– Le report à nouveau distribué. – Le dividende courant peut provenir de sommes qui avaient été préalablement affectées en report à nouveau. Cette affectation change-t-elle la nature du gain ? Il est en effet possible d'hésiter sur la qualification de fruit ou de produit. Bien que la jurisprudence ne se soit pas prononcée à ce sujet, la doctrine dominante considère que le report à nouveau distribué doit être assimilé au bénéfice de l'exercice distribué540. Selon cette conception, le report à nouveau distribué appartiendrait à la catégorie des fruits, ce qui le placerait directement entre les mains de l'usufruitier, sans possibilité de prévoir une clause contraire.
L'affectation de sommes préalablement mises en report à nouveau ou en réserve
L'affectation de sommes préalablement mises en report à nouveau ou en réserve
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– La distribution de réserves. – De la même manière que pour les sommes affectées en report à nouveau, le dividende courant peut provenir de sommes qui avaient été préalablement affectées en réserve. La question de l'attribution des réserves a nourri d'importants débats doctrinaux. Certains auteurs considèrent que toute distribution en cours de vie sociale participe de la nature de fruits et doit donc revenir en pleine propriété à l'usufruit tandis que d'autres estiment que les réserves distribuées doivent recevoir la qualification de produit, impliquant leur attribution au nu-propriétaire, éventuellement grevées d'un usufruit541.
C'est dans ce dernier sens que s'est positionnée la chambre commerciale de la Cour de cassation. En effet, dans deux arrêts des 27 mai 2015 et 24 mai 2016, la chambre commerciale a pu énoncer que « dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l'usufruitier de droits sociaux s'exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d'un quasi-usufruit (…) »542.
Malheureusement, la première chambre civile de la Cour de cassation a retenu une solution plus ambiguë dans un arrêt le 22 juin 2016 en énonçant que « si l'usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserves, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire »543.
À notre avis, il faut privilégier la solution de la chambre commerciale pour considérer que l'usufruitier dispose, sauf convention contraire, d'un quasi-usufruit sur les sommes distribuées. Premièrement, les positions rendues par les deux chambres ne sont pas nécessairement contradictoires544. Deuxièmement, la décision de la chambre commerciale du 27 mai 2015 a été publiée au Rapport annuel de la Cour de cassation, ce qui lui confère une portée normative supérieure à celle de l'arrêt rendu par la première chambre civile du 22 juin 2016.
Les dispositions de l'article 774 bis du Code général des impôts, qui neutralisent la déduction des dettes de restitution résultant de la conclusion de quasi-usufruits conventionnels, ne sont pas applicables, le quasi-usufruit sur les réserves résultant de la loi545. Le BOFiP va dans ce sens546, même si l'on peut regretter l'emploi d'une formule un brin nébuleuse547.