Désignation d'un notaire expert

Désignation d'un notaire expert

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Objet de la désignation. – Même s'il se situe ici dans un contexte judiciaire, le notaire intervenant sur le fondement de l'article 255, 10o du Code civil élaborera de manière classique un projet de liquidation du régime matrimonial. Il lui appartiendra, avant toute chose, de déterminer le régime matrimonial des époux, ce qui peut soulever des difficultés notamment en présence d'un élément d'extranéité puis, en se référant à un schéma liquidatif593, de procéder aux opérations classiques visant à inventorier et à valoriser les biens mais aussi à identifier et à évaluer les mouvements de valeurs intervenus entre les époux, sous forme de récompenses, de créances entre époux ou de comptes d'indivision. Il s'agit d'opérations comptables qui permettent de déterminer les droits des parties au sein de la masse à partager.
Concrètement, il doit dérouler son canevas liquidatif en mettant en exergue les points d'accord existant entre les parties ainsi que les points de désaccord, et en précisant, concernant ces derniers, la position de chacun des intéressés. Il s'agit de fournir au juge du divorce des informations suffisantes afin de lui permettre de statuer, le cas échéant, sur les désaccords liquidatifs persistant entre les époux (C. civ., art. 267, al. 2). Il convient de noter, à cet égard, que le notaire doit bien évidemment se garder de prendre parti pour l'un ou l'autre des époux. Toutefois, lorsqu'au regard du droit positif certaines prétentions lui paraissent justifiées ou, au contraire, dénuées de tout fondement, il peut l'indiquer à titre purement indicatif dans son projet. Bien souvent, le notaire est amené à envisager les différents scénarios liquidatifs possibles, notamment en cas de divergence des époux sur la date des effets patrimoniaux du divorce, ce qui le conduit en guise de synthèse, et à des fins de clarté, à établir un tableau récapitulatif des droits de chacun, au regard de la position de l'un des époux puis de l'autre.
Le notaire doit accessoirement établir un projet de formation des lots à partager. Dans les faits, l'on constate que le notaire n'est pas toujours en mesure d'y procéder, ce qui s'explique aisément. La confection d'un projet de formation des lots à partager suppose au préalable d'avoir liquidé le régime matrimonial. Or, le plus souvent, les parties demeurent en discussion sur un certain nombre de postes liquidatifs ; les droits de chacun dans la masse demeurant incertains, il s'avère délicat pour le notaire d'envisager alors le partage.
– Intérêt de la désignation. – La nomination d'un notaire sur le fondement de l'article 255, 10o du Code civil présente, tout d'abord, un intérêt sur le plan strictement liquidatif. On peut espérer – en effet, il ne s'agit que d'un souhait non d'un objectif – que les parties éclairées par un homme de l'art poseront les problèmes économiques de leur séparation, ce qui permettra de jeter les bases d'un éventuel et souhaitable accord portant a minima sur le règlement de leur régime matrimonial, susceptible d'être concrétisé dans le cadre de la procédure contentieuse sur le fondement de l'article 265-2 du Code civil594 ou par le biais d'une passerelle vers un divorce par consentement mutuel595. À défaut d'accord, les difficultés liquidatives étant posées, l'une ou l'autre des parties va pouvoir demander au juge du divorce de statuer sur les désaccords persistant entre eux (C. civ., art. 267). Ainsi, même si les époux n'ont pu parvenir à un accord global et exhaustif sur le règlement de leur régime matrimonial, on peut au moins espérer que le travail du notaire au cours de la procédure permettra que soient envisagées et réglées dès le prononcé du divorce un certain nombre de difficultés liquidatives et que l'on évitera ainsi, dans la mesure du possible, le contentieux récurrent inhérent aux opérations de règlement du régime matrimonial après divorce.
Le projet établi par le notaire présente ensuite un intérêt pour l'époux qui souhaite formuler des demandes liées au règlement du régime matrimonial, soit qu'il permette de justifier la demande en question, soit qu'il permette simplement d'en apprécier l'intérêt. On songe, d'une part, à l'obligation qui est faite à l'époux qui souhaite solliciter un report de la date de dissolution du régime matrimonial d'agir devant le juge du divorce (C. civ., art. 262-1, al. 2), ce qui suppose qu'il dispose au préalable d'un état liquidatif qui lui permettra de jauger de l'opportunité d'une telle demande. On pense, d'autre part, à la demande d'avance sur part de communauté ou d'indivision (C. civ., art. 267, al. 3) laquelle suppose que l'époux demandeur puisse s'appuyer sur un état liquidatif, afin de montrer que sa prétention est conforme à l'économie générale du régime matrimonial.
Enfin, la nomination d'un notaire au titre des mesures provisoires présente un intérêt sur le terrain de la prestation compensatoire, lorsque la difficulté pour fixer cette dernière est uniquement liée à la complexité de la situation patrimoniale des époux, et notamment à l'existence d'éventuels mouvements de valeurs entre eux. Le projet d'état liquidatif établi par le notaire suffit alors à éclairer le juge du divorce afin qu'il soit en mesure de fixer de manière réaliste la prestation compensatoire, sans qu'il soit besoin de procéder à un audit financier plus complet sur le fondement de l'article 255, 9o du Code civil.