Le maintien du régime légal actuel

Le maintien du régime légal actuel

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La réforme de 1965. – Depuis 1804, le Code civil n'a connu que deux régimes légaux : la communauté de meubles et acquêts ainsi que le régime légal actuel depuis la loi du 13 juillet 1965. La démarche du législateur de 1965 a été guidée par le constat que le régime légal alors retenu en 1804 ne correspondait plus à la réalité socio-économique de la seconde moitié du xx e siècle284. La société n'était plus en phase avec ce régime.
Depuis 1965, des transformations profondes sont intervenues dans la société française (le travail des femmes, les familles recomposées, les mariages de plus en plus tardifs) et l'on est en droit de s'interroger sur la nécessité ou non de réformer à nouveau le régime matrimonial légal.
– Le partage de la richesse est un rempart contre la pauvreté. – Si une majorité des clients adopte un régime séparatiste, la majorité des Français se satisfait du régime de la communauté qui correspond encore à la volonté du plus grand nombre. Ce régime est notamment celui des ménages modestes, ne possédant pas de biens ou seulement le logement de la famille, acquis ensemble par les époux au moyen de leurs gains et salaires.
Le partage de la richesse est un élément déterminant pour de nombreux couples. Au-delà de l'esprit du mariage, qui invite à une association patrimoniale, des raisons sociologiques sous-tendent cette volonté. Même si aujourd'hui les deux membres du couple travaillent, il existe encore des inégalités de salaire entre hommes et femmes. En outre, la naissance des enfants éloigne souvent un des parents, plus fréquemment encore la mère, de l'activité professionnelle.
De plus, le régime matrimonial joue un rôle important pour amortir les conséquences financières de la rupture du mariage et éviter ainsi un risque de pauvreté. D'une part, en cas de divorce, la prestation compensatoire, certes conçue à cette fin, ne remplit pas toujours son rôle285. D'autre part, en cas de décès, l'absence de partage de l'enrichissement peut entraîner une précarité du conjoint survivant.
– Le gage des créanciers. – L'accès au crédit est un autre élément déterminant dans la vie des Français. En prenant ici un autre angle de vue, les risques du passif commun énoncés précédemment exposent les biens communs aux dettes dont l'un comme l'autre des époux est tenu pendant l'union286. Le gage des créanciers est ainsi étendu permettant corrélativement un accès à l'emprunt facilité pour les ménages. Le texte de l'article 1413 du Code civil est un véritable pilier de l'économie générale du régime légal, sans lequel le crédit des époux serait ruiné. Afin de cantonner les dangers que peut rencontrer le patrimoine des couples, l'article 1413 du Code civil est tempéré par l'article 1415 du même code, lequel n'expose la masse commune aux poursuites des créances qu'avec l'autorisation des deux époux. En outre, des mécanismes de protection, déjà indiqués, sont prévus hors de ce Code287.
– Vers un nouveau régime légal ? – Même si les jeunes générations semblent avoir un attrait plus important pour les régimes séparatistes, même si de profondes mutations ont déjà remodelé la société, délaisser le régime légal de la communauté ne semble pas opportun aujourd'hui. Certes, l'idée progresse dans la société288. Néanmoins, il est encore un peu tôt pour la mettre en œuvre. En outre, la communauté bénéficie d'une assise populaire importante, à la différence de la séparation de biens.
Alors, plutôt que d'envisager de modifier le régime légal, ne serait-il pas l'heure de le toiletter pour servir les objectifs familiaux, professionnels et individuels du couple ? Il peut aussi être encouragé de développer des régimes conventionnels de communauté ou même séparatistes qui permettent une certaine association patrimoniale, pour s'adapter au mieux aux objectifs des couples.
– Sécurité juridique et risques jurisprudentiels. – Il ne peut pas être appelé de nos vœux une pratique conventionnelle accrue sans sécurité juridique. La créativité notariale ne peut faire sens si l'équilibre des volontés, recherché et acté dans la convention matrimoniale, est déjoué lors de la dissolution du régime. Le droit des régimes matrimoniaux est aujourd'hui innervé par la jurisprudence de la Cour de cassation. Or, certaines décisions interrogent, voire inquiètent. Elles ont ému, pour certaines, la pratique notariale289. Il est alors indispensable de restaurer la sécurité juridique afin que la liberté des conventions matrimoniales puisse s'exprimer. C'est là un enjeu majeur tant pour les époux que pour les notaires290.
Si la majorité des clients choisit implicitement d'écarter le régime légal de la communauté au profit de régimes séparatistes, est-ce parce que ces derniers leur apportent des avantages spécifiques ? Ou est-ce par rejet des inconvénients du régime de communauté précédemment évoqués291 ? Même s'il est indéniable que la société devient de plus en plus individualiste et indépendante, que le nombre de familles recomposées progresse, que l'entrepreneuriat a connu une forte dynamique, des leviers permettent-ils de donner davantage d'attraits aux régimes communautaires et d'aménager les régimes séparatistes ? La question mérite d'être posée.