Le dividende de l'exercice en cours

Le dividende de l'exercice en cours

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Décision de distribution du bénéfice. – Si les associés décident de distribuer le bénéfice, celui-ci est attribué à l'usufruitier. En effet, les dividendes participant de la nature de fruits531, ils reviennent à l'usufruitier en application de l'article 582 du Code civil532.
– L'impossibilité d'une convention contraire. – Une question très classique consiste à se demander s'il ne serait pas possible de prévoir une convention contraire afin de permettre au nu-propriétaire de percevoir le dividende en lieu et place de l'usufruitier.
La réponse nous paraît négative. En effet, les dispositions de l'article 582 du Code civil constituent une règle d'ordre public : les fruits reviennent à l'usufruitier et à lui seul. La volonté ne saurait à elle seule attribuer un fruit à un nu-propriétaire sans transiter par un compte de produit533. Si les membres de la famille désirent que le nu-propriétaire perçoive des bénéfices, il paraît plus prudent de lui attribuer des droits sociaux en pleine propriété534. Les notaires ont toujours pour réflexe de conseiller à un usufruitier de conserver quelques parts en pleine propriété. Le même réflexe devrait certainement être adopté s'agissant du nu-propriétaire afin d'offrir des marges de liberté au sujet de l'affectation du bénéfice.
– Illustration jurisprudentielle montrant l'intérêt de conserver des parts en pleine propriété. – Dans une décision rendue en 2012535, la Cour de cassation a décidé que la modification de la répartition des bénéfices d'une société entre des parents et leurs enfants, se traduisant par la renonciation des parents en faveur de leurs enfants à percevoir leur quote-part des bénéfices pendant une durée de cinq années, ne constituait pas une donation indirecte soumise aux droits de mutation à titre gratuit, pour une double raison :
  • d'une part, cette modification ne pouvait résulter que d'une décision collective des associés et en participant à cette décision, émanant d'un organe social, les associés n'ont pu consentir une donation ayant pour objet un élément de leur patrimoine ;
  • d'autre part, les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé.
Cet arrêt est souvent cité pour justifier l'idée selon laquelle il serait possible d'attribuer le dividende au nu-propriétaire536. En effet, dans les faits de l'espèce soumise à la Cour de cassation, les parents qui avaient renoncé à leur droit au bénéfice pendant une durée de cinq années étaient usufruitiers tandis que leurs enfants étaient nus-propriétaires de droits sociaux. Mais une lecture plus attentive de l'arrêt nous révèle que les usufruitiers et les nus-propriétaires disposaient également de droits sociaux en pleine propriété. C'est dans ce cadre précis que la liberté d'aménager l'affectation du bénéfice en faveur des enfants a pu s'épanouir.