La compétence de la loi applicable

La compétence de la loi applicable

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Principes directeurs pratiques. – Le droit international privé classe chaque question dans une catégorie de rattachement, elle-même soumise à une règle de conflit propre. La filiation et la capacité sont ainsi « rattachées » à la « catégorie » du statut personnel quand le contrat de mariage relève des questions matrimoniales. Les pactes successoraux et le testament sont classés avec la succession, tandis que les statuts de sociétés appartiennent au contrat. Le notaire est tenu de reconnaître ces catégories, d'assimiler les règles de conflit françaises, de comprendre les correctifs usuels comme le renvoi, les lois de police et les correctifs contractuels. Il pourra alors faire œuvre de créativité notariale sur le plan international pour anticiper la compétence de la loi applicable à chaque matière, faire du « sur-mesure » pour le client en matière de planification en désignant la loi applicable. C'est notamment le cas en droit des régimes matrimoniaux, pour le Pacs ainsi qu'en droit successoral212.
– Office du notaire. – Lorsque les internationalistes évoquent la marge active et passive de l'action du juge, ils parlent de « l'office » du juge. Il n'existe pas de règles écrites sur « l'office » du notaire, c'est-à-dire sur son devoir de relever de manière spontanée la règle de conflit applicable, de rechercher la teneur du droit étranger, de soulever le renvoi et l'exception d'ordre public. Ce vide juridique est l'occasion de la création d'une doctrine notariale sur l'office du notaire en recherche de la loi applicable213. Quelle position adopter ?
La réponse est aisée s'agissant tout d'abord de la règle de conflit française. Le notaire n'a pas d'autre option, puisque cette règle de conflit française fait partie de son ordre juridique. Il doit appliquer le droit français, fût-ce une règle de conflit. En revanche, la question est beaucoup plus délicate s'agissant de la règle de conflit étrangère désignée par la règle française qui, par nature, est externe à notre ordre juridique. Le notaire peut-il soulever d'office le renvoi en application de la règle de conflit étrangère ? Si la solution est acquise au sein de l'Union européenne, elle reste floue ailleurs. Le sujet peut s'étendre au soulèvement d'office de l'exception d'ordre public au regard par exemple, des privilèges de sexe ou de religion. Cette question particulière sera étudiée dans les présents travaux. Il sera proposé, dans certains cas, d'appliquer les correctifs conflictuels en passant par voie de réquisition d'une ou plusieurs parties214. Quant à la fraude à la loi, elle est difficile à soulever. La place prise par l'autonomie de la volonté en droit des régimes matrimoniaux et en droit successoral international rend cette exception rarissime. Enfin, s'agissant de la recherche de l'existence d'une loi de police en marge du raisonnement conflictuel, la solution semble différente215. La loi de police de droit français sera appliquée sans réquisition préalable. Il s'agit pour le notaire saisi, le for, d'appliquer au sein de sa loi, les dispositions dites de police alors même que la loi applicable est étrangère. Cette loi est jugée tellement importante qu'elle est assortie d'une impérativité internationale, quelle que soit la loi applicable à la situation. La solution est pragmatique. La liste de ces lois dites de police n'existe pas et savoir si un texte est concerné n'est pas aisé. Selon la doctrine et la jurisprudence, seraient impératives les dispositions du droit de la famille français suivantes : le droit temporaire au logement du conjoint survivant216, les règles d'attribution préférentielle217, les dispositions du régime primaire218, et les règles de droit de retour légal219. Ces solutions de pratique notariale forment une doctrine de pratique internationaliste, créative, qu'il convient de diffuser.