La maternité de substitution

La maternité de substitution

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Les différentes formes. – Les progrès liés aux techniques médicales à la procréation ont contribué, dès les années 1980, à l'émergence, en France, de la problématique de la gestation pour autrui (GPA). Celle-ci est le fait pour une femme, désignée généralement sous le terme de « mère porteuse »701, de porter un enfant pour le compte d'un couple dénommé « parents d'intention » ou « parents commanditaires », à qui il sera remis après sa naissance702. Cette pratique, organisée dans le cadre d'une convention conclue entre toutes les parties à titre onéreux ou à titre gratuit, peut prendre diverses formes :
  • la procréation pour autrui, qui consiste pour une femme à porter un enfant conçu à partir de ses propres gamètes et de ceux du père d'intention à la suite d'une insémination. Dans le cadre de cette technique, la femme porteuse est la mère génétique de l'enfant ;
  • la gestation pour autrui, qui consiste à porter un enfant conçu avec les gamètes des deux membres du couple ou de l'un d'eux alors associés à ceux d'un tiers donneur, voire avec les gamètes de deux tiers donneurs703. Un embryon est conçu en laboratoire à partir des gamètes puis est implanté dans l'utérus de la femme porteuse. Cette dernière n'est pas la mère génétique de l'enfant. Ainsi, dans certaines configurations, trois femmes peuvent intervenir dans la conception de l'enfant : « une mère d'intention, à l'origine du projet, une mère biologique, qui donne ses gamètes, et une mère porteuse, qui permet la grossesse »704. Il est possible d'étendre à cinq personnes la conception de l'enfant par gestation pour autrui705. Cette technique est une forme d'assistance médicale à la procréation reconnue par l'Organisation mondiale de la santé.
– Une technique médicale jugée illicite en France. – Si la pratique de la GPA a commencé à se répandre en France au cours des années 1980706, le Comité consultatif national d'éthique – CCNE – l'a rapidement jugé illicite707. Quant au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ils n'ont pas hésité à refuser l'inscription d'une association et à en dissoudre une autre dont l'activité était de promouvoir une telle technique708. Les hauts magistrats ont également interdit l'adoption d'un enfant conçu en vertu d'une convention de mère porteuse en raison de l'illicéité de son objet et de l'atteinte portée aux principes d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes709.
– Une technique médicale déclarée illégale en France. – La loi no 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a consacré le terme de gestation pour autrui (GPA)710. A été introduit dans le Code civil un article 16-7 selon lequel « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle ». Sont donc visées toutes les formes de conventions de gestation pour autrui, peu importe qu'elles soient réalisées à titre onéreux ou à titre gratuit. La nullité est absolue711. L'article 16-9 du Code civil, créé à l'occasion par cette même loi, a précisé que toutes les dispositions relatives au respect du corps humain, y compris celles posées à l'article 16-7, sont d'ordre public.
– Une technique médicale pratiquée à l'étranger. – En raison de la prohibition de la GPA sur le territoire national, des couples français ont commencé à traverser les frontières pour user de cette technique dans des pays où elle est y autorisée ou, tout du moins, tolérée, ce qui a donné lieu à des affaires médiatiques retentissantes, notamment celle des époux Mennesson. Sur le terrain juridique, le recours à la GPA à l'étranger a évidemment soulevé des difficultés quant à la reconnaissance, en France, de la filiation de l'enfant à l'égard de ses parents d'intention et, plus particulièrement, à l'égard de la mère d'intention. Dans la mesure où l'acte de naissance, qui établit la filiation maternelle, ne peut désigner que la mère qui a accouché, il n'est pas possible de mentionner la mère d'intention sur l'acte de naissance français de l'enfant712. L'article 311-25 du Code civil n'est donc pas applicable à la mère d'intention à la suite d'une GPA.
– L'adage mater semper certa est , une simple présomption dans l'avenir ? – La GPA pratiquée dans d'autres pays remet en cause le modèle français selon lequel la mère est celle qui accouche. L'adage mater semper certa est ne pourrait-il pas devenir, à l'avenir, une simple présomption de maternité ? Selon un auteur, une telle présomption pourrait être consacrée en droit français. « L'accouchement garderait un rôle central dans l'établissement de la maternité. Simplement, il serait disqualifié en une simple règle de preuve puisque sa réalité ne désignerait plus irréfragablement la mère de l'enfant, mais ne ferait que la réputer comme telle »713. Cette présomption permettrait « lorsque la gestation d'un enfant est dissociée de sa conception » que l'on ne puisse plus « refuser de déclarer mère de cet enfant la femme qui l'a conçu sans pourtant le mettre au monde »714. Le droit français a bien consacré l'existence d'une filiation à l'égard de la mère qui n'a pas accouché dans le cadre d'une AMP avec tiers donneur. Sans remettre en cause l'interdiction de la GPA en France dont le sujet reste très controversé715, il est nécessaire de tenir compte du contexte international qui permet à des couples français de la pratiquer à l'étranger. Une telle tentation est d'autant plus grande lorsque la GPA est réalisée avec les gamètes des deux membres du couple de sorte que l'enfant ainsi conçu est biologiquement leur enfant, même si la femme n'a pas accouché. Une intervention législative ne serait-elle pas préférable pour encadrer les règles d'établissement de la filiation d'un enfant conçu par GPA plutôt que de laisser la Cour de cassation « pratiquer la haute couture » en la matière716 ?
– Une autre manière de devenir mère. – L'accouchement n'est plus aujourd'hui la seule façon de devenir mère. Si l'adoption l'a toujours permis, la reconnaissance conjointe dans le cadre d'une AMP et la maternité de substitution, fondées exclusivement sur la volonté, en sont deux autres manières. Par ailleurs se pose, depuis 2016, la question de la filiation de l'enfant conçu par une personne transgenre après son changement de sexe à l'état civil. En effet, comment établir celle-ci pour une femme transgenre qui n'a pas accouché ou pour un homme transgenre qui a accouché ?