Les aménagements généraux

Les aménagements généraux

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Plan. – La liberté des conventions matrimoniales permet aux époux d'effectuer toutes sortes d'aménagements concernant leur communauté, soit qu'il s'agisse de l'étendre (§ I), soit qu'il soit simplement question de l'aménager (§ II).

La communauté étendue

– La communauté universelle. – L'adoption d'une communauté universelle, prévue à l'article 1526 du Code civil, a pour objectif d'étendre la masse des biens communs par rapport au régime légal. Ce régime est la forme la plus aboutie de l'association patrimoniale dans le mariage. Il est rarement choisi comme régime initial mais plus souvent adopté par les époux au crépuscule de leur vie, dans une optique dévolutive au décès du prémourant.
La communauté universelle est généralement choisie en l'absence de descendants ou en présence uniquement d'enfants communs. Toutefois, il est loisible aux époux de l'envisager en présence d'enfants non communs. Ils doivent alors être informés du risque d'exercice de l'action en retranchement.
– Le principe. – La communauté est universelle tant sur le plan de l'actif que du passif. Activement, elle comprend tous les biens du couple, meubles et immeubles, sans qu'il soit nécessaire de distinguer selon la nature des biens, le moment ou le mode de leur acquisition. Ainsi, et notamment, les droits successoraux échus à un époux tombent en communauté, de même que les biens reçus au terme d'une donation-partage en présence de clauses de droit de retour et d'inaliénabilité les affectant.
La loi prévoit une exception s'agissant des biens que l'article 1404 du Code civil déclare propres par leur nature, sauf stipulation contraire des époux. Mais les époux peuvent eux-mêmes exclure certains biens de la communauté, par disposition expresse du contrat de mariage.
– La clause d'attribution intégrale au conjoint survivant. – Le régime de communauté universelle est souvent adopté afin que le conjoint survivant soit le seul propriétaire de tous les biens possédés par le couple, évitant ainsi une indivision ou un démembrement de propriété entre lui et les héritiers de son époux prédécédé. Le conjoint survivant disposera ainsi des ressources nécessaires pour financer la fin de sa vie et gérera librement l'entier patrimoine. Les descendants ne recueilleront les biens qu'au décès du survivant de leur parent, et ne bénéficieront, sur le plan fiscal, que du seul abattement du chef de ce parent. La transmission du patrimoine aura inéluctablement un coût fiscal plus important. Il sera possible de tempérer ces écueils en transmettant progressivement une partie du patrimoine aux enfants au moyen de donations entre vifs293.
– Les autres aménagements conventionnels. – Souvent les époux aménagent conventionnellement la communauté universelle qui leur est proposée par le Code civil, pour en éviter les effets extrêmes. Ils peuvent notamment exclure certains biens de la masse commune. Mais ils peuvent également convenir d'une clause de reprise en nature des biens dont chacun avait fait apport en mariage et de ceux acquis par succession, donation ou legs en cours de régime, en cas de dissolution de la communauté du vivant des époux294. Cette clause est à différencier des dispositions de l'article 1525, alinéa 2, du Code civil, selon lesquelles, sauf stipulation contraire, la clause d'attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant ou la stipulation de parts inégales n'empêchent pas les héritiers du prédécédé de demander la reprise des éventuels biens que le défunt avait apportés à la communauté conjugale et dont il était propriétaire avant le mariage. Cette faculté permet de conserver des biens dans la famille et aura pour effet de ne pas attribuer au survivant l'ensemble des biens qui constituaient la communauté universelle. Au regard de la philosophie des époux, elle est le plus souvent écartée. Pour être efficace, l'exclusion de ce droit de reprise doit faire l'objet d'une stipulation expresse295.
Si les biens qui font l'objet d'une reprise en propre ont été acquis, conservés ou améliorés à l'aide de fonds communs, récompense sera due à la communauté par l'époux propriétaire en application des règles du régime légal.

La communauté aménagée

– Une liberté d'aménagement. – Selon l'article 1497 du Code civil, les époux peuvent, dans le cadre de leur contrat de mariage ou même à l'occasion d'un changement de régime en cours d'union, « modifier la communauté légale par toute espèce de conventions » sous réserve de ne pas contrarier l'ordre public et les bonnes mœurs, de respecter les droits et devoirs découlant du mariage, les règles de l'autorité parentale, de la tutelle et de l'administration légale et de ne pas modifier l'ordre légal des successions296. Mais le support de la communauté conventionnelle est à n'en point douter la communauté légale. In fine, l'article précise que les règles de la communauté légale resteront applicables en tous points qui n'ont pas fait l'objet d'une convention entre les parties.
Dès lors que les époux souhaitent apporter le moindre aménagement alors même que le régime légal répond pour la plus grande partie à leurs aspirations, la formalisation d'un contrat de mariage va s'imposer. Le Code civil dénomme l'ensemble des conventions matrimoniales modifiant le régime légal sous l'appellation générique de « communauté conventionnelle ». Il aurait certainement été plus juste d'employer le pluriel297.
L'article 1497 du Code civil énumère une liste non limitative des clauses pouvant être stipulées pour aménager la communauté légale. Ces clauses peuvent également être prévues en cas de société d'acquêts adjointe à un régime de séparation de biens. La créativité est promue par le Code civil sous l'autorité de son article 1527 et dans une moindre mesure par le droit fiscal. Elle n'a de limite, en pratique, que par la présence d'enfant non issu des deux époux traitée en son alinéa 2.
– Les objectifs poursuivis par les époux. – Les objectifs poursuivis par les époux sont « essentiellement successoraux bien que la technique soit matrimoniale »298. Mais d'autres desseins peuvent habiter les époux. L'époux entrepreneur cherchera par exemple à protéger son patrimoine professionnel d'une éventuelle désunion, tandis que l'époux au sein d'une famille recomposée aura souvent à cœur de ménager la protection de son conjoint avec une transmission apaisée de son patrimoine à ses propres enfants. Il ne faut pas omettre la situation des familles en mésentente dans lesquelles les outils d'aménagement du régime de communauté peuvent être précieux pour protéger le conjoint.
– Les aménagements possibles. – Les aménagements possibles sont très riches et peuvent intervenir sur trois axes :
  • la composition du patrimoine : les clauses visent à étendre ou réduire les masses actives ou passives. Les époux peuvent assez librement étendre ou restreindre le périmètre de l'actif de la communauté. La liberté est plus limitée en ce qui concerne les dettes ;
  • les modalités relatives à la gestion des biens ;
  • les modalités relatives à la liquidation de la communauté (importance des droits des époux sur la masse commune) et l'attribution des biens (avec ou sans rupture d'égalité).
La liberté contractuelle est plus fréquemment mise à profit pour aménager la liquidation et le partage de la communauté d'une manière différente de ce que la loi prévoit.
– Les aménagements en présence d'enfants non issus des deux époux. – En présence d'enfants non communs, il est tout à fait possible d'avantager le conjoint survivant. Néanmoins, ce dernier reste toujours exposé au risque d'exercice de l'action en retranchement par les enfants non issus des deux époux. Il est possible d'aménager le régime matrimonial sans pour autant ôter tout droit aux enfants non communs dans la succession de leur parent.
Ainsi, l'époux peut adopter notamment une clause de préciput ou même une clause d'attribution intégrale des seuls acquêts au survivant. Les biens propres du prémourant, si le patrimoine est suffisant, pourront alors servir à former la réserve héréditaire des enfants non communs.
Une clause d'attribution intégrale en usufruit seulement peut également être envisagée, tout comme une clause de reprise des apports par les enfants non communs à concurrence de leur part de réserve ou de leur part héréditaire.
Afin de sécuriser les droits du conjoint survivant, les enfants non communs peuvent renoncer, de manière anticipée, à l'action en retranchement, dans deux cadres différents :
  • soit dans les conditions de l'article 1527, alinéa 2, du Code civil consistant en un report de l'action en retranchement au décès du conjoint survivant ;
  • soit de façon définitive dans le cadre d'une renonciation à l'action en réduction299.
– L'absence d'option et de cantonnement. – Alors que les libéralités à cause de mort offrent la possibilité à son bénéficiaire d'y renoncer ou encore d'user de la faculté de cantonner son émolument, les aménagements conventionnels constituant des avantages matrimoniaux s'imposent à l'époux bénéficiaire sans cantonnement possible de son émolument. Aucune faculté de renoncer n'est également prévue sauf lorsque la loi permet qu'ils soient stipulés comme des facultés pour l'époux bénéficiaire. Prenons l'exemple de la communauté universelle avec attribution intégrale de la communauté au survivant qui présente l'inconvénient, pour le survivant, de ne pas pouvoir limiter son émolument, comme cela est possible dans une communauté légale assortie d'un legs universel à son profit.
L'époux survivant ne peut pas recourir au cantonnement en laissant une partie du patrimoine aux descendants du prémourant300. Les avantages matrimoniaux ne sont pas des libéralités. Cette différence de nature est essentielle et commande que libéralités à cause de mort et avantages matrimoniaux ne reçoivent pas le même traitement juridique dans le règlement des successions. Pour autant, il pourrait être envisagé d'autoriser la faculté de renoncer et de cantonner aux gains de survie matrimoniaux, en cas de dissolution du mariage par décès. Le législateur admet déjà que le préciput est une faculté pour l'époux qui en bénéficie de sorte qu'il ne paraît pas y avoir d'obstacle à ce que l'attribution intégrale ou un partage inégal ne puissent pas également être stipulés comme de simples facultés pour leur bénéficiaire. La faculté de cantonnement aurait l'avantage de permettre, par sa souplesse, une transmission patrimoniale plus efficace au cœur de la paix des familles.