– Récompense et communauté. – Le choix du régime matrimonial des futurs époux peut varier selon plusieurs critères, et notamment celui du patrimoine déjà existant ou celui d'éventuels héritages à venir. Contrairement aux idées reçues, ces critères ne devraient en réalité que peu influer sur le choix des futurs époux car les biens reçus par donation, succession et legs sont propres à l'époux qui les reçoit quel que soit le régime matrimonial278. C'est alors le mécanisme des récompenses qui entre en jeu. Il a pour but de rétablir l'équilibre entre les masses propre et commune en cas de mouvement de valeur entre elles au cours du régime de la communauté.
La fragilisation des récompenses
La fragilisation des récompenses
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– L'interprétation jurisprudentielle. – Or, ce principe connaît une interprétation jurisprudentielle qui contrevient à la sécurisation de la récompense.
La problématique est la suivante : un époux encaisse des fonds provenant d'une succession, d'une donation, ou possède des économies avant mariage. Selon l'article 1433 du Code civil : « La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres » ; « il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi ». Or, la position actuelle de la Cour de cassation peut lui faire craindre de ne pas récupérer cet argent. En effet, pour définir si la communauté a tiré profit des fonds propres, la Haute juridiction considère que l'encaissement sur un compte joint présume le profit : il y aurait ainsi davantage de chance que les sommes d'argent aient servi à la communauté si elles sont déposées sur un compte ouvert au nom des deux époux. La charge de la preuve que la communauté a tiré profit des fonds reviendra à l'époux alors même qu'ils ont été déposés sur un compte ouvert à son seul nom. Mais cette preuve est ô combien délicate à rapporter à la dissolution du régime. Les juges ont donc érigé la titularité du compte comme facteur déterminant la présomption de profit ouvrant droit à récompense. Cette jurisprudence est porteuse d'insécurité pour l'époux titulaire de fonds propres. À la lumière de celle-ci, le notaire prendra garde de conseiller, voire de convaincre l'époux de déposer les fonds sur un compte joint pour faciliter la preuve d'une récompense. À l'inverse, en raison de leur fongibilité, cet époux verra se dissiper tout espoir de récupérer ses fonds propres, lesquels feront l'objet d'un partage par moitié lors de la dissolution. Les aléas fragilisent les récompenses et mettent en péril la préservation du patrimoine propre.