La procédure allégée

La procédure allégée

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Domaine. – La procédure allégée est soumise aux seules dispositions générales de la sous-section du Code de procédure civile consacrée au partage judiciaire, à savoir les articles 1359 à 1363. Dans les faits, les parties ne doivent s'orienter vers cette voie que lorsqu'il n'a jamais existé ou qu'il n'existe plus de difficultés liquidatives entre elles, concernant la nature d'un bien, la charge d'une dette, l'existence d'éventuels mouvements de valeurs. Seule la question du partage demeure en débat entre les parties. En d'autres termes, le partage est « simple » si le litige ne porte que sur la composition, la valorisation et/ou l'attribution des lots, ou encore lorsque le partage amiable n'a pu aboutir en raison de la défaillance de l'une des parties qui avait préalablement accepté l'état liquidatif établi par un notaire, dans la phase amiable. Partant, le champ d'application de ce « partage simple » est nécessairement limité, dans la mesure où les blocages entre les ex-époux concernent généralement les aspects liquidatifs plutôt que les modalités du partage.
– Composition et estimation des lots. – Confronté à un problème lié uniquement au partage, quitte à avoir préalablement tranché les désaccords liquidatifs persistant entre les parties, le juge peut désigner un expert en application de l'article 1362 du Code de procédure civile pour procéder à l'évaluation des biens et/ou proposer la composition des lots à répartir.
Sur la foi du rapport rédigé par l'expert, l'on peut espérer que les parties parviennent à un accord sur le partage. Ils peuvent alors user de la faculté de l'article 842 du Code civil et « abandonner les voies judiciaires » pour « poursuivre le partage à l'amiable » devant le notaire de leur choix. En pareil cas, et si l'indivision porte sur des biens soumis à la publicité foncière (C. civ., art. 835), le juge peut, le cas échéant, désigner un notaire chargé de dresser l'acte constatant le partage (CPC, art. 1361, al. 2). Le rôle du notaire commis n'est pas ici de procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial, muni de pouvoirs exorbitants, mais simplement de rédiger l'instrumentum.
Si le juge le souhaite, il peut nommer ab initio un notaire pour diriger l'ensemble des opérations inhérentes à cette procédure allégée, à charge de réaliser lui-même l'estimation des biens et/ou de composer les lots à répartir ou à s'adjoindre un expert pour y procéder.
– Tirage au sort des lots. – Il arrive parfois, bien que les lots soient désormais composés et valorisés, que les parties ne parviennent toujours pas à s'entendre sur les attributions ; il faut alors réaliser un tirage au sort. Un tel tirage au sort est envisageable même si la masse à partager n'est composée que d'un seul bien, lorsque celui-ci ne peut pas faire l'objet d'une attribution préférentielle au regard des conditions posées par l'article 1476 du Code civil. Il est également envisageable lorsque la masse est composée de biens d'inégales valeurs, la disparité des valeurs étant alors compensée par une soulte.
Le tirage au sort se fait généralement devant un notaire désigné par le juge aux affaires familiales (JAF). En cas de défaillance d'une des parties, le juge qui ordonne le tirage au sort peut désigner un représentant à la partie défaillante (CPC, art. 1363, al. 2). Celui-ci assiste au tirage au sort et en prend acte en signant au nom du défaillant le procès-verbal dressé par le notaire et transmis au JAF. Une fois le tirage au sort réalisé, il reste éventuellement au notaire à rédiger un acte de partage666. Il n'est plus question ici de partage amiable puisque l'acte dressé ne repose sur aucune transaction entre les parties, mais sur la seule foi d'un tirage au sort.
Le tirage au sort peut également se faire devant le JAF, ce qui est beaucoup plus rare en pratique. En pareil cas, une fois le tirage au sort réalisé, le juge renvoie les parties devant le notaire pour établir l'acte de partage conformément aux prescriptions du jugement rendu, qu'il soumet ensuite à la signature des parties.
– Homologation ou licitation. – Il peut arriver que le tirage au sort ne produise pas les effets escomptés.
Ce peut être le cas lorsque l'une des parties refuse de manière irrationnelle, dans un ultime soubresaut, de signer l'acte de partage amiable. Le notaire établit alors un acte de partage à la requête de la partie la plus diligente, sur la base du procès-verbal dressé par ses soins à la suite du tirage au sort. Cet acte est rédigé sous la condition suspensive de son homologation par le JAF. L'indivisaire le plus diligent doit donc saisir le juge afin d'obtenir ladite homologation. Une fois celle-ci obtenue, il reste ensuite au notaire à établir un acte de dépôt de jugement.
Le tirage au sort peut ne pas être viable aussi parce que le débiteur de la soulte ne peut pas la régler. En ce cas, le partage en nature n'est pas réalisable, et le JAF fait alors procéder à la licitation des biens indivis (CPC, art. 1361, al. 1). Le notaire dresse un procès-verbal et celui-ci est joint au jugement qui ordonne la licitation. Il appartient au JAF, en ordonnant cette dernière, de fixer les mises à prix puis au notaire nommé par le juge de procéder, après la vente forcée, au partage du prix conformément au jugement. En cas de défaillance d'une des parties, l'autre pourra requérir du JAF l'homologation de ce partage.
Il est bien évident que rien n'empêche l'une des parties, confrontée à un partage en nature manifestement inconcevable, de solliciter la licitation d'un bien indivis dès l'assignation en partage, sans devoir passer par les différentes phases intermédiaires.

L'impossibilité de principe d'un partage par voie d'attribution

Le juge peut-il substituer d'autorité un partage par voie d'attribution aux issues judiciaires prévues par les textes lorsque les indivisaires ne parviennent pas à s'accorder sur les modalités du partage ? L'hypothèse, bien connue, est la suivante. Dans le cadre de ses opérations, le notaire rédige un projet d'acte portant règlement du régime matrimonial, au sein duquel il constitue les lots et les répartit entre les indivisaires, mais ce projet ne recueille pas l'adhésion de l'un des indivisaires. Dans ce cas, ou en cas de carence, le notaire peut-il, à la requête de l'indivisaire diligent, rédiger son acte de partage sous la condition suspensive d'une homologation judiciaire aux fins d'échapper au tirage au sort ou à la licitation ?
Dans les faits, il n'est pas rare que les juges du fond, saisis d'une telle demande d'homologation, cèdent à la tentation de mettre fin au litige par une attribution d'un bien ou d'un lot précis à l'un des copartageants, parce qu'ils estiment que ces attributions sont en l'espèce les plus équitables ou les plus opportunes. On comprend l'intérêt du procédé, qui permet de passer outre l'inertie ou la mauvaise volonté de l'une des parties alors qu'il n'existe plus d'obstacle rationnel à l'achèvement des opérations de partage. Cette pratique, aussi opportune qu'elle soit, se heurte toutefois à une jurisprudence classique et constante de la Cour de cassation selon laquelle, à défaut d'entente entre les indivisaires, les lots doivent obligatoirement être tirés au sort, ce dont il résulte que le juge ne peut en aucun cas, sauf dans les hypothèses limitativement visées par un texte de loi, procéder au moyen d'attributions667, « même pour des motifs d'équité ou d'opportunité »668, sous la seule réserve d'un éventuel abus de droit669. Il en résulte qu'à défaut d'accord, l'issue naturelle du partage judiciaire est le tirage au sort des lots. Certes, la méthode est aveugle et le sort peut être malin, mais « outre que l'augmentation des cas d'attribution préférentielle a fortement diminué le risque d'allotissements incongrus, elle est d'une parfaite impartialité et satisfait en cela l'exigence d'égalité qui préside au partage »670.
La ligne tracée par la Cour de cassation est ferme et s'applique sans surprise également à l'autre voie de sortie du partage judiciaire, plus drastique encore, que constitue la licitation puisqu'elle censure les décisions qui, pour éviter une telle issue, procèdent à des partages de biens immobiliers par voie d'attribution671.
– Conclusion sur le partage judiciaire. – La procédure de partage judiciaire est le fruit de critiques récurrentes, liées à sa complexité et à sa durée, en dépit des délais stricts qui l'entourent par principe. Les parties ressentent parfois le sentiment d'un partage sans fin, difficile à vivre psychologiquement et susceptible au surplus de créer une précarité financière pour au moins l'une d'entre elles. Faut-il rappeler que cette phase survient après une première et vaine procédure amiable, qui a pu traîner en longueur, laquelle est déjà intervenue, pour les ex-époux, après une procédure de divorce souvent éprouvante. C'est pourquoi des pistes de réflexion pourraient certainement être proposées pour accélérer la procédure :
  • réfléchir à la pertinence de la phase amiable obligatoire (avec la piste de sa suppression, une telle phase préliminaire obligatoire n'existant pas en droit alsacien-mosellan) et, en cas de maintien de cette phase amiable, en faciliter la sortie en cas de constat d'impossibilité d'un accord amiable, soit en l'encadrant dans le temps, soit en facilitant le constat de son échec ;
  • faciliter la production des justificatifs nécessaires au travail liquidatif. Dans cette optique, et afin de permettre au notaire de disposer des pièces essentielles dès l'entame de sa mission, il pourrait être envisagé, conformément à la proposition formulée par Me Jérôme Casey, « de créer un équivalent français aux audiences de « discovery & disclosure » des procédures de Common Law, en consacrant une audience, placée en tout début de procédure, où les éléments de preuve majeurs seraient débattus et leur production organisée, le tout sous la menace de lourdes sanctions (y compris celle de recel) en cas de non-respect de ce que le juge aura ordonné »672 ;
  • repenser les modalités de saisine du juge, en songeant à remplacer l'assignation par une simple requête, à l'instar du droit alsacien-mosellan ;
  • réfléchir à la désignation du représentant de l'indivisaire défaillant, peu usitée en pratique et qui rallonge la durée du partage judiciaire en raison de la suspension de délai prévu à l'article 1369 du Code de procédure civile, et à ses pouvoirs : pourquoi existe-t-il deux régimes différents entre la phase amiable et la phase judiciaire ? Ne faudrait-il pas s'inspirer du droit alsacien-mosellan et créer un texte contraignant à l'instar de l'article 225 de la loi du 1er juin 1924 ?

L'inspiration du droit local alsacien-mosellan

Le droit alsacien-mosellan propose une procédure locale, originale et gracieuse de partage judiciaire dans laquelle le notaire occupe une place centrale. Cette procédure, qui existe depuis 1888, semble emporter la satisfaction des acteurs locaux673. Elle permet aux parties de ne pas avoir l'obligation de justifier de l'échec de la phase amiable. Aussi, la phase judiciaire peut débuter sans délai, ce qui peut être judicieux dans les situations où, dès l'origine, les praticiens ont l'intime conviction que les parties ne s'accorderont pas.
La saisine du juge se fait par une simple requête et non pas par une assignation674.
Ensuite, les parties sont convoquées par voie judiciaire et la convocation comporte le rappel de l'article 225 de la loi du 1er juin 1924. Cet article, fort radical par sa sévérité, précise que le notaire communique aux parties « par écrit les propositions du demandeur en les avertissant qu'en cas de non-comparution les absents sont présumés consentir à ce que l'on procède au partage et que le partage sera obligatoire pour eux malgré leur non-comparution ». Naturellement, cet article apparaît incitatif pour les parties qui doivent se présenter chez le notaire pour défendre leurs intérêts. La sanction est sévère pour l'indivisaire défaillant qui se verra opposer le partage675.
S'ensuit une phase de débats, qui donne lieu à un procès-verbal jouissant d'une double nature : judiciaire et notariée. En cas de besoin, le notaire gère la nomination d'un expert si les parties s'accordent sur le principe de l'expertise. Si les débats n'ont pas permis la conclusion d'un accord, le notaire dresse un procès-verbal de difficultés. Aucun délai n'encadre la procédure.
Les parties ont toujours la possibilité, comme en droit général, de régulariser un acte de partage amiable. Mais, en cas de désaccord, le notaire aura la possibilité d'organiser un tirage au sort et celui-ci pourra être reporté une fois à la demande des copartageants, afin de tenter une dernière solution amiable. L'acte de partage ne doit pas être obligatoirement signé par les copartageants, qui sont néanmoins invités à en prendre connaissance chez le notaire commis. Il est également prévu des cas d'homologation judiciaire dudit partage676, qui purge la procédure de tout éventuel vice de forme.
Enfin, une dernière issue est envisageable, celle de la licitation au sens d'une vente publique aux enchères, qui est réservée au notaire commis.