraire » au motif qu'« il s'agit d'une clause aboutissant à liquider une communauté universelle de la même manière qu'une communauté légale : elle ne constitue pas un avantage matrimonial, au contraire son but est d'en anéantir un ! »335.
La clause ne constitue pas une libéralité et la doctrine est divisée à l'effet de la considérer comme une opération de partage. « Il semble préférable de considérer que la clause de reprise n'est qu'une modalité de l'apport »336.
– Société d'acquêts. – La question se pose de savoir si la clause de reprise des apports peut s'exercer dans le cadre d'une société d'acquêts. Certains auteurs retiennent une lecture littérale du texte pour le refuser337, tandis que d'autres l'admettent, la société d'acquêts étant assimilée à une communauté338.
– Communauté universelle. – La question se pose de savoir si les biens reçus par succession ou donation au cours du régime de communauté universelle peuvent faire l'objet d'une reprise, l'article 265, alinéa 3, du Code civil visant uniquement « les biens qu'ils auront apportés à la communauté »
339. Plusieurs auteurs considèrent que la clause de reprise des apports redimensionne la communauté aux seuls acquêts340. Mais il peut être judicieux de prévoir une clause précise à ce titre dans le contrat de mariage.
– Liquidation et fiscalité. – Le terme « reprise » est trompeur. La « reprise » des apports ne constitue pas une liquidation alternative. Elle nécessite la réalisation d'une double liquidation afin de déterminer la proportion supplémentaire revenant à l'époux dans la communauté eu égard à son apport. La clause permet à cet époux de se voir attribuer un bien sans verser de soulte afin de le remplir de ses droits dans la communauté.
Sur le plan fiscal, la taxation de la clause de reprise des apports au droit de partage fait l'objet d'une controverse doctrinale. L'administration fiscale n'a pas pris position en la matière. Pour certains auteurs, le droit de partage est dû au motif que la clause de reprise des apports opère un partage de la communauté, le bien que reprend l'époux étant un bien commun341. Pour d'autres, il s'agirait d'un prélèvement opérant avant le partage.