La capacité d'adaptation d'une donation

La capacité d'adaptation d'une donation

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Ambivalence de la donation. – Les donations sont des opérations singulières car elles parviennent à conjuguer des clauses dont les idées sont très différentes, sans toutefois jamais se contredire. Elles montrent de la sorte leur fabuleuse capacité à s'adapter aux changements de circonstances.
Certaines clauses révéleront en effet que la donation porte avant tout sur un bien et non sur la valeur qui est incarnée par celui-ci. Il suffit à cet égard de se référer aux clauses d'inaliénabilité ou aux interdictions d'hypothéquer pour mesurer à quel point une donation peut sanctuariser le bien qui en constitue l'objet. En présence d'une telle clause, la donation opère un attachement viscéral entre le bien donné et les membres de la famille.
Pourtant, dans le même temps, la donation contiendra des clauses qui permettront de perpétuer ses effets malgré la vente du bien. Des circonstances peuvent en effet conduire les donateurs (usufruitiers) et les donataires (nus-propriétaires) à vendre l'immeuble qui avait été l'objet de la donation. Dans cette situation matérialisant l'accord unanime, les donateurs lèveront la clause d'inaliénabilité et tous les membres de la famille procéderont à la vente du bien. C'est dans un tel contexte que la donation peut prévoir des clauses maintenant ses effets malgré la vente du bien qui en était l'objet. Les changements de volonté n'altéreront pas l'efficacité de la transmission qui a été opérée dans le cadre de la donation.
– La clause prévoyant un report de démembrement de propriété. – La vente d'un bien entraîne en principe l'extinction du démembrement de propriété et le prix se répartit entre l'usufruitier et le nu-propriétaire, sauf convention contraire. Cette solution, qui est admise de longue date par la jurisprudence113, a été intégrée par la réforme des successions du 23 juin 2006 dans l'article 621 du Code civil114.
La clause de report du démembrement de propriété, qui peut être intégrée dans l'acte de donation, permet à celle-ci de conserver ses effets malgré la vente du bien. La valeur qui s'incarnait dans le bien donné s'incarnera en effet dans un nouveau bien.
Les clients qui reçoivent une explication de leur notaire à ce sujet sont souvent séduits par cette solution, car ils comprennent que la décision de vendre le bien ne remettra pas en cause la transmission patrimoniale qu'ils souhaitent organiser. Elle facilite également la transmission car les clients réalisent que la donation n'est pas une solution figée.
– La clause prévoyant un quasi-usufruit sur le prix de vente. – La clause de quasi-usufruit permet également de perpétuer les effets de la donation malgré les changements de circonstances. La clause de quasi-usufruit peut notamment résulter d'une convention directement insérée dans la donation. Le notaire qui entreprend l'explication de cette clause doit faire preuve d'une grande pédagogie car le mécanisme du quasi-usufruit peut légitimement échapper à la compréhension des non-juristes. Les praticiens constatent à quel point ce mécanisme correspond aux souhaits des clients : nombre de Français souhaitent transmettre leur patrimoine mais craignent de ne pas disposer des fonds nécessaires pour assurer leur éventuelle dépendance. De la même manière, nombre de donataires se refusent à l'idée que leurs parents soient exposés au danger de ne pouvoir financer leur dépendance. À cet égard, la convention de quasi-usufruit emporte une franche adhésion lorsqu'elle est proposée : insérée dans la donation, elle rassure toutes les parties sur la capacité de la donation à s'adapter à une éventuelle paupérisation du donateur.
Il est cependant regrettable que les dispositions de l'article 774 du Code général des impôts aient jeté une telle suspicion sur les conventions de quasi-usufruit. Pour mémoire, ce dispositif vise à lutter contre le passif fiscal généré par la dette de restitution. Les commentaires publiés au BOFiP montrent que l'administration fiscale a pris conscience de la vertu alimentaire que peut revêtir la convention de quasi-usufruit115.