La contractualisation et la déjudiciarisation

La contractualisation et la déjudiciarisation

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025

Le rôle du notaire

– Le juge recentré sur ses missions essentielles. – La place du juge était considérable en droit de la famille et a nécessité de multiples spécialisations. Néanmoins, par la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxi e siècle, le législateur a exprimé sa volonté de recentrer le magistrat sur ses missions essentielles en améliorant l'efficacité, l'accessibilité et la rapidité de la justice en France158.
– Le notaire consacré comme juge volontaire. – Le mouvement de contractualisation accompagne celui de la déjudiciarisation. En une vingtaine d'années, le notaire, en sa qualité d'officier ministériel, est apparu comme le professionnel du droit le plus à même de remplacer le juge. Les notaires sont « cette espèce de juge volontaire » selon les mots bien connus du conseiller Réal dans les considérants de la loi de ventôse159. Cet idéal très ancien a été rappelé lors des travaux du 117e Congrès des notaires en 2021160.
– La délicatesse. – Cet idéal était déjà exprimé par l'avocat Claude Joseph de Ferrière161. Il écrivait au sujet du notaire que « de toutes les professions qui servent la Société Civile, il n'en est guère de plus délicate, ni de plus importante » que celle-ci162. L'article 3 du décret no 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au Code de déontologie renvoie à cette même approche de la sensibilité presque trois cents ans plus tard. Le notaire « accomplit sa mission avec loyauté, neutralité, impartialité, probité et délicatesse ». S'il est bien un domaine où cette qualité doit s'incarner, c'est en droit de la famille lorsque le notaire agit comme juge volontaire et impartial.

Les nouvelles missions

– Un contrepoids au déclin de l'ordre public. – La libéralisation du droit de la famille sous la forme de la contractualisation s'est faite progressivement. Dans un premier temps, le contrôle judiciaire s'impose comme un régulateur, contrepoids au recul de l'ordre public, pour finir par régresser, voire disparaître complètement, au profit d'un contrôle notarié. Ce mouvement s'observe particulièrement en droit des régimes matrimoniaux face au fléchissement de l'immutabilité des régimes matrimoniaux, ou en droit du divorce au regard du déclin de l'indissolubilité du mariage. Si le changement de régime et le divorce ont, par exemple, été interdits par le passé, ils ont ensuite été assujettis à un encadrement judiciaire avant d'être soumis à une liberté contractuelle sous contrôle notarié.
– Auxiliaire de justice 163 . – Le mouvement de déjudiciarisation a accordé au notaire une place particulière d'auxiliaire de justice en matière de filiation (consentement à l'AMP avec tiers donneur, acte constatant la possession d'état en matière de filiation, consentement à adoption), de divorce (le divorce sans juge), de vulnérabilité (le mandat de protection future) et de régime matrimonial (le changement de régime sans homologation). Ce mouvement s'est également concrétisé sur le plan successoral avec la suppression de l'envoi en possession hors opposition, l'acceptation pure et simple de la succession pour l'héritier en tutelle sur présentation d'une attestation notariée, la consécration de l'acte de notoriété, l'acceptation à concurrence de l'actif net sous forme notariée, la renonciation à succession par acte authentique, la suppression de l'homologation des partages en présence de personnes vulnérables. Comme le souligne un auteur, « c'est le signe que l'intervention du notaire peut être porteuse non seulement d'une autre mais surtout d'une meilleure justice »164.