– Droit successoral à part. – Parallèlement aux droits légaux en pleine propriété ou en usufruit du conjoint survivant, dont rien n'interdit qu'il en soit privé en présence de descendants, le législateur de 2001 a créé à son profit une vocation particulière ayant pour objet le logement qu'il occupait effectivement à titre d'habitation principale à l'époque du décès. L'objectif est d'assurer ainsi au conjoint le maintien de son cadre de vie le reste de ses jours. Ce droit d'habitation sur le logement et d'usage sur le mobilier qui le garnit prévu à l'article 764 du Code civil est un droit successoral qui n'est pas d'ordre public, à la différence du droit temporaire au logement prévu à l'article 763 du même code mais particulièrement protégé. Le texte indique que le conjoint survivant ne peut en être privé que par testament authentique, et encore faut-il une disposition expresse. Ainsi, un testament olographe instituant un légataire universel ne permettra pas d'écarter le droit viager au logement. Le legs s'exécutera mais grevé du droit viager d'usage et d'habitation. Contrairement au droit temporaire au logement, le bénéfice de ce droit viager au logement n'est pas acquis automatiquement mais doit être demandé dans l'année du décès. Et comme il s'agit d'un acte unilatéral qui ne nécessite pas l'accord des enfants, il sera prudent de formaliser cette demande dans le délai imparti lorsque le règlement de la succession est amené à se prolonger du fait de désaccords, notamment dans les familles recomposées. S'agissant de sa liquidation, il faut avoir à l'esprit qu'à l'instar des libéralités reçues par le conjoint du de
cujus, le droit viager au logement ne se cumule pas avec ses droits légaux de conjoint survivant mais s'impute sur ceux-ci (Sous-section II). Cette imputation se réalisant en valeur, et non en assiette, il convient au préalable de procéder à son évaluation (Sous-section I).
La liquidation du droit viager au logement
La liquidation du droit viager au logement
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Évaluation du droit viager au logement
– Évaluation fiscale ou économique. – L'article 762 bis du Code général des impôts, issu de la loi du 3 décembre 2001, fixe la valeur des droits d'usage et d'habitation à 60 % de la valeur de l'usufruit, déterminée elle-même selon l'âge de l'usufruitier conformément au barème prévu à l'article 669 I du Code général des impôts. Mais cette disposition fiscale ne s'impose que pour liquider les droits de mutation à titre gratuit dans la déclaration de succession. Sur le plan civil, notamment dans le cadre d'un partage, les parties pourront lui substituer une évaluation dite « économique » si elles en sont d'accord.
Imputation du droit viager au logement sur les droits légaux
– Droits légaux en usufruit. – Lorsque le conjoint opte pour l'usufruit, la valeur du droit viager au logement étant inférieure à la valeur de son usufruit légal, l'imputation s'avère donc inutile.
– Droits légaux en pleine propriété. – Si le conjoint hérite en pleine propriété, il y a lieu d'imputer la valeur de ce droit viager au logement sur la valeur de ses droits légaux. Deux résultats sont alors possibles. Soit la valeur des droits d'usage et d'habitation est inférieure à celle des droits légaux du conjoint, et l'article 765 du Code civil précise alors que celui-ci « peut prendre le complément sur les biens existants ». D'après les termes employés par le législateur, ce complément serait donc une faculté accordée au conjoint à laquelle il peut renoncer. Soit la valeur des droits d'usage et d'habitation est supérieure à celle de ses droits successoraux, et le même texte indique alors que le conjoint « n'est pas tenu de récompenser la succession à raison de l'excédent ». Par conséquent, il ne sera redevable d'aucune indemnité envers la succession pour l'excédent de valeur dont il profite.
– Ordre d'imputation du droit viager au logement et des libéralités sur les droits légaux. – Une difficulté survient, dans le silence des textes, lorsque le conjoint est à la fois gratifié d'une libéralité et bénéficiaire du droit viager au logement. Comment articuler les imputations des articles 758-6 et 765 du Code civil ? Pour éviter le cumul des droits, il y a lieu d'effectuer une double imputation sur les droits légaux. Mais dans quel ordre procéder à ces imputations ? La doctrine majoritaire estime que le droit viager doit s'imputer avant les libéralités, en raison de sa nature singulière578.
Spécificités liquidatives des droits légaux du conjoint survivant
En conclusion, le notaire liquidateur de succession devra bien avoir à l'esprit :
- les différentes masses existantes dans le cadre du règlement d'une succession. En premier lieu, la masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve établie d'après l'article 922 du Code civil. En deuxième lieu, la masse de calcul et d'exercice du quart légal en pleine propriété du conjoint survivant d'après l'article 758-5 du même code, et en troisième et dernier lieu, la masse à partager entre les héritiers dont la composition est visée à l'article 825 du Code civil. Chacune de ces masses a son assiette propre ;
- les différences de méthodes liquidatives pour déterminer, d'un côté, les droits légaux et, de l'autre, les droits conventionnels du conjoint survivant.
- Rôle du notaire. Sous peine d'engager sa responsabilité, le notaire devra renseigner correctement les parties sur l'articulation des droits légaux du conjoint survivant avec les libéralités dont celui-ci a été gratifié et son droit viager au logement. Il devra informer les parties des incertitudes actuelles, des enjeux pour chacune d'elles, en chiffrant les différentes hypothèses, et en conserver la preuve. Il devra consigner l'accord amiable sur la méthode retenue. Et si aucun accord ne s'avère possible, il les invitera à se rapprocher d'un avocat en vue d'un règlement judiciaire de la difficulté.