– La propriété temporaire du locataire. – Les faits les plus simples donnent souvent lieu aux arrêts les plus mémorables. Tel est le cas du célèbre arrêt Pocchiola c/ Ferouillet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 1er décembre 1964521 : une personne avait donné à bail un terrain nu sur lequel le preneur avait édifié des constructions. Ces constructions furent détruites en cours de bail par fait de guerre. Un litige se fit jour entre le bailleur et le preneur s'agissant de savoir lequel d'entre eux devait percevoir l'indemnité de dommages de guerre. Le bailleur soutenait qu'il devait percevoir cette indemnité en vertu des règles de l'accession522, tandis que le preneur affirmait que le bail impliquait une renonciation à accession à son profit. La destruction des constructions étant intervenue en cours de bail, le preneur en déduisait qu'il était le créancier de l'indemnité.
Dans une décision de principe, la Cour de cassation donne raison au locataire. Elle décide que, sauf clause contraire stipulée dans le bail, le preneur est propriétaire des constructions qu'il a édifiées sur le terrain pendant la durée du bail. Cette solution peut paraître contre intuitive. En effet, pour beaucoup de juristes, le bail confère uniquement un droit de jouissance au locataire. Par réflexe, il est souvent considéré que seuls les baux emphytéotiques ou à construction peuvent dissocier la propriété du sol de celle des constructions.
Pourtant la solution de l'arrêt Pocchiola c/ Ferouillet est limpide et constante : sauf clause contraire, le preneur à bail dispose d'un droit de propriété sur les constructions qu'il édifie. Ce droit de propriété est nécessairement temporaire puisqu'il s'éteint en fin de bail. L'enrichissement du bailleur se produit en fin de bail : il devient propriétaire des constructions par le jeu de l'accession. L'administration fiscale connaît bien cette solution : elle estime de longue date que l'accession gratuite constitue un supplément de loyer imposable entre les mains du bailleur au titre de l'année d'expiration ou de résiliation du bail523. La solution de l'arrêt Pocchiola trouve également des applications constantes en matière de baux commerciaux524.