Énoncé des difficultés

Énoncé des difficultés

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Plan. – Les questions en la matière sont foisonnantes. Nous nous contenterons tout d'abord de mettre l'accent sur les difficultés relatives à la jouissance (Sous-section I), puis nous ferons émerger les points de résistance inhérents au règlement successoral lui-même (Sous-section II), pour enfin nous attacher à deux particularités liées à la fiscalité (Sous-section III).

Les difficultés relatives à la jouissance

– Plan. – Les difficultés relatives à la jouissance soulevées par la saisine ont trait à l'indemnité d'occupation (§ I), à la perception des fruits (§ II) et à la question de l'éventuelle perception des dividendes dans une société (§ III).

Saisine et indemnité d'occupation

– Les débiteurs d'une indemnité d'occupation. – Le successeur qui occupe dès le décès l'appartement du défunt doit-il une indemnité d'occupation à ses cohéritiers ? La réponse à cette question, récurrente en pratique, dépend de la qualité de l'occupant, selon qu'il est héritier, légataire universel ou légataire à titre particulier.
– L'héritier occupant. – Les héritiers, qu'ils soient réservataires ou non, bénéficient chacun d'une saisine indivisible plénière. Le droit de jouissance consécutif à la saisine permet à celui qui jouit seul d'un ou plusieurs biens indivis de ne pas avoir d'indemnité d'occupation à verser à ses cohéritiers, seraient-ils eux-mêmes saisis. La solution peut surprendre. Un auteur, Alain Sériaux, précise ainsi : « De telles prérogatives contrastent avec le droit commun de l'indivision, qui prévoit que « l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité » (C. civ., art. 815-9) » 392. Ici, même si, par la suite, l'héritier saisi acceptait la succession et se retrouvait en indivision avec d'autres héritiers acceptants, il ne serait en principe redevable à ces derniers d'aucune indemnité d'occupation, ni pour le passé, ni pour l'avenir, tant que les biens successoraux n'ont pas été partagés. Ceci suscite la perplexité au regard des indivisions d'origine successorale. Cela signifie-t-il que l'héritier indélicat a tous les droits sur les actifs successoraux dans la limite du recel ? De ce principe essentiel en découlent d'autres : le droit de mettre fin à l'indivision à tout moment, d'une part, et l'effet déclaratif du partage opérant rétroactivement au décès, d'autre part. Le notaire conseillera aux héritiers non occupants de provoquer l'action en partage, sans tarder.

Une proposition pour l'héritier et l'indemnité d'occupation

Ne serait-il pas pertinent de prévoir que l'héritier, une fois passée la période troublée post-décès, se retrouve dans la situation d'un indivisaire de droit commun, l'effet de l'indivisibilité de la saisine s'effaçant devant le droit de l'indivision ? Pourquoi ne pas retenir l'intervalle d'une année, qui fait écho à celle du droit aux fruits des légataires ? Appliquée à la problématique de l'indemnité d'occupation, l'héritier occupant un bien de l'indivision lors du décès serait redevable d'une indemnité, une fois l'année écoulée, si le partage n'est pas intervenu entre-temps.
– Le légataire universel occupant. – S'agissant du légataire universel (ayant demandé la délivrance de son legs dans l'année, en présence de réservataire), il peut prétendre dès le décès à la jouissance des biens légués, laquelle est exclusive de toute indemnité au profit de l'indivision pour l'occupation393. Même en présence d'un legs réductible en valeur, l'indemnité d'occupation n'est pas due.
– Le légataire particulier occupant. – Le légataire particulier n'a en principe vocation à la jouissance qu'à compter de la demande en délivrance de legs ou au jour où elle lui a été consentie394. Avant cette date les héritiers peuvent occuper le bien. Pour permettre au légataire de prendre possession immédiatement, il serait pertinent de prévoir dans le testament que le légataire aura droit à la jouissance dès le décès. À noter cependant que la prise de possession post mortem du bien par le légataire au su et au vu des héritiers et sans opposition de leur part vaut délivrance395.

Un conseil de rédaction en présence d'un legs particulier

Il est utile de prévoir, en présence d'un legs particulier, que le légataire a droit à la jouissance du bien par dérogation à l'article 1014 du Code civil, dès le décès.

Saisine et revenus fonciers

– Perception des fruits. – À qui reviennent les revenus fonciers d'un bien immobilier du de cujus ? Cette question est connexe de la précédente, mais s'en distingue car la jouissance (usus) n'est pas exactement la perception des fruits (fructus). Le droit aux fruits et revenus varie suivant la saisine et l'étendue du legs. L'héritier saisi ainsi que le légataire universel en l'absence de réservataires perçoivent de plein droit les revenus dès le décès, tandis que le légataire universel et le légataire à titre universel en présence d'héritiers réservataires ont la jouissance des biens à compter du jour du décès uniquement si la demande en délivrance a été faite dans l'année. Le légataire particulier n'a droit aux revenus fonciers du bien légué qu'à dater de la demande en délivrance ou du jour où cette délivrance a été volontairement consentie (C. civ., art. 1014). Cependant, le testateur peut déroger à ces principes et prévoir que les revenus reviendront au bénéficiaire dès l'ouverture de la succession.
Chacun a vocation à sa quote-part de revenu. Ainsi, malgré l'indivisibilité de la saisine, on ne peut concevoir que l'un des héritiers s'arroge le droit de percevoir la totalité des loyers. Cette attitude, si l'héritier est de mauvaise foi, est susceptible d'être constitutive d'un recel.
– Perception des fruits en cas de réduction du legs. – Le légataire doit-il restituer les revenus perçus si le legs est réduit par les héritiers réservataires ?
La solution est pour une fois identique quelle que soit la qualité du gratifié, donataire, légataire universel, à titre universel et particulier. L'article 928 du Code civil, issu de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006, ne prévoit la restitution des fruits qu'en cas de réduction en nature, contrairement à l'ancienne version de l'article. Le gratifié conserve par conséquent les fruits des biens donnés et légués en cas de réduction en valeur. À noter que le résultat est analogue pour l'usage et l'habitation. Le gratifié qui occupe le bien donné ou légué ne doit pas d'indemnité d'occupation aux héritiers réservataires lorsque sa libéralité est réduite en valeur. A contrario, si la réduction est en nature par la volonté du testateur ou du gratifié, les revenus de ce qui excède la portion disponible doivent être restitués.

Legs réductible et restitution des fruits

Un défunt a laissé trois enfants et une compagne. Il lègue à sa compagne la pleine propriété d'un studio locatif à La Grande Motte. On suppose le legs entièrement réductible, avec une quotité disponible totalement absorbée par des donations antérieures hors part.

La compagne choisit de conserver le bien et de verser une indemnité de réduction aux trois enfants correspondant à la valeur du bien. Elle n'a pas à restituer les revenus du studio perçus (ni à être remboursée des charges) à compter de sa demande en délivrance.

En revanche, si la compagne n'a pas les liquidités pour désintéresser les trois enfants et opte pour une réduction en nature, le studio, les charges et les revenus depuis le décès sont acquis aux trois enfants.

Saisine et droit aux dividendes

– Question importante dans les sociétés de personnes. – Le successeur saisi a-t-il droit aux dividendes de la société ? La question se pose surtout dans les sociétés de personnes où l'agrément est plus fréquent. Envisageons les deux hypothèses qui en résultent : l'agrément n'est pas donné où il l'est.
– L'ayant droit non agréé. – Le premier cas envisagé est celui de la transmission par décès de parts d'une société de personnes (dont les titres sont par essence non négociables) à un ayant droit saisi qui se verra refuser in fine la qualité d'associé pour défaut d'agrément. La distribution de dividendes profite-t-elle à l'ayant droit ? Il résulte d'un arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 2020 que le successeur non agréé, fût-il saisi, n'a droit qu'à la valeur des parts sociales396. La solution jurisprudentielle est claire : « S'il n'est pas associé, l'héritier ne peut pas percevoir les dividendes »397, consacrant, selon la doctrine, « l'effacement de la saisine devant la logique sociétaire » 398. Comme le résume poétiquement un auteur : « Aujourd'hui encore, la mort de l'associé est nimbéed'un mystère né de la continuation de la personne du défunt, principe qui n'a pas son pendant en droit des sociétés »399.
Ainsi en est-il, a fortiori, de l'héritier saisi à charge de délivrer un legs particulier de parts sociales, avant la demande en délivrance. La situation est suffisamment exceptionnelle pour être soulignée : ni l'héritier saisi, habile à délivrer le legs, ni le légataire particulier ayant vocation aux parts sociales ne peuvent bénéficier des dividendes dans la mesure où l'un n'est pas associé et n'a pas vocation à l'être, tandis que l'autre n'a pas obtenu la délivrance de legs et n'est pas agréé400.
La seule exception concerne les sociétés civiles professionnelles (SCP), pour lesquelles la loi a prévu, sauf stipulations contraires des statuts, que les successeurs conservent « vocation à la répartition des bénéfices »401.
– L'ayant droit agréé. – La seconde hypothèse est plus complexe. La distribution de dividendes intervenant avant la procédure d'agrément profitera-t-elle à l'ayant droit, finalement agréé ?
L'héritier saisi se retrouve placé dans une période particulière, postérieure au décès, mais antérieure à son agrément. L'appréciation stricte du principe jurisprudentiel, préconisée par une partie de la doctrine, conduit à penser que l'héritier n'ayant pas obtenu son agrément au moment de la distribution, n'a pas de droits dans la société : ni droit de vote, ni droit aux dividendes402. Une conception plus libérale portée notamment par Renaud Mortier reconnaîtrait la possibilité de « réserver » les dividendes sous condition d'agrément. Il écrit à ce sujet : « Reste à trancher l'ultime question, ici non résolue, de savoir s'il y a lieu, au titre de cette période intercalaire, de priver purement et définitivement les parts sociales correspondantes de leurs droits à dividendes, ou s'il n'est pas possible de les réserver, ainsi que nous le pensons »403. A notre sens, bien que nous n'ayons pas de jurisprudence sur la question, nous pencherions en faveur de cette seconde conception.
La question paraît pouvoir être tranchée, en revanche, s'agissant du légataire particulier n'ayant pas demandé ni obtenu la délivrance de son legs404. La règle de répartition des fruits profitant à l'héritier légal non associé jusqu'à la demande en délivrance du légataire particulier ne s'applique pas en pareille matière, ainsi que nous l'avons vu. Si l'héritier légal ne peut pas percevoir les dividendes dans la période intercalaire, ceux-ci ne sauraient être « réservés » au légataire particulier non saisi et non encore agréé (n'ayant pas demandé la délivrance de son legs).
– L'anticipation de la question dans les statuts. – Il serait malvenu que les associés profitent de la période intermédiaire pour procéder, en cercle réduit, à des versements de dividendes inhabituels et conséquents. Dans l'attente d'une clarification légale ou jurisprudentielle, il paraît pertinent de prévoir une restriction statutaire. Selon certains auteurs, bien qu'une distribution avant agrément puisse être considérée en justice comme frauduleuse ou abusive, une clause statutaire permettrait d'anticiper les conflits405.
Afin d'éviter une paralysie des distributions, une précaution préliminaire importante, à notre sens, serait d'encadrer le délai pour se prémunir contre le silence des ayants droit taisants, en cohérence avec ce que le Code civil prévoit pour les fruits des légataires universels et à titre universel406.
Une voie pourrait être envisageable : les dividendes seraient réservé au profit des successeurs saisis (et des légataires ayant obtenu leur délivrance), jusqu'à leur agrément.
Nous proposons le mécanisme suivant : si, à l'issue d'une année, le successeur saisi n'a pas accepté tacitement ou expressément la succession, ou si le légataire n'a pas présenté tacitement ou formellement de demande en délivrance, c'est que, a fortiori, il n'a pas sollicité auprès de la société son agrément. Par conséquent, il ne sera pas agréé et sera déchu du droit de percevoir les dividendes de manière rétroactive, n'ayant pas qualité d'associé. Il est fait observer qu'il pourrait être mis en demeure d'opter après l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession, par un créancier, ou un cohéritier notamment, dans les termes de l'article 771 du Code civil.

Les difficultés relatives au règlement successoral

– Saisine et acceptation successorale. – L'héritier non acceptant est-il vraiment saisi ? Cette question est loin d'être théorique, la saisine et l'option ne sauraient être confondues. L'une se fait de plein droit, du moins pour les héritiers légaux, l'autre nécessite une manifestation de volonté entre les trois branches de l'option, acceptation, renonciation, acceptation à concurrence de l'actif net407. La saisine investit l'ayant droit de la possession des actifs, de la gestion de l'hérédité, tout en le rendant concomitamment et immédiatement débiteur des dettes du défunt. La dimension passive de la saisine héréditaire ne doit pas être oubliée. L'obligation aux dettes de l'héritier saisi intervient indépendamment de son acceptation. L'héritier inquiet de la situation financière du défunt, qui consulte son notaire, ne saurait se croire à l'abri des poursuites des créanciers avant son acceptation. C'est ce que rappelle régulièrement la jurisprudence. En 2006, la Cour de cassation a souligné que l'héritier « saisi de plein droit des biens, droits et actions de sa mère, pouvait être poursuivi par les créanciers de la succession, sauf à lui à renoncer à celle-ci (…) »408. En 2019, la cour réitère le même attendu de principe409. L'idée répandue qu'il n'y a pas d'obligation ultra vires avant l'acceptation est dangereuse et inexacte. Les créanciers disposent bien d'un droit de poursuite indépendamment de l'option.
La solution est-elle identique pour celui qui est investi par testament ? On peut supposer que le légataire universel désigné par testament authentique saisi de plein droit est dans une situation analogue à celle de l'héritier légal, tandis que les légataires universels ou à titre universel dont la saisine dépend d'une délivrance ou d'un contrôle sont à l'abri de la poursuite des créanciers avant le contrôle ou l'acceptation de la délivrance. Depuis le célèbre arrêt Toussaint de Gérard, on a coutume d'écrire que l'obligation aux dettes est sans rapport avec la saisine410. Malgré la justesse de cette allégation, on voit néanmoins qu'en pratique, parmi les ayants droit tenus ultra vires non acceptants, ceux qui sont saisis de plein droit (héritier légal, légataire institué par testament authentique) sont placés dans une situation plus inconfortable vis-à-vis des créanciers que ceux dont le titre nécessite une vérification (par voie de contrôle, d'envoi en possession ou de délivrance).
Quant au légataire particulier, il n'est pas tenu du passif. C'est pourquoi, s'il a acquitté la dette hypothécaire dont l'immeuble reçu était grevé, il dispose d'un recours contre les héritiers légaux en étant subrogé dans les droits du créancier sur le fondement des articles 871 et 874 du Code civil411.

La pratique notariale cache une autre réalité juridique

Les notaires assurent, pour le confort de leurs clients, la gestion du passif courant sur mandat. Les dettes sont réglées en pratique sur les actifs du défunt et non sur ceux de ses successeurs. Ce n'est qu'un usage. La réalité juridique de la saisine est autre. Ce sont les héritiers qui sont redevables du passif sur leurs propres actifs en qualité de continuateurs du défunt, par confusion de leur patrimoine et de celui de la succession. En cas de contentieux, l'usage s'efface devant la force de la saisine. Les créanciers peuvent exercer leurs poursuites sur les biens des héritiers.
– Saisine et délivrance de legs. – Doit-on délivrer le legs lorsque celui est réductible ?
Un legs, bien que réductible, doit par principe être délivré au bénéficiaire. L'obligation de délivrance des héritiers et légataires universels de l'article 1017 du Code civil découle de la saisine412. Mais la délivrance présente un caractère provisoire qui n'éteint pas les actions que les héritiers peuvent exercer (action en nullité ou en réduction)413. Selon Danielle Montoux : « Il est important de préciser aux clients que la délivrance d'un legs particulier est une mesure provisoire qui n'enlève aux héritiers aucun moyen pour faire établir leurs droits dans la succession et qui préserve donc aux héritiers réservataires la faculté d'en poursuivre la réduction » 414.
La doctrine précise en outre que la délivrance ne se confond pas avec le paiement du legs415. Il faut néanmoins reconnaître qu'en pratique notariale, la distinction est rarement faite. Tacite, non équivoque, expresse, même notariée la délivrance conserve une dimension provisoire dont la quittance n'est pas un élément constitutif. Seules une confirmation expresse et une renonciation précise dans l'acte éteindront les actions et assureront la perfection de la délivrance sans réserve. Il est de bonne pratique de préciser néanmoins à l'acte, lorsque le legs est réductible, que la délivrance se fait sous réserve de l'action en réduction, pour éviter toute ambiguïté et ne pas mentionner de quittance.
Par exception, il peut paraître raisonnable de ne pas délivrer le legs. Les causes légitimes de refus (outre une nullité probable du testament ou une caducité de la libéralité) pourraient être par exemple celle d'une réductibilité intégrale en nature de la libéralité, ou celle d'une insolvabilité probable du débiteur de l'indemnité de réduction. Le refus ne saurait se faire sans justifications, le droit de rétention abusif de l'héritier étant passible de dommages et intérêts416.
– Saisine et familles désunies. – Comment concevoir l'indivisibilité de la saisine en présence d'une situation conflictuelle ?
La saisine est indivisible417. La Cour de cassation en a déduit le principe suivant : chacun des cohéritiers est saisi de l'universalité de l'hérédité 418. En présence de famille en conflit, dont le conjoint partenaire est légataire par exemple, l'indivisibilité de la saisine oblige en effet à une délivrance de legs réalisée par toutes les fratries, tout en conférant à chacun plus de droit que n'en a un coïndivisaire. Les droits du partenaire dépendent du bon vouloir de tous.

Saisine et recomposition en famille désunie

Soit une famille, dans laquelle le défunt laisse un concubin pacsé légataire de l'usufruit du logement et des enfants nés de plusieurs unions différentes. L'entente après le décès n'est pas bonne. Les enfants sont saisis, tandis que le partenaire ne l'est pas. Le legs est un legs particulier dont la délivrance est nécessaire. Une indemnité d'occupation est en principe due. Comment agir si les enfants de la première union ne sont pas d'accord pour accorder la délivrance ?

Tout d'abord, en amont, il convient de conseiller au testateur de prévoir que le legs profitera au partenaire dès le décès.

Il faut ensuite suggérer au partenaire de formuler de manière écrite une demande en délivrance dès le premier contact. La date de cette demande sera mentionnée dans l'acte de notoriété à la requête des ayants droit, ce qui lui donnera date certaine. La tension familiale ne saurait être un argument, ni pour le notaire ni pour les récalcitrants de retarder la signature de l'acte de notoriété.

Enfin, il convient de faire signer la délivrance de legs par les enfants qui y consentent et conseiller au partenaire de faire une demande de délivrance de legs judiciaire.

Peut-on éviter la délivrance de legs grâce au droit des sociétés ?

Saisine, délivrance de legs et droit des sociétés. Le droit des sociétés peut venir au secours des familles désunies. On peut imaginer que le défunt veuille dispenser son concubin pacsé d'avoir à demander la délivrance de son legs particulier aux enfants. La volonté de nuire de certains peut conduire à un blocage que le testateur veut légitimement éviter en contournant la délivrance de legs. Cette question peut être anticipée de la manière suivante : 1) l'actif à transmettre est apporté à une société civile, dont les parts sont détenues par les partenaires ; 2) les statuts de la société prévoient que la société se poursuit de plein droit entre les associés subsistant à l'exclusion de tout ayant droit ; 3) les concubins se gratifient mutuellement à cause de mort, de la pleine propriété des parts. Au décès, le survivant est l'associé unique. Sa qualité de légataire des parts sociales ne le rend pas pour autant titulaire des parts de son compagnon. Il a droit à la valeur de ses droits sociaux, droit qu'il revendiquera une fois la délivrance faite, auprès de la société, dont il est l'unique porteur de parts. Ainsi, si les héritiers refusent de délivrer le legs, la société n'est pas paralysée et le légataire n'en ressent aucune conséquence419. L'héritier pourra agir en réduction le cas échéant.
– Saisine et déblocage des fonds. – Cette question est sans doute la première posée au notaire en charge de la succession par ceux qui sont frappés par le décès d'un proche. Comment libérer les comptes du défunt ?
Cette interrogation, qui paraît prosaïque à première vue, est pourtant importante pour ceux qui sont inquiets dans la période troublée après décès. Malgré la saisine, les banques opposent en effet aux héritiers le secret bancaire, suppriment l'interface numérique et exigent l'aval du notaire pour toute opération. Les héritiers ont parfois l'impression d'être victimes d'une forme de dépossession bancaire. Ce formalisme, auquel échappent les comptes joints, est tout à fait contraire aux principes du droit français. La simple preuve de la filiation ou du mariage devrait suffire pour accorder a minima aux héritiers un accès à l'information. On comprend bien les enjeux de protection des capitaux, on conçoit moins bien l'opposition du secret bancaire. Il serait bienvenu que les héritiers connus de la banque soient destinataires des relevés de banque, et que l'époux et les mandataires ne perdent pas la visualisation numérique des comptes de la personne décédée.
Pour les successions modestes, ab intestat, la loi de 2015 a simplifié les formalités permettant aux héritiers de débloquer les fonds sur production d'une attestation signée par tous420.
Pour les successions plus importantes, ab intestat, le déblocage, le transfert des comptes, la vente des actifs financiers, la clôture du plan épargne-logement, la clôture du coffre devraient pouvoir se faire instantanément sur production de l'acte de notoriété, des instructions et des coordonnées bancaires des ayants droit. Mais les délais sont parfois longs et le notaire, fort de la confiance des institutions et des banques et mandaté par les héritiers, a souvent plus de poids que les héritiers saisis.
S'agissant des successions intestat, les légataires même universels dont le titre a été contrôlé conformément à l'article 1007 du Code civil, investis donc du droit de se mettre en possession, rencontrent de grandes difficultés à débloquer les actifs sans instructions notariées.

Les difficultés relatives à la fiscalité

– Saisine et solidarité fiscale. – L'héritier qui opte pour un paiement comptant des droits de succession peut-il être poursuivi pour l'impôt de celui qui a opté pour un paiement fractionné, s'il est défaillant ?
Sacha Guitry disait : « Il y a deux choses inadmissibles sur terre, la mort et les impôts, et j'aurai dû citer en premier les impôts ! ». Avec les droits de succession, la mort et les impôts embrassent en un même tourment les héritiers du défunt. Il est difficile de prétendre en cette matière que le civil tient le fiscal en l'état. Du moins, si l'administration tire des conséquences de la saisine héréditaire, notons qu'elles sont très parcellaires. L'indivisibilité de la saisine rend les cohéritiers solidaires, à l'exception de ceux exonérés de droits de mutation par décès (CGI, art. 1709). Le conjoint par exemple n'est pas solidaire fiscalement des enfants. L'héritier qui accepte à concurrence de l'actif net est tenu solidairement au paiement des droits, comme l'héritier acceptant pur et simple. La solidarité n'existe pas entre les héritiers et les légataires même universels, ni entre les légataires entre eux. Néanmoins lorsque le legs a été consenti net de frais et droits, cette disposition n'est pas opposable à l'administration qui peut réclamer au légataire le paiement des droits exigibles sur son legs421.
– Saisine et contrôle fiscal de l'article 807 du Code général des impôts. – Les fonds bancaires peuvent-ils être débloqués sans quitus fiscal en présence d'un non-résident ?
Lorsque l'un des successeurs est non-résident, fût-il unique héritier, il subit les dispositions des articles 806 et 807 du Code général des impôts, l'empêchant d'appréhender librement les fonds422. Les établissements bancaires dépositaires ne peuvent libérer les sommes, si ce n'est sur présentation du certificat d'acquittement ou de non-acquittement des droits423.
Cette obligation fiscale, contradictoire avec le principe de la saisine de plein droit des héritiers, est de surcroît fort mal comprise lorsque les actifs ne sont pas imposables en France du fait de l'application des règles résultant d'une convention fiscale ou du droit commun de l'article 750 ter du Code général des impôts. Ne serait-il pas pertinent, lorsque les actifs français ne sont ni imposables, ni à prendre en compte dans le calcul d'un taux effectif424, d'offrir la possibilité au contribuable de s'affranchir de l'obligation déclarative ?

Une déclaration pour des actifs non imposables

Stéphane, domicilié en Belgique, décède laissant un fils Casimir non résident français. Sa succession se compose d'actifs tous situés en Belgique à l'exception d'une épargne déposée dans une banque à Montpellier où il aimait passer l'été.

La succession n'est pas imposable en France conformément à la convention fiscale franco-belge du 20 janvier 1959<sup class="note" data-contentnote="
&lt;em&gt;JO&lt;/em&gt; 15-16 juill. 1959.">425</sup>, prescrivant en son article 8 que les comptes bancaires sont taxés au lieu du domicile du défunt. Casimir ne comprend pas pourquoi la banque refuse le déblocage des fonds en exigeant le dépôt d'une déclaration de succession.

Saisi de cette question, son notaire à Montpellier lui explique que l'article 807 du Code général des impôts prescrit la présentation d'un certificat de non-acquittement indépendamment de l'imposition des actifs.

Une déclaration de succession est donc établie mentionnant tous les actifs situés en France, précisant en vertu de ladite convention qu'ils sont taxables à l'étranger. La recette des non-résidents établira le certificat de non-exigibilité <em>ad hoc</em>, lequel sera ensuite transmis à la banque. Le déblocage des fonds risque d'être retardé de plusieurs mois.