– Accord global. – Lorsque les époux parviennent à s'accorder en cours d'instance concernant le règlement de leur régime matrimonial, l'on constate que l'accord en question va généralement de pair avec un accord sur le principe, le montant, les modalités d'une éventuelle prestation compensatoire. Dans l'esprit des époux, la solution transactionnelle n'a de sens que si elle porte sur l'ensemble des conséquences pécuniaires et patrimoniales de leur divorce. Comme souvent les époux parviennent fort heureusement, en présence d'enfants mineurs, à s'entendre sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le notaire en vient naturellement à leur proposer de bénéficier de la passerelle prévue par l'article 247 du Code civil et de bifurquer vers un divorce par consentement mutuel. Il s'agit là du reste d'une condition sine qua non pour certains d'entre eux, lesquels subordonnent leur accord sur les conséquences du divorce à l'abandon par l'autre d'éventuels griefs en vue de voir le divorce prononcé pour faute.
La faculté de régler le régime matrimonial en cours d'instance
La faculté de régler le régime matrimonial en cours d'instance
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Accord limité. – La passerelle vers un divorce par consentement mutuel est parfois refusée par l'un des époux qui, eu égard à l'attitude de son conjoint pendant l'union, est peu enclin à s'orienter vers un divorce de plein accord. Il peut également arriver que les conditions d'un tel divorce ne soient pas réunies parce que ces derniers ne parviennent à s'entendre que sur le règlement de leur régime matrimonial, tout en restant en opposition sur certains points comme les modalités d'exercice de l'autorité parentale ou la prestation compensatoire. En l'absence d'une volonté concordante en ce sens ou à défaut d'accord des époux sur l'ensemble des aspects de leur séparation, la voie du divorce par consentement mutuel est fermée. En ce cas, les époux ont la possibilité de poursuivre la procédure contentieuse initialement empruntée et de s'accorder pendant l'instance sur tout ou partie des conséquences de leur divorce par le biais de conventions soumises à l'homologation du juge (C. civ., art. 268). Mieux encore, en marge de cette pétition de principe, la loi confère aux époux la faculté, de manière plus spécifique, de concrétiser leur accord relatif au sort de leurs biens sur le fondement de l'article 265-2 du Code civil, lequel prévoit, en effet, que : « Les époux peuvent pendant l'instance en divorce, passer toute convention pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial. Lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, la convention doit être passée par acte notarié ». Nous allons envisager successivement l'établissement (§ I) puis la prise d'effet de cette convention (§ II).
Établissement de la convention de l'article 265-2 du Code civil
– Objet de la convention. – Tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial, peuvent régler celui-ci en cours d'instance. Cela étant, l'acte peut être à géométrie variable. Il peut avoir un objet limité et se borner à trancher certaines difficultés liquidatives. L'accord des époux est susceptible de porter uniquement, par exemple, sur la date de dissolution de leur régime matrimonial ou sur le principe et le montant d'une récompense, ce qui leur interdit de remettre en question par la suite ces acquis. L'acte peut également constater un partage partiel. Dans toutes ces hypothèses, il ne constitue alors qu'un travail préparatoire en vue d'un règlement définitif du régime matrimonial qui interviendra après le prononcé du divorce. En pratique, les parties s'arrêtent toutefois rarement au milieu du gué et l'acte porte très généralement sur le règlement définitif et complet de leur régime matrimonial : non seulement il contient l'état liquidatif, mais il prévoit aussi le partage et l'attribution des lots ou, plus rarement, le maintien dans l'indivision.
Articulation avec la prestation compensatoire
Dans les faits, il est fréquent que les accords relatifs au règlement du régime matrimonial aillent très souvent de pair avec des ententes relatives à la prestation compensatoire mais plus encore, que les deux soient généralement liés l'un à l'autre. C'est le cas, notamment, quand les époux s'entendent sur le montant d'une prestation compensatoire destinée à compenser intégralement ou non, selon les termes de leur accord, la soulte due par l'un à l'autre au titre du règlement de leur régime matrimonial. En pareil cas, l'accord relatif à la prestation compensatoire doit être en principe transcrit dans une convention établie sur le fondement de l'article 268 du Code civil et soumise, en tant que telle, à l'homologation judiciaire. À l'instar de la solution retenue dans le cadre du divorce par consentement mutuel, l'acte portant règlement du régime matrimonial doit alors se contenter de rappeler la solution retenue concernant la prestation compensatoire, en renvoyant en tant que de besoin à la convention de l'article 268 du Code civil, rédigée par l'avocat, laquelle contient toutes les informations utiles justifiant le principe et le montant de la prestation choisie par les parties. En pareil cas, et lorsque l'acte portant règlement du régime matrimonial est notarié, ce dernier doit être rédigé sous une double condition suspensive, celle du prononcé du divorce et celle de l'homologation par le tribunal de la convention aux termes de laquelle il est prévu que l'un des époux règle telle prestation à son conjoint.
– Moment de la convention. – L'encadrement de la conclusion de ces conventions dans le temps est strict. En effet, le législateur a prévu que la signature de l'acte ne peut intervenir qu'au cours de l'instance de divorce, c'est-à-dire une fois l'assignation délivrée ou la requête conjointe déposée, et avant qu'une décision définitive ne soit intervenue au fond. Toute convention signée avant le début de l'instance serait nulle comme constituant une liquidation anticipée du régime matrimonial, contraire à la règle de l'immutabilité des conventions matrimoniales604. Cet impératif ne concerne que les époux communs en biens ainsi que ceux mariés sous le régime participatif désireux de passer un accord relatif à la créance de participation605. En revanche, les époux séparés de biens, mais aussi les époux participatifs, peuvent liquider et partager leur indivision avant l'introduction de l'instance.
– Forme de la convention. – L'article 265-2 du Code civil prévoit l'intervention du notaire quel que soit le régime matrimonial des époux, mais uniquement lorsque l'accord porte sur des biens soumis à publicité foncière. En d'autres termes, les époux ne sont pas contraints de consacrer leur accord en la forme notariée lorsqu'ils ne sont propriétaires que de biens meubles ou lorsqu'il s'agit seulement de traiter les mouvements de valeurs intervenus entre eux, ce qui peut être le cas notamment de deux époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts, qui ne sont propriétaires d'aucun bien indivis et dont l'acte ne vise qu'à liquider la créance de participation. Bien évidemment, les époux conservent alors la faculté, nonobstant ce texte, de recourir à un notaire en pareil cas.
Prise d'effet de la convention de l'article 265-2 du Code civil
– Acte sous condition suspensive du divorce. – L'article 1451, alinéa 1er du Code civil dispose que : « Les conventions passées en application de l'article 265-2 sont suspendues, quant à leurs effets, jusqu'au prononcé du divorce ; elles ne peuvent être exécutées, même dans les rapports entre époux, que lorsque le jugement a pris force de chose jugée ». Il en ressort que l'acte portant règlement du régime matrimonial en cours d'instance est conclu sous la condition suspensive du prononcé du divorce. Bien que le texte figure improprement parmi les dispositions intéressant uniquement le régime de communauté, il a manifestement vocation, si l'on en croit ses termes, à s'appliquer à tous les actes passés sous l'égide de l'article 265-2, y compris lorsque les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens ou de la participation aux acquêts.
– Acte sous condition suspensive d'une homologation judiciaire ? – Alors que les conventions prévues par l'article 268 du Code civil sont obligatoirement soumises à homologation judiciaire, la question se pose de savoir si une telle formalité s'impose pour les conventions spécifiques de l'article 265-2. Deux thèses opposées peuvent être invoquées. En défaveur de l'homologation, il est possible de souligner que l'article 265-2 ne fait aucunement allusion à une telle obligation. Au contraire, en faveur de l'homologation, il est possible de soutenir que l'article 268 pose une règle générale et que l'homologation concerne en définitive toutes les conventions passées par les époux en cours d'instance, y compris celles visées à l'article 265-2, parce qu'elles portent aussi sur les conséquences du divorce.
La vérité, comme bien souvent, se situe à mi-chemin entre ces deux thèses. Il est en effet couramment admis aujourd'hui que l'homologation n'est pas obligatoire, mais qu'elle demeure possible. D'emblée, on perçoit tout l'intérêt d'une telle homologation, notamment lorsque les époux ont éludé l'intervention d'un notaire, sous couvert d'une liquidation strictement mobilière. Dans ce cas, le juge peut refuser la convention si elle ne préserve pas les intérêts des deux parties, mais aussi lorsque l'acte ne reflète plus leur commune intention606. Au-delà, lorsque la convention prend la forme notariée, l'intérêt de l'homologation réside dans l'indissociabilité qui existe entre cette convention et le jugement de divorce, le tout acquérant force de chose jugée, ce qui réduit presque à néant les risques de remise en cause et accroît corrélativement la sécurité juridique de l'accord liquidatif.
Si l'on pourrait donc, de prime abord, conseiller au notaire de soumettre son acte à l'homologation d'un juge, on ne peut cependant éluder le risque, en pareil cas, qu'il se heurte à un magistrat qui, faisant prévaloir les dispositions de l'article 265-2 du Code civil, refuse d'homologuer ledit acte, donnant ainsi potentiellement l'occasion à l'un des époux de ne pas l'exécuter. Le risque est d'autant plus important que l'on constate en pratique que les magistrats répugnent généralement à opérer un contrôle sur la convention notariée, eu égard à la technicité attachée à ce dernier. La prudence veut donc que le notaire se contente de soumettre son acte à la condition suspensive du prononcé du divorce ou alors qu'il sonde le juge sur son positionnement, en amont de la signature de son acte, par le biais des avocats.