Domaine d'application

Domaine d'application

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025

Domaine quant aux personnes

– Conditions d'application. – Basé sur l'idée de la conservation des biens dans la famille, le droit de retour de l'article 757-3 du Code civil permet d'éviter que les biens de famille n'échoient en totalité au conjoint survivant et passent ainsi d'une famille à une autre. Dans cette même logique, ce droit ne profite qu'à ceux des frères et sœurs du défunt qui sont eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. Partant, trois conditions doivent être réunies pour que le droit de retour des frère et sœur joue :
  • l'absence de descendance du défunt ou, si des descendants existent, qu'ils soient tous renonçants ou indignes ;
  • la présence d'un conjoint survivant ;
  • et enfin le prédécès des père et mère du défunt. En effet, si les deux ou l'un d'eux survivaient au défunt, la totalité ou une partie de ces biens de famille leur reviendrait soit par un retour conventionnel prévu dans l'acte de donation, soit par leur vocation héréditaire ab intestat d'un quart chacun, soit par le jeu du droit de retour légal d'ordre public, précédemment étudié.
– Bénéficiaires. – Les bénéficiaires de cette dévolution particulière fondée sur l'origine des biens sont les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants, c'est-à-dire les héritiers du deuxième ordre en l'absence de conjoint survivant. Plane alors le risque d'une large indivision, lorsque les frères et sœurs du défunt, décédés eux-mêmes, laissent une importante descendance.
Par ailleurs, on relève que ce droit n'est pas véritablement un droit de retour. Outre le fait qu'il ne joue que pour la moitié des biens qui y sont soumis et non leur totalité, seuls les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants profitent de cette dévolution particulière, et ce, même si le bien d'origine familiale a été donné par un grand-parent toujours en vie au décès du de cujus. Le grand-parent survivant, pourtant donateur du bien, ne bénéficiera pas de ce droit de retour légal.
– Réapparition de la fente. – L'article 757-3 du Code civil précise que ce droit ne profite qu'aux collatéraux privilégiés « eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission ». Ainsi, alors que la loi du 3 décembre 2001 avait supprimé la distinction entre frères et sœurs germains, utérins et consanguins, cette même loi réintroduit cette distinction par le biais du droit de retour légal des frères et sœurs. Les biens de famille ne font alors retour qu'à la seule branche, paternelle ou maternelle, d'où ils proviennent. Par conséquent, les frères et sœurs utérins, parents du défunt dans la branche maternelle, ne pourront exercer ce droit de retour que si le défunt laisse des biens provenant de sa mère par donation ou succession. Symétriquement, les frères et sœurs consanguins, parents du défunt dans la branche paternelle, ne pourront l'exercer que si le défunt laisse des biens provenant de son père par donation ou succession. Quant aux frères et sœurs germains, issus du même père et de la même mère, ils pourront l'exercer dès lors que le défunt a reçu ou recueilli des biens de ses père ou mère.

Domaine quant aux biens

– Biens reçus des ascendants à titre gratuit. – Seuls les biens reçus à titre gratuit par le défunt de ses ascendants sont frappés du droit de retour. Peu importe le mode de transmission, qu'ils aient été donnés, légués ou recueillis ab intestat dans une succession. Peu importe également la nature des biens transmis, mobilière ou immobilière, corporelle ou incorporelle, le texte ne faisant aucune distinction. S'agissant des ascendants, le texte originaire issu de la loi du 3 décembre 2001 ne visait que les père et mère, mais la loi du 23 juin 2006 l'a étendu à tous les ascendants afin de prendre en compte notamment les biens transmis par donation-partage transgénérationnelle ou ceux reçus par représentation d'un enfant renonçant.
– Biens se retrouvant en nature. – Seuls les biens se retrouvant en nature dans la succession du défunt sont soumis au droit de retour. Par conséquent, s'ils ont été vendus, légués ou donnés, ce droit de retour ne pourra s'exercer. En présence notamment d'un légataire universel, les collatéraux privilégiés sont évincés. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire jouer les règles de la subrogation réelle puisqu'aucun texte ne le prévoit en la matière.
– Cas des sommes d'argent. – Le droit de retour légal des frères et sœurs doit-il jouer sur les sommes d'argent reçues par le défunt par donation ou legs de ses ascendants ? La question n'est pas tranchée à ce jour, et la doctrine n'est pas unanime. Pour certains, eu égard à la finalité de conservation des biens dans la famille de cette institution et à la fongibilité des deniers qui semble a priori incompatible avec la nature de corps certain qui devrait caractériser un « bien de famille », il y aurait lieu d'exclure les sommes d'argent. D'autres auteurs considèrent que le retour devrait s'opérer dès lors qu'il existe des deniers suffisants dans la succession, en raison de la fongibilité de l'argent. À l'appui de cette deuxième thèse, on relève une ancienne jurisprudence qui avait admis, à propos du droit de retour de l'adopté simple, l'application de ce droit aux sommes d'argent données par le défunt, à condition toutefois que la succession dispose de deniers en quantité suffisante.