La question du testament conjonctif

La question du testament conjonctif

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Nullité du testament conjonctif. – En l'état du droit positif, le testament rédigé par plusieurs personnes est nul. Or il est fréquent que le survivant du couple, au décès de son conjoint, présente au notaire un document établi et signé conjointement par les époux ou revêtu de la signature du légataire approuvant et complétant la disposition. Fondée sur le principe d'ordre public de prohibition des pactes sur successions futures, la nullité du testament conjonctif résulte selon la jurisprudence d'un élément matériel (document unique) et d'un élément intentionnel (volonté de former un tout indissociable) et est appliquée par les tribunaux de manière de plus en plus assouplie.
Le testament conjonctif valablement établi à l'étranger en la forme locale conserve en revanche sa pleine efficacité.
De lege ferenda . – Le testament conjonctif entre époux ou partenaires, répandu chez certains de nos pays voisins, a-t-il un intérêt ? L'idée régulièrement présentée serait de permettre à deux personnes de se gratifier par dispositions mutuelles et réciproques formant un tout. Ceci, bien que parfaitement contraire à la lettre de l'article 968 du Code civil qui exige un recueil de volonté unilatérale dans le but de préserver la liberté de tester et la liberté de révoquer les dispositions testamentaires, présente néanmoins une utilité pratique, notamment en famille recomposée. L'avantage serait d'harmoniser les règles de rapport et de réduction au sein du couple et d'envisager la transmission du patrimoine commun comme un tout cohérent. Le testament conjonctif permettrait de muer la donation entre époux en véritable pacte successoral de couple.
Cette idée, a priori idéale, ne saurait être intégrée en droit positif sans d'infinies précautions car elle entraîne des interrogations multiples difficilement surmontables. On pourrait imaginer, à notre sens, de limiter cette forme aux couples mariés et pacsés, de prévoir que la révocation unilatérale de l'un des testateurs entraîne la révocation complète de la disposition, que la fin du couple (divorce, séparation ou rupture de Pacs) ait pour conséquence la caducité totale de la disposition et, enfin, que la révocation unilatérale de l'un soit notifiée à l'autre. Mais comment gérer le désir de révocation du survivant du couple après le décès du prémourant ? Faut-il considérer qu'il aurait perdu sa liberté testamentaire et l'obliger à respecter un pacte dont il ne voudrait plus ? Ou laisser à sa discrétion la possibilité de le révoquer (ce qui semble être la meilleure voie, mais fragilise le pacte) ?