Le contenu de l'acte portant règlement du régime matrimonial

Le contenu de l'acte portant règlement du régime matrimonial

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Plan. – Les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel doivent rédiger, sous l'égide de leurs avocats respectifs, une convention comportant « les modalités du règlement complet des effets du divorce » (C. civ., art. 229-3, 4o), ce qui postule, s'agissant du sort de leurs biens, d'inclure « l'état liquidatif du régime matrimonial (…) ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation » (C. civ., art. 229-3, 5o)576. À dire vrai, les termes usités par ce texte sont impropres car il ne s'agit pas d'imposer aux époux de simplement procéder à la liquidation de leur régime matrimonial mais, plus radicalement, de les contraindre à en opérer le règlement.
Ces deux opérations, le plus souvent confondues, sont pourtant distinctes. Alors que la liquidation du régime matrimonial consiste à déterminer les droits des parties dans la masse, le règlement du régime matrimonial, qui en constitue l'issue naturelle, consiste à déterminer concrètement le sort des biens. Or, s'agissant précisément du divorce par consentement mutuel, il est demandé aux parties non pas seulement de déterminer le quantum de leurs droits (Sous-section I), mais de s'accorder définitivement sur le sort de leurs biens (Sous-section II).

La liquidation des droits

– Une liquidation nécessaire. – La formule de l'article 229-3, 5o du Code civil suivant laquelle la convention de divorce peut contenir « la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation », souvent reprise par les avocats en pratique, nous interroge. En effet, à l'exception du cas exceptionnel d'un divorce intervenant presque immédiatement après la célébration de l'union, existe-t-il réellement des situations où il n'y a pas lieu à liquider ? Dans les régimes de communauté, il est extrêmement rare qu'il n'existe pas de patrimoine commun et/ou de flux financiers entre les trois masses de biens. Dans le régime de la séparation de biens, les époux respectent rarement la rigueur de leur choix patrimonial initial, créant ainsi potentiellement des créances entre époux. Et dans le régime participatif, rares sont les hypothèses dans lesquelles il n'y a pas lieu à la liquidation de la créance de participation. Aussi, il nous semble que le praticien doit justifier l'inexistence de liquidation en précisant l'absence d'acquêts, de récompenses, de créances et doit se ménager la preuve d'avoir fourni toute explication utile aux époux sur le principe de règlement total de leur régime matrimonial.
Après l'entrée en vigueur de la réforme de 2016, s'est posée la question de savoir si le notaire dépositaire devait s'inquiéter de l'existence de cette clause, voire refuser de déposer une convention la contenant en cas d'absence des justifications d'usage. Il semble acquis pour les auteurs que, dans la logique des textes, le notaire n'a pas à juger le travail liquidatif des avocats réalisé sous leur responsabilité et que celle du notaire ne pouvait être engagée sur cette clause577. Le doute demeure toutefois permis578. Rien ne dit, en effet, qu'en pratique les magistrats saisis d'une action en responsabilité feront preuve de la même bienveillance à l'égard des notaires qui déposeraient au rang de leurs minutes une convention mal rédigée, notamment si l'erreur porte sur le terrain de prédilection de ces derniers, à savoir la liquidation du régime matrimonial579.
– Une liquidation exhaustive. – La loi impose que le divorce par consentement mutuel emporte règlement complet des conséquences de la séparation tant sur le plan extra-patrimonial que patrimonial. Ainsi, la liquidation du régime matrimonial doit être exhaustive, afin d'éviter toute action, toujours possible, en partage complémentaire (C. civ., art. 892), au prétexte de l'omission d'un bien, d'un passif ou d'une récompense.
Ainsi, dans les régimes communautaires, la liquidation porte sur l'ensemble des éléments actifs et passifs du patrimoine commun et prend en compte les différents flux financiers qui ont pu exister entre les différentes masses de bien, sans naturellement omettre la reprise des biens propres des époux existant en nature au jour des opérations liquidatives. Dans le régime de la séparation de biens, cette liquidation porte sur les biens indivis ou détenus par la société d'acquêts et invite à rechercher d'éventuelles créances entre époux. Et dans le régime de la participation aux acquêts, elle est articulée entre la liquidation d'une éventuelle indivision, la recherche des créances entre époux et la liquidation de la créance de participation.
La liquidation doit porter sur l'ensemble des biens meubles et immeubles dépendant du patrimoine commun ou indivis des époux avec une tolérance pour les meubles meublants. En effet, il est d'usage de prévoir une clause dans les états liquidatifs précisant que ces meubles ont été partagés directement entre les époux. Cette clause n'exonère pas les parties de valoriser lesdits meubles, notamment au moyen d'un montant forfaitaire, et ce pour des raisons fiscales.
Enfin, le règlement complet du régime matrimonial impose d'intégrer dans les calculs liquidatifs les biens situés ou détenus à l'étranger. Au-delà de l'épineuse question de l'existence ou de la preuve d'actifs étrangers, ces actifs posent certaines difficultés pratiques : leur valorisation (avec parfois des questions de taux de change lorsque les actifs sont évalués en devise étrangère) ou leur qualification au vu de règles étrangères. S'agissant des biens immobiliers situés à l'étranger, le notaire doit inviter les époux à se rapprocher des administrations locales pour s'assurer du bon respect de la réglementation spécifique à l'équivalent de notre publicité foncière.

Le partage des biens

– Convention d'indivision ou partage. – Les calculs liquidatifs effectués et les droits de chacun des époux déterminés, il y a lieu de procéder au règlement de leur régime matrimonial. Les époux pourront alors emprunter deux voies de règlement, lesquelles peuvent se cumuler dans certains dossiers. Parfois ils peuvent décider de se maintenir dans l'indivision pour tout ou partie de leurs biens, ce qui nécessite, s'agissant d'un divorce par consentement mutuel, de rédiger une convention d'indivision. Le plus souvent, les époux choisissent cependant de répartir le patrimoine conjugal entre eux, procédant ainsi au partage de leurs biens. Le partage, parce qu'il opère une césure nette du patrimoine conjugal, constitue l'issue privilégiée en cas de divorce580.
– La définition du partage. – Le partage peut se définir comme « l'opération à effet déclaratif par laquelle les copropriétaires d'un bien ou d'une universalité (succession, communauté) mettent fin à l'indivision, en attribuant à chaque copartageant, à titre privatif, une portion concrète de biens (terrain, titres, argent liquide, bijoux) destinés à composer son lot »581. Il s'agit d'un acte consensuel, les époux étant libres de déterminer l'attribution des biens conjugaux et potentiellement une soulte pour parvenir à une égalité parfaite (§ I). Il n'en demeure pas moins qu'en pratique, cette égalité n'est pas toujours le souhait des époux, qui entendent ainsi voir consacré un partage inégal (§ II).

L'égalité conservée

– Objet de la soulte. – L'article 826 du Code civil prévoit expressément une égalité du partage en valeur, chacun des époux étant destiné à recevoir « des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l'indivision ». Cependant, rares sont les situations où le patrimoine est parfaitement « divisible » pour aboutir à cette stricte égalité. La soulte est le règlement en numéraire que doit alors opérer celui des copartageants qui a reçu dans son lot des biens d'un montant supérieur à ses droits dans l'indivision. En d'autres termes, le versement d'une soulte a pour objet de compenser l'inégalité en nature des lots et de rétablir, entre les époux, une égalité en valeur.
– Paiement comptant de la soulte. – En principe, la soulte en matière de divorce est payable comptant sauf accord des parties (C. civ., art. 832-4). Le montant et les modalités de règlement sont déterminés au sein de l'état liquidatif. Dans le cadre du divorce par consentement mutuel, la soulte devient en principe exigible au jour du dépôt de la convention de divorce (divorce par consentement mutuel extrajudiciaire) et au jour du jugement de divorce contenant l'homologation de la convention de divorce (divorce judiciaire)582.
En pratique, il arrive fréquemment que la soulte due par l'un des époux au titre du partage de la communauté ou d'une indivision soit payée par compensation. Il doit être ici rappelé que la compensation est prévue aux articles 1347 et suivants du Code civil et peut être définie comme un mode d'extinction et jusqu'à concurrence de la plus faible, de deux obligations fongibles et réciproques entre les mêmes personnes, la libération pouvant être totale ou partielle selon le montant des dettes583. Dans le cadre d'un partage conjugal, les hypothèses rencontrées sont les suivantes. D'une part, la soulte due par l'un des époux est susceptible de se compenser en tout ou partie avec d'éventuelles dettes qui lui sont dues par son conjoint dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, au titre des créances entre époux ou des comptes d'indivision. D'autre part, les époux parviennent souvent à s'accorder pour que la soulte due au titre du partage se compense, partiellement ou intégralement, avec la prestation compensatoire en capital mise à la charge du créancier de la soulte, dans la convention de divorce.
– Paiement de la soulte au moyen d'un prêt. – Il est fréquent que l'époux débiteur de la soulte doive souscrire un prêt en vue de la financer, ce qui est susceptible d'entraîner quelques difficultés pratiques. Dans le cadre du divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, les parties sont souvent désireuses de régler la soulte simultanément à leur divorce, c'est-à-dire au moment du dépôt, ce qui nécessite une collaboration des établissements financiers. Or, ces derniers – restés figés sur les anciens circuits pratiqués dans le divorce par consentement mutuel judiciaire – se sont montrés réticents, dans les premiers mois qui ont suivi la naissance du divorce sans juge, à éditer les offres de prêt sur la seule présentation du projet d'état liquidatif notarié. Il semblerait, et l'on peut s'en féliciter, que ces blocages soient désormais plus rares. Lorsque la banque ne joue pas le jeu et demeure campée sur ses habitudes consistant à subordonner le lancement du dossier de prêt à la preuve du divorce, les parties n'ont alors d'autre solution que de prévoir un règlement à terme de la soulte.
– Paiement à terme de la soulte. – L'époux, débiteur de la soulte, peut obtenir des délais de paiement avec l'accord de son conjoint. C'est le cas dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel extrajudiciaire, lorsque la soulte ne peut être réglée comptant, notamment parce que le débiteur est dans l'attente du prêt destiné à financer son règlement. Il est alors d'usage de prévoir, en pareil cas, que la soulte sera réglée dans un certain délai à compter du dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire (divorce par consentement mutuel extrajudiciaire) ou du jour où le jugement de divorce aura acquis force de chose jugée (divorce judiciaire), soit par la comptabilité du notaire, soit hors la comptabilité du notaire.
Cette modalité de paiement n'est pas privilégiée en raison des risques inhérents aux délais de paiement, le débiteur pouvant se retrouver insolvable suite au divorce. Aussi, la clause relative au paiement de la soulte doit-elle être encadrée strictement tant dans ses modalités que dans sa durée. Elle doit prévoir des sanctions en cas de retard de paiement ou de non-paiement et une garantie pour sécuriser le créancier. L'autre danger du paiement à terme est la revalorisation de son montant par l'effet de l'article 828 du Code civil. Ce texte n'étant pas d'ordre public, il est recommandé d'en écarter l'application dans l'acte, afin d'éviter toute difficulté future. Enfin, le prédécès du débiteur de la soulte ne présente pas de danger pour le créancier en raison de la transmission de la dette aux ayants droit.

Rédaction de la clause relative au paiement à terme

Le rédacteur de la clause relative au paiement à terme doit prendre soin de, savoir :
• fixer la durée de l'échelonnement et déterminer le montant et la périodicité des échéances ;
• prévoir un mode de revalorisation de la dette ou au contraire écarter les dispositions de l'article 828 du Code civil ;
• anticiper les retards de paiement en fixant des intérêts à un taux prédéfini entre les parties ;
• garantir le paiement du principal et des intérêts de la somme due à titre de soulte par la prise d'une garantie réelle sur le bien attribué, notamment par le biais d'une hypothèque légale spéciale du copartageant de l'article 2402, 4o du Code civil, si le débiteur est propriétaire de biens immobiliers, ou d'un nantissement de parts ou d'un contrat d'assurance-vie, si le débiteur ne dispose que d'un patrimoine mobilier.
– Quittance de la soulte. – La quittance de la soulte peut se faire par tous moyens. Le débiteur est cependant invité à se constituer la preuve du versement de la soulte. En présence d'un acte notarié, il est d'usage de prévoir la quittance de la soulte dans l'acte du dépôt de la convention de divorce584, ce qui nécessite obligatoirement la présence des époux à l'acte de dépôt. Le versement par la comptabilité du notaire est vivement recommandé car le paiement est ainsi constaté par le notaire, ce qui fait foi jusqu'à inscription de faux585. En revanche, même si le règlement de cette soulte ne transite pas par la comptabilité du notaire, le créancier peut la quittancer dans l'acte de dépôt. L'attention des parties devra être attirée sur les conséquences de cette reconnaissance sur le plan probatoire, puisqu'il sera difficile d'apporter la preuve contraire586.

L'égalité contrariée

– Validité du partage inégal. – L'égalité est certes l'âme du partage, mais l'inégalité peut en être la raison quand il s'agit de parvenir à un règlement amiable équitable au moment du divorce. La jurisprudence a du reste admis dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel judiciaire, et la solution doit être naturellement dupliquée au divorce sans juge, que les époux peuvent librement prévoir que l'un d'entre eux abandonne, partiellement ou totalement, la soulte qui lui est due au titre du partage de la communauté ou d'une indivision587.
– Risques du partage inégal. – L'hypothèse d'un « partage inégal » voulu par les époux, très fréquente en pratique, est donc licite588. Elle n'en engendre pas moins un risque évident et particulièrement fâcheux, lequel réside dans le risque de requalification de l'opération, la différence entre la somme qui aurait dû être perçue par le créancier de la soulte et la somme qu'il perçoit effectivement pouvant être considérée par des tiers comme une libéralité, en fraude à leurs droits.
Parmi les tiers en question l'on songe d'emblée au Trésor public, lequel pourrait déceler dans l'existence de ce partage inégal une mutation à titre gratuit, destinée à ne prendre effet qu'au moment du divorce et qui serait ainsi soumise aux droits de mutation applicables à un parent au-delà du quatrième degré, c'est-à-dire au taux prohibitif de 60 %. L'on sait, en effet, que l'administration fiscale peut restituer leur véritable caractère à certaines opérations aboutissant, sous couvert de contrats ou d'actes juridiques quelconques, à faire échec à la loi fiscale (LPF, art. L. 64). En principe, le procédé incriminé ne revêt cependant aucun danger, puisqu'il semble résulter d'une réponse ministérielle du 8 octobre 1990 que le partage inégal non compensé par une soulte n'entraîne pas d'imposition spécifique589. La portée de cette réponse, qui n'a pas été reprise au sein de la base « BOFiP-Impôts », peut évidemment être discutée et, à la supposer toujours de droit positif, le risque d'un revirement du fisc à ce propos n'est donc pas à exclure.
D'un point de vue civil, le danger tient à l'hypothèse d'un remariage ayant généré certains conflits au sein de la famille recomposée. L'on peut ainsi imaginer que les enfants d'un mari divorçant soient tentés de démontrer, au décès de leur père, l'existence d'une libéralité qui aurait été consentie au profit de leur belle-mère, au moment du divorce, aux fins d'obtenir une éventuelle réduction, même limitée, de ladite libéralité. Il leur resterait toutefois à démontrer la preuve d'une intention libérale ce qui, s'agissant de deux époux qui ont divorcé, même par consentement mutuel, paraît de prime abord assez malaisé. D'autres tiers pourraient également se plaindre du partage inégal intervenu. L'on songe aux créanciers de l'époux renonçant en tout ou partie à la soulte qui lui est due au titre du partage, lesquels voient par ce biais leur droit de gage se restreindre ou disparaître purement et simplement. Désireux de remettre en cause cet appauvrissement volontaire de leur débiteur, les créanciers doivent alors démontrer l'existence d'une « fraude » par la voie d'une action paulienne (C. civ., art. 1341-2).
– Causes du partage inégal. – Si les cas de requalification des partages inégaux demeurent manifestement rares tant dans les bureaux de l'administration fiscale que dans les prétoires, l'on constate, à l'analyse, que les risques inhérents à un partage inégal existent, de sorte qu'il paraît opportun pour le professionnel intervenant auprès des époux de trouver une cause juridique au déséquilibre souhaité par ces derniers.
Bien évidemment, les époux peuvent jouer – dans des limites raisonnables – sur la valeur des biens qui composent la masse à partager pour limiter le montant de la soulte due ou, plus radicalement, pour opérer un parfait rééquilibrage des lots. Il convient en effet d'éviter le recours à des évaluations tronquées pour faire apparaître une égalité de façade ; une sous-évaluation trop prononcée entraînant le double risque, sur le plan fiscal, d'un redressement par l'administration et, sur le plan civil, celui d'ouvrir la porte à une éventuelle action en complément de part pour lésion (C. civ., art. 889).
Aussi, la technique usuelle consiste-t-elle plutôt à prévoir que la soulte se compense en tout ou partie avec la prestation compensatoire, décidée librement par les parties dans leur convention de divorce. Nul doute que la prestation peut constituer, dès lors qu'elle prend la forme d'un capital immédiat (C. civ., art. 274), une juste cause à l'inégalité du partage, à condition bien évidemment qu'elle soit justifiée par une disparité résultant du divorce, sous peine pour les conseils de prendre le risque d'engager leur responsabilité590.
En l'absence d'une telle disparité, une autre technique peut être utilisée. Il s'agit de trouver des accords entre les époux concernant les transferts de valeurs intervenus entre eux, qu'il s'agisse de récompenses, de créances entre époux ou de comptes d'indivision, selon le régime matrimonial. Il n'est plus question alors de compenser la soulte mais d'intervenir en amont sur le terrain liquidatif. Il ne s'agit pas néanmoins de créer de toute pièce un flux financier qui n'existe pas. Ainsi, il serait déraisonnable, par exemple, d'inventer une récompense dans l'hypothèse où les époux n'ont jamais été propriétaires de biens propres. En revanche, parce que les règles liquidatives ne sont pas d'ordre public, rien n'empêche les parties, sous réserve qu'un flux financier se soit effectivement produit, de s'accorder sur son montant.