– Plan. – Nous allons envisager successivement le régime civil (§ I) puis le régime fiscal (§ II) de la cession de parts sociales.
La cession des parts sociales
La cession des parts sociales
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Le régime civil
– La forme. – Lorsque les époux, partenaires ou concubins sont associés au sein d'une même structure sociale, mais que les parts sociales ou actions qu'ils détiennent leur appartiennent à titre de biens propres ou de biens personnels, la transmission de leurs parts sociales ou actions ne prend pas la forme d'un partage, mais celle d'une cession de parts sociales729, laquelle peut être rédigée par acte sous seing privé ou par acte authentique.
La cession devra être constatée par écrit, dans un acte sous seing privé ou dans un acte authentique et l'acte devra être enregistré auprès de l'administration fiscale dans le délai d'un mois à compter de la date de signature (CGI, art. 635). Ensuite, il s'agit d'assurer l'opposabilité de cet acte aux tiers et à la société, par le biais de formalités classiques.
– Le fond. – L'acte de cession des parts sociales ne revêt aucune particularité sous prétexte des anciens rapports conjugaux des parties à l'acte. En revanche on peut constater en pratique que, quelle que soit la forme prise par l'acte de cession, quand le couple est propriétaire par ailleurs de biens indivis, et parce que l'accord intervenu est souvent global, il est fréquent de lier l'acte de partage de l'indivision et la cession des parts sociales, en les régularisant tous deux au cours d'un rendez-vous commun chez le notaire. L'intérêt de ce modus operandi est d'autant plus prononcé que les parties s'accordent parfois pour opérer une compensation entre la soulte due par l'un dans le cadre du partage de l'indivision et les sommes qui lui sont dues par l'autre au titre de la cession des parts sociales. En revanche, le procédé est à proscrire lorsque c'est la société, qui fait alors écran, qui rachète les parts de l'associé sortant dans le cadre d'une réduction de capital.
Le régime fiscal
– Droits d'enregistrement. – La fiscalité applicable aux cessions de parts sociales est déterminée selon la nature des parts transmises :
- la cession de parts sociales dont le capital n'est pas divisé en actions est passible d'un droit d'enregistrement au taux de 3 %730. L'assiette des droits est réduite d'un abattement égal au rapport entre 23 000,00 € et le nombre de parts cédées ;
- la cession de parts sociales d'une société à prépondérance immobilière est passible d'un droit d'enregistrement de 5 % ;
- la cession de parts sociales représentatives d'un apport immobilier en nature réalisé depuis moins de trois ans (sociétés non passibles de l'IS) est passible d'un droit de vente (CGI, art. 727) ;
- la cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'entraîne pas mutation de la propriété des droits sociaux, n'est pas soumise au droit d'enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux mais à un seul droit fixe731.
– Régime fiscal. Imposition des plus-values des particuliers. – Lorsque la société n'exerce pas d'activité professionnelle, la cession de parts sociales génère soit une plus-value immobilière si la société est imposée à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers et si la société est à prépondérance immobilière ; soit une plus-value mobilière si la société est passible de l'impôt sur les sociétés, ou en l'absence de prépondérance immobilière, dans une société passible de l'impôt sur le revenu732.
Par exception : si la société est à prépondérance immobilière à l'impôt sur le revenu, il existe deux cas d'exonération empruntés au régime des plus-values des particuliers (les autres exonérations ne sont pas applicables aux parts sociales) :
- lorsque les titres sont détenus depuis plus de vingt-deux ans, par le jeu de l'abattement pour durée de détention ; pour être exonéré d'impôt sur le revenu, une détention de vingt-deux ans suffit, alors qu'il faut une détention de trente ans pour être exonéré des prélèvements sociaux ;
- lorsqu'il s'agit des titres d'une société qui met gratuitement un logement à la disposition de l'associé cédant, à titre de résidence principale. Dans ce cas, la plus-value est exonérée à proportion de la valeur du logement occupé par l'associé par rapport à la valeur globale de l'actif social.
– Régime fiscal. Imposition des plus-values professionnelles. – Lorsque les parts sociales sont détenues par une société passible de l'IS, une plus-value professionnelle peut être générée. En raison des particularités inhérentes à cette imposition, le notaire doit se garder de calculer lui-même cette imposition733. En revanche, il devra veiller à alerter les parties sur l'existence même de cette fiscalité, afin qu'elles puissent se rapprocher d'un homme du chiffre, qui effectuera les calculs. Cette mise en garde est essentielle, permettant au cédant d'apprécier le prix de cession net après cet impôt734.
Les comptes courants d'associés
Lorsque le patrimoine conjugal comprend une société, le notaire liquidateur doit s'interroger, quelle que soit la forme de cette dernière, sur l'existence, la nature et le sort d'éventuels comptes courants d'associés.
Le compte courant d'associé peut se définir comme un prêt consenti à la société par un associé, ce qui se traduit corrélativement, sur le terrain liquidatif, par l'existence d'une créance de l'associé contre la société.
Il est fréquent dans les faits qu'un associé dispose d'un tel compte au sein de la société, parce qu'il a financé un investissement ou des travaux à l'aide de deniers personnels ou encore, par exemple, parce qu'il a renoncé de manière temporaire à des sommes dues par la société (dividendes, rémunérations, etc.). Les incidences liquidatives s'agissant des intérêts patrimoniaux du couple ne sont pas neutres.
Dans le régime de la communauté légale, le compte courant d'associé que l'un des époux peut détenir à l'encontre d'une société, sans qu'importe que celle-ci soit commune ou propre, doit donc être intégré à l'actif de communauté.
Dans les régimes séparatiste et participatif, entre partenaires et concubins, il faut avoir à l'esprit que les transferts de valeurs intervenus n'interviennent plus entre les deux membres du couple, mais entre associés. C'est le cas, notamment, mais pas seulement, lorsque le domicile conjugal est acquis sous la forme d'une SCI. L'époux, le partenaire ou le concubin solvens se trouve alors titulaire d'une créance en compte courant d'associé à l'encontre d'un tiers, la société, et non d'une créance personnelle à l'encontre de l'autre membre du couple. La forme sociétale choisie lui permet alors de récupérer une créance, certes au nominal735, mais qui n'est pas susceptible d'être neutralisée par la contribution aux charges du mariage ou du ménage.
Pour finir, notons que généralement le membre du couple qui se retire de la société au moment de la rupture en profite naturellement pour solliciter le remboursement de son compte courant d'associé.
Mais ce n'est pas toujours le cas. Il se peut, en effet, que la société ne dispose pas de la surface financière pour procéder au remboursement, notamment lorsque le seul actif social est l'ancien logement de la famille. Naturellement, l'associé restant peut effectuer un versement sur le compte de la société afin de renflouer la trésorerie de cette dernière, et de permettre ainsi à l'associé sortant de se faire rembourser sa créance. Mais encore faut-il qu'il dispose des capacités financières pour y procéder.
Ce n'est pas davantage une obligation, la jurisprudence considérant classiquement qu'à défaut de clauses contractuelles contraires, la cession de ses titres par un associé n'emporte pas cession de son compte courant, faisant ressortir qu'elle n'emporte pas non plus sa clôture, l'associé cédant conservant sa qualité de créancier de la société
En pareille hypothèse, la question d'une éventuelle prescription est naturellement susceptible de se poser, de manière d'autant plus sensible lorsqu'elle concerne un couple séparé. Dans ce cas, la Cour de cassation a considéré que le point de départ du délai de prescription quinquennal de l'action en paiement du solde de ce compte se situe au moment de la demande de remboursement736.