– Couples de personnes de sexe différent et couples de femmes. – Depuis la loi bioéthique du 2 août 2021, l'article L. 2141-2 du Code de la santé publique énonce que « tout couple formé d'un homme et d'une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l'assistance médicale à la procréation (…) ». L'AMP exogène est désormais ouverte aux couples de personnes de sexe différent ainsi qu'aux couples de femmes. Il est d'ailleurs précisé, à l'alinéa 2 de cet article, que l'accès à l'AMP ne peut faire l'objet d'aucune différence de traitement, notamment au regard de l'orientation sexuelle des demandeurs. Par ailleurs, a été maintenue la règle selon laquelle le mode de conjugalité importe peu. Le couple de femmes et celui de sexe différent peuvent donc être mariés, pacsés ou vivre en concubinage. Toutefois, la communauté de vie ne doit pas avoir cessé entre eux avant la réalisation du procédé médical. Le couple doit donc être uni lors de sa mise en œuvre.
La liste des bénéficiaires désormais étendue
La liste des bénéficiaires désormais étendue
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Cas de la femme non mariée. – L'AMP exogène a été ouverte à la « femme non mariée ». La femme mariée seule a été exclue du dispositif en raison de l'existence de la présomption de paternité. La filiation ne doit pas être établie à l'égard du mari qui n'aurait pas consenti à l'AMP avec tiers donneur. Le législateur a préféré ce terme de « femme non mariée » à celui de « femme célibataire » ou de « femme ne vivant pas en couple » pour des raisons de simplicité. Les femmes – et accessoirement les praticiens – doivent savoir clairement si le recours à l'AMP exogène est possible ou non. Cependant, l'utilisation de ce terme a engendré des difficultés pratiques et a surtout créé une inégalité entre les femmes. En effet, si la femme mariée ne peut pas réaliser seule une AMP en raison de l'existence de la présomption de paternité, celle ayant conclu un Pacs ou vivant en concubinage est en droit de le faire sans que son partenaire ou concubin n'y ait consenti924. Dès lors, la loi lui confère la possibilité d'imposer l'arrivée d'un enfant par AMP au sein du couple. Cela pourrait créer, dans l'avenir, des difficultés relationnelles entre la mère, à l'origine du projet parental, et son partenaire ou concubin qui n'y a pas participé et qui n'a pas nécessairement désiré cet enfant. Quant à la femme mariée, mais séparée de son conjoint et dont la procédure de divorce s'éternise, il ne lui est pas possible de recourir seule à une AMP925. En conséquence, elle devra attendre que le divorce soit prononcé pour y recourir, si elle est encore en âge de le faire.
– Exclusion des couples d'hommes et des hommes seuls. – Seuls sont exclus du dispositif les couples d'hommes et les hommes seuls.
– Le parent transgenre. – Dans le cadre d'une AMP, le terme de « femme » est entendu au sens strict de l'état civil926. Le notaire doit donc se référer au genre de la personne mentionné sur son acte de naissance pour savoir si l'AMP lui est permise ou non. Il en résulte :
- qu'un homme transgenre qui a conservé son utérus ne peut pas être inséminé, ni même accueillir un embryon, peu importe qu'il soit seul ou en couple avec une personne de même sexe ou de sexe différent927 ;
- qu'une femme transgenre en couple avec un homme ne pourra pas recourir à l'AMP exogène928 ;
- qu'une femme transgenre en couple avec une femme pourra entreprendre une AMP929.
Mariage, présomption de paternité et AMP
Lors de la signature d'un acte de consentement à l'AMP, le notaire peut être confronté à plusieurs situations :
1) Une femme souhaite réaliser seule une AMP alors qu'elle est mariée :
a) Avec un homme
Le notaire confronté à une telle demande doit refuser de conclure l'acte de consentement conformément à l'article 342-10 du Code civil. Le législateur a fait le choix d'exclure la femme mariée du dispositif en fondant celui-ci sur l'existence de la présomption de paternité930.
b) Avec une femme
Dans cette hypothèse, la présomption de paternité ne peut évidemment pas s'appliquer. Toutefois, il nous semble que le notaire devrait également refuser de recueillir le consentement à l'AMP. En effet, en employant le terme « la femme non mariée », le législateur n'a pas distingué selon que la femme est mariée avec une personne de même sexe ou de sexe différent. Or, il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas.
2) Une femme non mariée souhaite réaliser une AMP avec son compagnon alors que celui-ci est encore engagé dans les liens du mariage avec une autre personne.
La condition de non-mariage ne concernant que la femme seule, rien ne semble interdire à ce couple de pratiquer une AMP avec tiers donneur. Néanmoins, cet homme, encore engagé dans les liens du mariage, est tenu à une obligation de fidélité931. En établissant l'acte de consentement à l'AMP avec tiers donneur, le notaire sera le témoin de la violation de cette obligation résultant du mariage. La situation la plus vraisemblable consistera pour la femme non mariée à réaliser seule l'AMP exogène. Elle signera seule l'acte de consentement à l'AMP avec tiers donneur. Son compagnon encore marié aura la possibilité de reconnaître l'enfant lorsque celui-ci sera né. La filiation établie entre l'enfant et le compagnon sera néanmoins fragile en raison de cette reconnaissance mensongère932. Elle pourra par ailleurs être contestée judiciairement par son auteur en se fondant sur l'absence de lien biologique avec l'enfant.
3) Une femme encore mariée souhaite réaliser une AMP avec son nouveau compagnon ou sa nouvelle compagne.
Une femme en instance de divorce souhaite réaliser une AMP exogène avec son nouveau compagnon ou sa nouvelle compagne933. Le CRIDON Sud-Ouest considère que « la circonstance que l'un des concubins [soit] marié avec un tiers ne fait pas obstacle à l'accès du couple non marié à une AMP, avec ou sans tiers donneur »934. La difficulté pour le notaire réside dans l'appréciation du couple formé par les concubins. Avant la loi du 7 juillet 2011, ces derniers devaient être en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans. Or, cette condition a été supprimée pour aligner la situation des concubins sur celle des partenaires935. Cependant, le notaire doit s'assurer a minima que les deux personnes forment un couple uni pour signer un acte de consentement à l'AMP936. Il doit donc exister une vraie stabilité et continuité dans leur relation, ce qui peut parfois être difficile à apprécier dans certaines situations937. Si le notaire accepte de recueillir l'acte de consentement à l'AMP – ce que nous ne conseillons pas – il sera tenu d'informer le couple dont la femme est encore mariée à un autre homme des conséquences de leur acte au regard de la filiation et des difficultés engendrées par leur situation pour l'établissement de celle-ci. Pour un couple de femmes dont l'une d'elles est encore engagée dans les liens du mariage, est-il possible de conclure un acte de consentement à l'AMP en précisant dans celui-ci l'identité de celle qui portera l'enfant, soit celle de la femme qui n'est pas mariée ? Rien ne semble l'interdire en droit même si la circulaire du 21 septembre 2021 précise que « le notaire recueille le consentement des deux membres du couple, sans qu'il soit nécessaire à ce stade que ces femmes aient choisi celle qui engagera le processus d'AMP et portera l'enfant ». Si le CRIDON de Lyon semble admettre une telle pratique, il préconise tout de même de conseiller à celle qui est encore mariée « de divorcer avant toute signature »938. Reste à l'équipe médicale d'accepter, dans l'intérêt de l'enfant à naître, de réaliser une AMP exogène dans une telle configuration familiale.
Pour la femme encore mariée souhaitant réaliser une AMP avec son nouveau compagnon ou sa nouvelle compagne, nous ne recommandons pas au notaire d'établir l'acte de consentement à l'AMP puisque celle-ci est encore engagée dans les liens du mariage. Cela revient à définir la notion de couple dans notre droit.