– Plan. – Dans sa version négative, le testament permet d'évincer des héritiers (Sous-section I) et de révoquer des dispositions antérieures (Sous-section II).
Le testament éliminatoire
Le testament éliminatoire
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Le testament pour évincer
– L'exhérédation. – L'exhérédation est la disposition par laquelle le testateur prive ses héritiers des droits que leur accorde la loi dans sa succession221. Lorsque l'éviction porte sur un bien sanctuarisé comme le logement de la famille, le législateur en aggrave le formalisme. Ainsi l'éviction du droit viager au logement (C. civ., art. 764) au détriment du conjoint survivant nécessite, à peine de nullité, la forme d'un testament authentique.
– Distinction du titre et de l'émolument. – L'exhérédation ne retire aux successibles que leur émolument et non le titre que la loi leur confère et, avec lui, tous les droits qui y sont attachés. Ils peuvent ainsi, en tant que continuateurs de la personne du défunt, demander la révocation judiciaire de libéralités consenties par le défunt pour inexécution des charges, et conservent la possibilité de prendre toutes mesures conservatoires pour le cas où le testament viendrait à être privé d'effet.
– Exhérédation et réduction en valeur. – La loi no 2006-728 du 23 juin 2006, en généralisant la réduction en valeur, a profondément bouleversé le droit successoral222. Les héritiers réservataires exhérédés sont dorénavant privés de tous biens successoraux et peuvent n'être allotis de leur réserve qu'au moyen d'une somme d'argent à titre d'indemnité. Le testament est en mesure d'avoir un plein effet dévolutif et non plus seulement un effet répartiteur des biens successoraux.
Le testament pour révoquer
– Révocation expresse d'une disposition antérieure. – Aux termes de l'article 1035 du Code civil : « Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur, ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ». Il résulte de ce texte que la révocation expresse des testaments est soumise à un formalisme strict : soit au moyen d'un testament postérieur, peu importe sa forme (authentique, olographe, mystique ou international), soit au moyen d'un acte notarié de révocation qui doit être reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins223. La Cour de cassation a rappelé l'exigence de ce formalisme224, considérant qu'une donation (en l'espèce une institution contractuelle), non reçue par deux notaires, n'emportait pas révocation expresse du testament antérieur. Elle précise toutefois que ce testament antérieur « demeure valable dans celles de ses dispositions qui ne sont pas incompatibles avec la donation ». Cela revient à admettre qu'un testament puisse être révoqué tacitement, par incompatibilité de dispositions, sans respecter le formalisme de l'article 1035 du Code civil.
– Révocation tacite d'une disposition antérieure. – L'article 1036 du Code civil dispose que : « Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d'unemanière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires ». Pour l'application de ce texte, la jurisprudence assimile aux testaments les institutions contractuelles225. Autrement dit, une donation « au dernier vivant » ne sera en mesure de révoquer que de façon tacite d'éventuels testaments antérieurs et qu'à hauteur de l'incompatibilité des dispositions. L'incompatibilité ou la contrariété entre deux dispositions testamentaires, au sens de l'article 1036 du Code civil, peut être matérielle ou morale. Selon Michel Grimaldi, « l'incompatibilité est matérielle ou objective lorsque l'exécution des deux dispositions est matériellement impossible en raison de l'objet de chacune. L'incompatibilité est morale ou subjective lorsque l'exécution des deux dispositions concurrentes, qui ne serait pas matériellement impossible, est exclue par interprétation de la volonté du testateur »226. L'existence d'une révocation tacite est une question de fait qui relève du pouvoir souverain des juges du fond.