La recherche de l'accord

La recherche de l'accord

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Choix unilatéral d'un notaire. – Dans la foulée du prononcé du divorce, les ex-époux peuvent ou non s'atteler à trouver un accord, tant sur la liquidation de leur régime matrimonial que sur le partage de leurs éventuels biens indivis. Il en va de même pour les ex-partenaires et les ex-concubins, à la suite de leur rupture. En la forme, aucune règle ne gouverne cette phase de partage amiable. En pratique, et sous réserve que le jugement de divorce ait désigné un notaire pour procéder aux opérations de règlement du régime matrimonial des ex-époux, l'un des indivisaires se rapproche généralement d'un notaire – il s'agit parfois, mais moins fréquemment, d'un avocat – pour être éclairé sur les aspects patrimoniaux de la séparation. Le notaire, choisi unilatéralement par l'une des parties, doit dresser un état liquidatif sur la seule foi des informations et des pièces communiquées par son client, qu'il lui appartient de transmettre à la partie adverse, à son avocat ou à son notaire, selon les circonstances.
La logique veut que l'autre indivisaire, directement ou par l'intermédiaire de son conseil, réagisse afin que se noue une discussion en vue de déboucher sur un accord. Souvent, parce que les correspondances épistolaires trouvent ici rapidement leurs limites, la tenue d'un rendez-vous contradictoire avec l'ensemble des intervenants est indispensable, à un moment ou à un autre, pour envisager le principe et les contours d'une solution amiable.
Il doit être ici précisé que le notaire – ou les notaires, si chacune des parties a fait le choix d'être représenté615 – qui intervient dans la phase de partage amiable agit en vertu d'un mandat privé. Il ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte spécifique et ne peut donc notamment, contrairement au notaire désigné par le juge, interroger les fichiers FICOBA et FICOVIE. Il n'est pas davantage obligé de respecter le principe du contradictoire. Cela étant, il se doit, selon nous, d'adopter une posture la plus objective possible, aux fins de demeurer audible pour la partie adverse. En somme, le notaire apportera ses compétences, sa technicité et son objectivité aux parties aux fins de déboucher sur un accord, qui n'est envisageable bien évidemment que si les deux indivisaires participent aux opérations, avec la volonté commune de s'entendre sur les conséquences patrimoniales de leur rupture.
– Choix commun d'un notaire. – Il arrive parfois que les indivisaires choisissent d'un commun accord un notaire aux fins de procéder au règlement de leurs intérêts patrimoniaux, soit en raison de sa compétence liquidative reconnue, soit parce qu'il s'agit du notaire qui les a accompagnés durant les années de vif mariage, à l'occasion de la signature de leur contrat de mariage, de leurs achats successifs ou encore des donations qu'ils ont pu consentir à leurs enfants. Intervenant à la demande des deux indivisaires, le notaire agit ici en qualité d'amiable compositeur. Concrètement, il prépare la liquidation des intérêts patrimoniaux, au vu des éléments qui lui sont transmis, afin d'aboutir à la détermination des droits de chacun et ensuite à un projet d'attribution des biens. Ce projet doit être soumis aux parties, afin que chacun puisse émettre ses éventuelles observations.
Dans l'hypothèse où le notaire de famille est chargé d'intervenir dans la phase de partage amiable, sa posture n'est pas aisée car, contrairement aux actes passés, il ne s'agit pas ici d'accompagner les époux à l'occasion d'une opération souhaitée conjointement, mais de procéder à des arbitrages liquidatifs, et éventuellement de mettre fin à des chicaneries entre eux. Là où il était question jusqu'alors d'œuvrer dans l'intérêt de la famille, il s'agit à l'heure des comptes et du partage des biens de concilier les intérêts respectifs et parfois divergents de chacun des clients, ce qui est un tout autre rôle, beaucoup plus délicat. C'est pourquoi le notaire qui intervient en qualité d'amiable compositeur se doit évidemment d'être parfaitement objectif et impartial. Il doit naturellement refuser cet office si, dans les faits, il s'avère qu'il entretient des liens particuliers avec l'un des indivisaires en raison des antécédents familiaux ou des liens économiques qui le lient à lui.
– Rôle du notaire. – Deux idées directrices doivent guider le notaire qui intervient lors de cette phase amiable. D'une part, il doit mettre en œuvre toutes les techniques et outils juridiques en sa possession pour permettre aux parties d'aboutir au bon règlement amiable de leurs intérêts. Bien sûr, la qualité de l'arrangement est empreinte de subjectivité. Un bon arrangement pour les parties se révèle parfois difficile à concrétiser sur le terrain juridique. Aussi le notaire doit faire preuve d'expertise, mais aussi de créativité pour répondre au mieux aux souhaits des parties, tout en respectant les règles juridiques. D'autre part, il doit prendre en compte l'environnement psychologique et tenter de concilier les parties, toujours dans cette perspective d'une sortie de crise apaisée. Cela par une maîtrise parfaite des règles encadrant la phase amiable et des outils juridiques à sa disposition, la patience et la mansuétude des parties étant souvent inversement proportionnelles à la tension qui existe entre elles. Ces lignes directrices ont vocation à éviter le basculement du dossier vers la voie judiciaire et l'aléa qui en découle.
Afin d'optimiser les chances de règlement amiable, quelques conseils peuvent être délivrés au notaire chargé d'un tel dossier :
  • organiser au plus vite une première réunion de travail en présence de deux indivisaires, et éventuellement de leurs conseils, pour appréhender non seulement les positions liquidatives de chacun, mais aussi pour sonder leur état d'esprit et par-delà, les perspectives de trouver ou non un accord ;
  • avoir conscience de l'importance de cette première réunion au cours de laquelle le notaire recueille les pièces des parties mais également leurs informations sur l'existence de certains flux financiers entre eux, voire sur leurs souhaits en terme d'attributions. Il semble essentiel que lors de cette première entrevue, le notaire rappelle le déroulement de cette phase amiable, insiste sur l'importance de régler leurs éventuels différends par voie amiable et leur explique les conséquences de la voie judiciaire ;
  • imposer un rythme dans ce type de dossier, avec un calendrier communiqué aux parties dès la première réunion, quand celle-ci a pu être organisée, afin d'éviter tout enlisement et fixer une date butoir au-delà de laquelle les parties seront invitées à saisir la juridiction à des fins de règlement judiciaire ;
  • consigner par écrit l'avancement du dossier et notamment les observations de chacun et la position de l'autre sur celles-ci ;
  • établir un tableur liquidatif à deux colonnes avec la position de l'un puis de l'autre avec, en sus, le cas échéant, une troisième colonne témoignant de l'avis du notaire. Ce modus operandi permet de mettre en lumière, à l'aune des positions liquidatives de chacun, les points d'accord et de désaccord entre eux, et de faciliter les échanges pour déboucher sur une solution amiable. Au pire, ce travail sera utile en cas de dégénérescence en partage judiciaire ;
  • provoquer des réunions en présentiel, au cours desquelles chacun pourra être assisté de son avocat et s'exprimera librement. Aucune règle légale n'impose le respect du contradictoire lors de cette phase amiable. Mais il sera plus aisé de concilier les parties lors d'une telle réunion ;
  • être actif dans la recherche d'un accord en proposant aux parties de réfléchir à certaines concessions.