– Dualité de formes. – En vertu de l'article 229-3 du Code civil, « la convention [de divorce] comporte expressément, à peine de nullité : (…) 5o L'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant, en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière » (Sous-section I), ce qui sous-entend qu'en l'absence de tels biens, il peut être établi par les avocats (Sous-section II).
La forme de l'acte portant règlement du régime matrimonial
La forme de l'acte portant règlement du régime matrimonial
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
L'acte notarié
– Forme de l'état liquidatif. – Dès lors que les époux sont propriétaires d'un bien soumis à publicité foncière, le règlement de leur régime matrimonial suppose nécessairement la rédaction d'un acte notarié (C. civ., art. 229-3). Parce que les questions liquidatives relèvent traditionnellement de la compétence du notaire, ce dernier est également susceptible d'intervenir, à la demande expresse des avocats, lorsque les époux sont uniquement propriétaires de biens mobiliers. C'est parfois le cas en présence de difficultés liquidatives spécifiques, liées à l'existence de récompenses (en communauté), de créances entre époux (séparation de biens) ou au calcul de la créance de participation (participation aux acquêts). C'est alors une faculté, dépendante du bon vouloir des avocats, et non plus une obligation. En tout état de cause, l'acte notarié portant règlement du régime matrimonial des époux est annexé à la convention de divorce.
– Ordonnancement des signatures. – Au lendemain de la réforme du 18 novembre 2016562, et face à l'imprécision de la loi à ce propos, la pratique et la doctrine se sont interrogées sur le déroulement opératoire des signatures.
Alors que les textes semblaient enjoindre aux parties de suivre un « circuit semi-long »563, certains ont proposé un « circuit court », avec la signature concomitante en un seul lieu et en un seul trait de temps chez le notaire, des trois actes qui caractérisent cette forme de divorce564. Enfin, de nombreux notaires, suivant en cela les préceptes du Conseil supérieur du notariat, ont adopté un « circuit long », théorisé par Me Ferré-André565, lequel consiste à faire signer ab initio aux parties un état liquidatif définitif, destiné ensuite à être annexé au projet de convention rédigé par les avocats, pour être soumis à la réflexion des parties imposée par l'article 229-4 du Code civil.
– La Chancellerie privilégie le circuit court. – Une réponse ministérielle du 24 décembre 2019566 a préconisé expressément le circuit court avec une signature de l'ensemble des actes au sein des offices à l'occasion d'un rendez-vous unique567 postérieur à la purge du délai de réflexion de quinze jours consécutif à l'envoi groupé par les avocats des projets de convention de divorce et d'état liquidatif. L'intégralité des actes relatifs au divorce doivent donc être signés dans un instant court, et ce dans l'ordre suivant : signature de l'acte portant règlement du régime matrimonial et/ou dation en paiement à titre de prestation compensatoire, puis celle de la convention de divorce par acte d'avocats, et enfin celle de l'acte de dépôt au rang des minutes notariales.
Nous sommes convaincus de la pertinence du circuit court et rejoignons naturellement la position de l'IEJ du CSN qui, dans son rapport intitulé « Le divorce par consentement mutuel. 5 ans après », a préconisé la généralisation du circuit court568.
– Les bienfaits du circuit court. – Le circuit court présente de nombreux atouts :
- satisfaction des époux : « En empruntant cette voie, les époux entrés mariés à l'étude en ressortent divorcés, les conséquences financières de leur divorce réglées, et leur dossier terminé »569 ;
- travail de concert des praticiens : Le circuit court permet une meilleure synergie entre les avocats et le(s) notaire(s), ceux-ci travaillant de concert dans l'intérêt de leurs clients communs, ce qui rassure ces derniers. Au vu des échanges entre les professionnels, les actes sont vérifiés de manière réciproque. Ces vérifications ne doivent pas être mal appréhendées car elles sont conformes au désir du législateur de faire collaborer de manière harmonieuse les deux corps de métier ;
- continuité du consentement des époux : Le dépôt de la convention intervenant à la suite immédiate des étapes précédentes, cette rapidité évite les difficultés rencontrées lors d'un dépôt décalé dans le temps. En effet, le notaire n'a pas à se soucier du maintien du consentement des époux, ni de leur survie. Ce dépôt en présence des parties permet au notaire de procéder à une reconnaissance d'écriture et d'attester l'intégrité du consentement des parties, ce qui est gage d'une bonne exécution ultérieure.L'intervention des parties permettra également de constater la quittance de la soulte et/ou de la prestation compensatoire. Au lendemain de la réforme, s'était posée la question de savoir si le notaire pouvait intégrer la quittance dans l'acte de dépôt ou s'il était contraint de préparer un acte parallèle constatant le paiement et donc la quittance. La pratique a confirmé le recours à l'acte unique, évitant des frais complémentaires ;
- sécurité juridique : Les deux projets ayant été envoyés concomitamment par l'intermédiaire des avocats, les parties ont pu émettre leurs éventuelles remarques sur les projets, évitant des contestations ultérieures.
L'acte d'avocat
– Forme de l'état liquidatif. – L'article 229-3 du Code civil précise que « la convention comporte expressément, à peine de nullité : (…) 5o L'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant, en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu'il n'y a pas lieu à déclaration ». Il résulte du texte qu'en l'absence de biens soumis à publicité foncière, l'état liquidatif peut être établi par les avocats et inséré dans la convention de divorce. Il peut aussi, pour davantage de lisibilité, eu égard à son ampleur et à sa complexité, être annexé à ladite convention, à l'instar d'un acte notarié.
En l'absence de biens à partager, selon les textes, la convention peut comprendre une déclaration, suivant laquelle « il n'y a pas lieu de liquider » (C. civ., art. 229-3, 5o). Forts du quitus légal, certains avocats, en l'absence de bien à partager, se contentent de reprendre in extenso cette formule, laquelle est pourtant trompeuse. En effet, parce que l'absence de biens ne postule pas nécessairement l'inexistence de flux financiers antérieurs entre les parties, l'obligation de liquider le régime matrimonial s'impose également lorsqu'il n'existe aucun partage à réaliser au moment du divorce. Si parfois, aucun transfert de valeurs n'est effectivement intervenu entre les époux, et, en dépit des apparences, un état liquidatif est encore nécessaire, ne serait-ce que pour purger lesdits transferts de valeurs et évacuer ainsi tout risque de contentieux ultérieur à ce sujet.
– Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire. – Une fois la convention de divorce signée par les époux et leurs avocats respectifs, ces derniers doivent en transmettre un exemplaire au notaire, aux fins de dépôt au rang de ses minutes, et ce dans les sept jours de la signature. Le notaire dispose alors d'un délai de quinze jours pour régulariser le dépôt suite aux vérifications d'usage des mentions formelles de l'article 229-3 du Code civil et du délai de réflexion de l'article 229-4 du Code civil570. Mieux encore, le garde des Sceaux a admis que « si une convention portait manifestement atteinte à l'ordre public (par ex. clause de non-remariage conditionnant une prestation compensatoire, renonciation à tout droit de visite et d'hébergement sur les enfants), le notaire pourra alerter les avocats sur la difficulté ». La formule a ensuite été reprise, presque à l'identique, par la circulaire du 26 janvier 2017571. Il semble donc que le notaire dépositaire, pourtant officiellement cantonné au rôle de simple enregistreur de la convention de divorce, soit appelé à opérer, de manière plus intrusive, un contrôle du respect de l'ordre public.
– Une vigilance accrue sur l'état liquidatif lors du dépôt. – Parmi les mentions obligatoires reprises au sein de l'article 229-3 du Code civil, figure « l'état liquidatif du régime matrimonial ». Il en résulte que le notaire doit vérifier que la séparation emporte règlement complet du régime matrimonial, les époux devant s'accorder sur les effets du divorce. Mais quels sont les contours de ce contrôle lorsque l'état liquidatif a été géré par les avocats ? Le notaire doit-il vérifier la liquidation ? Littéralement, le texte impose au notaire de vérifier l'existence d'une liquidation et non l'exactitude de celle-ci.
Et pourtant : il est difficile de rester aveugle, par exemple, en cas de dépôt d'une convention de divorce contenant « la déclaration qu'il n'y a pas lieu à liquidation » (C. civ., art. 229-3, 5) alors que le notaire dépositaire, conseil attitré du couple commun en biens, a réglé en son étude la succession des parents de l'un ou reçu des actes de donations familiales consenties à l'autre. L'on sait que de tels actes, qui constatent la perception de fonds propres par les époux, laissent clairement poindre l'existence de récompenses à l'actif ou au passif de la communauté, manifestement occultées dans la convention. De même, une attitude passive est à exclure lorsque le notaire dépositaire vient de recevoir l'acte de vente de l'ancien domicile conjugal et que l'état liquidatif dressé par les avocats dans la convention fait fi des liquidités ainsi partagées, dans une hypothèse où elles sont censées être imposées fiscalement. L'on doit ici souligner qu'en déposant une convention, dont il sait pertinemment qu'elle omet sciemment un élément de l'assiette des droits d'enregistrement, le notaire prêterait alors son concours à une fraude fiscale, sanctionnable sur le plan pénal.
Au final, il paraît donc prudent de conseiller aux notaires dépositaires d'examiner avec une attention toute particulière « l'état liquidatif » contenu dans la convention et, en présence de clauses litigieuses, sur le plan civil ou fiscal, d'en aviser les avocats puis, en cas d'inaction de ces derniers, de refuser le dépôt572.
De la pratique contestable des partages distributifs
Il existe une pratique, bien ancrée dans certaines régions, par laquelle les professionnels intervenant dans le divorce par consentement mutuel consacrent un « partage distributif ». Dans cette situation, le notaire se charge uniquement du sort du ou des immeubles conjugaux, alors que les avocats traitent du sort des biens mobiliers dans la convention de divorce. Cette pratique, qui contrevient au principe de l'unité du patrimoine, doit être condamnée. C'est le cas tout au moins en régime communautaire, où la présence de biens immobiliers au sein du patrimoine commun des époux rend obligatoire la rédaction d'un acte notarié. L'acte en question, s'agissant d'une communauté, se doit d'être exhaustif et reprendre tous les biens de la communauté, ce compris les biens mobiliers. La communauté étant « une et indivisible », son règlement doit intervenir, dans sa globalité, au sein d'un acte unique573.
Parce qu'il n'est pas question alors de devoir partager une masse de biens similaire à la « communauté »574, ces obligations liquidatives pesant sur le praticien ne se retrouvent pas sous les régimes séparatif et participatif. En pareil cas, chaque indivision peut faire l'objet d'un règlement autonome, et pas nécessairement concomitant. À nos yeux, cette pratique n'est cependant pas à conseiller car on ne conçoit pas comment elle peut répondre à l'obligation du règlement complet du régime matrimonial, qui ne peut apparaître que dans un acte unique.
– Conclusion. Le divorce par consentement mutuel judiciaire. – Dans le cas, aujourd'hui rare, où les époux empruntent la voie d'un divorce par consentement mutuel judiciaire, ils doivent soumettre au juge la convention de divorce qu'ils ont élaborée, laquelle synthétise leurs accords tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences (C. civ., art. 230). Cette convention est homologuée par le juge, si ce dernier « a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. Il peut refuser l'homologation et ne pas prononcer le divorce s'il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l'un des époux » (C. civ., art. 232). La validation du divorce dépend donc de l'appréciation souveraine du juge du fond575.
Les questions liquidatives sont intégrées à la convention de divorce en l'absence d'immeuble et de difficulté particulière ou dans un état liquidatif notarié, annexé à ladite convention, si le patrimoine conjugal comprend des biens immobiliers, ou encore si la liquidation nécessite une intervention notariale en raison de la complexité du dossier. En cas de soulte, le financement du débiteur doit être acquis afin d'éviter toute difficulté lors du dépôt du jugement au rang des minutes du notaire.
L'état liquidatif notarié, à l'instar de la convention de divorce, doit être régularisé sous la double condition suspensive de son homologation et du prononcé du divorce.Malgré le caractère gracieux de la procédure et le temps « relativement » court qui y est associé, l'attention des époux doit être attirée sur les conséquences des délais entre la signature de l'acte et la levée de la double condition suspensive, notamment le risque de péremption de l'offre de prêt du débiteur de la soulte.
Le jugement ainsi prononcé, les délais de recours purgés, le notaire doit déposer la copie du jugement de divorce avec la mention de son enregistrement auprès du service de l'enregistrement pour constater la levée des conditions suspensives et, souvent, le paiement des sommes dues au titre du divorce (soulte et/prestation compensatoire).