– L'usufruitier plein propriétaire. – L'étude de la jurisprudence rendue en matière de baux commerciaux permet à notre avis de mieux comprendre la solution qui a été rendue par la Cour de cassation en 2012 s'agissant d'un droit d'usufruit. Les faits étaient relatifs à un contentieux fiscal : un père avait donné à sa fille la nue-propriété de terrains dont il s'était réservé l'usufruit, et avait construit des immeubles de rapport sur les terrains. L'administration fiscale opéra une rectification fiscale du vivant du donateur. Elle considérait que la réalisation des constructions par l'usufruitier matérialisait une donation indirecte au profit de la donataire. Elle soumit alors la valeur des travaux à un complément de droits de donation. En somme, l'administration avait une vision globale de l'opération : elle considérait que la donation portait de manière ostensible sur le terrain, et de manière indirecte sur les constructions.
Dans une décision rendue le 19 septembre 2012, la Cour de cassation annule la rectification fiscale pour le motif suivant : en cas de construction réalisée sur un fonds détenu en démembrement de propriété, le nu-propriétaire n'entre en possession des constructions qu'à l'extinction de l'usufruit, date à laquelle se produit l'accession à son profit525. Cette solution a été récemment confirmée en 2023 au sujet de la mise en œuvre de la garantie décennale : le nu-propriétaire d'un terrain, sur lequel l'usufruitier a édifié une construction nouvelle, n'est pas propriétaire de cet ouvrage de sorte qu'il ne peut exercer l'action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l'ouvrage526. L'arrêt de 2023 précise qu'une convention contraire peut exister entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, ce qui rappelle là encore la solution de l'arrêt Pocchiola en matière de bail.