– Les risques liés à la notion d'intérêt social. – Comme cela a été indiqué précédemment482, le rôle joué par la notion d'intérêt social a connu une évolution spectaculaire s'agissant d'apprécier la validité des sûretés données par les sociétés à risque illimité. Jusqu'au début des années 2000, la notion d'intérêt social ne jouait pratiquement aucun rôle. La sécurisation d'une sûreté en garantie de la dette d'autrui était aisée à obtenir : il suffisait en pratique à un notaire d'obtenir un consentement unanime des associés pour être certain de la validité de la sûreté. Ce critère, simple à comprendre et facile à satisfaire dans le cadre d'une société familiale, permettait de rassurer les créanciers. Mais au début de l'année 2000, la Cour de cassation a posé une exigence supplémentaire : la sûreté doit être conforme à l'intérêt social483.
En matière de sûreté réelle pour autrui, certains arrêts ont retenu que même conforme à l'intérêt social, la sûreté donnée par une société civile à la garantie de la dette d'un associé est nulle si, étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social. Tel est le cas par exemple si l'unique immeuble détenu par la société est hypothéqué pour un montant supérieur à sa valeur484. Mais la lecture de la jurisprudence est difficile dans la mesure où il existe des contrariétés d'analyse entre les différentes chambres de la Cour de cassation485.
À notre sens, le critère tiré de l'unanimité des associés, qui ne pose pas de difficulté pratique lorsque la société est familiale, devrait constituer le critère prioritaire de la validité d'une sûreté consentie en garantie de la dette d'autrui. Il paraît nécessaire que la loi ou la jurisprudence affirme ce principe. L'intérêt social ne doit pas jouer contre l'intérêt familial qui a présidé à la constitution de la société civile. Mais en disant cela, on induit nécessairement l'idée selon laquelle les intérêts de la famille devraient prévaloir sur les concepts propres au droit des sociétés. Une idée contraire, parfaitement recevable, consiste à considérer que le cadre juridique d'une société n'est pas toujours le lieu le plus adapté pour organiser l'entraide familiale.