Configurations selon l'ordre des décès

Configurations selon l'ordre des décès

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Libres propos sur la terminologie. – Nous ferons, à titre liminaire, quelques observations sur la sémantique utilisée par le notariat en matière de démembrement. Pour évoquer la réunion sur une seule tête de l'usufruit et de la nue-propriété et la constitution d'un usufruit successif, le Code civil retient en son article 617 la terminologie de « consolidation » et de « réunion », tandis que l'article 618 évoque la « rentrée » du propriétaire dans la jouissance. On ne retrouve l'image du « retour » que dans la bouche des praticiens. En matière d'usufruits successifs, le notariat utilise la terminologie de la « réversion », terme erroné mais qui s'est imposé par sa puissance évocatrice. Ces expressions ne sont pas justes juridiquement. Il n'y a pas de retour proprement dit au décès de l'usufruitier, mais bien extinction d'un droit et suppression de la charge dont était grevée la propriété. En présence d'un usufruit successif, il n'y a pas de droit reversé, mais plutôt l'ouverture d'un nouvel usufruit préconstitué par le disposant. Ces images semblent pédagogiques, mais elles effacent la cohérence du mécanisme de démembrement et sont impropres juridiquement1130. Nous tenterons de les limiter dans notre propos.
Il convient d'établir une revue des configurations démembrées suivant l'ordre des décès. Que le démembrement de propriété naisse de la loi (hypothèse du conjoint survivant usufruitier légal) ou de la volonté de l'homme (cas classique d'une donation avec réserve d'usufruit au profit du donateur), les situations qui en découlent sont multiples.
– Décès de l'usufruitier avant le nu-propriétaire. – Cette hypothèse la plus courante, conforme à l'ordre des décès, constitue le cas classique d'extinction du démembrement. L'usufruit s'éteint et le nu-propriétaire recouvre sa vocation plénière de propriétaire.
Cette situation se complexifie si le constituant, en se réservant un usufruit viager, a constitué un usufruit successif, notamment au profit de son conjoint. Donation à terme de biens présents, cette libéralité (la fameuse et mal nommée « réversion ») très classique s'ouvre au décès du premier usufruitier, et les droits du nu-propriétaire continuent d'être grevés de l'usufruit du survivant du couple.
– Décès du nu-propriétaire avant l'usufruitier. – Cette hypothèse n'est pas conforme à l'ordre naturel des décès. C'est celui du décès tragique d'un enfant du constituant avant ses parents. Sa nue-propriété grevée de l'usufruit ouvert se transmet alors à ses propres héritiers, sauf application du droit de retour légal ou conventionnel. Cette configuration pose plusieurs difficultés.
La première d'entre elles consiste dans le fait que bien souvent, les ayants droit du défunt ne révèlent pas au notaire l'existence de ce droit démembré dont ils n'ont pas conscience. Il est donc couramment omis et fait régulièrement l'objet de complément de titres lors de l'extinction de l'usufruit originaire. Pour cette raison, il convient d'être attentif aux biens recueillis par le défunt au cours de sa vie par succession et donation, a fortiori si les actes ont été reçus dans l'office du notaire en charge de la succession.
Ensuite, il convient de souligner que le décès prématuré du nu-propriétaire marié avec descendance fait naître, dans la majorité des cas, un usufruit successif au profit du conjoint survivant. À moins que les conditions applicables au droit de retour légal ou conventionnel ne soient applicables et hormis l'hypothèse d'une donation graduelle ou résiduelle, la nue-propriété du défunt se trouve transmise en usufruit au conjoint (hypothèse d'un usufruit légal ou d'un usufruit conventionnel) et en nue-propriété aux enfants. La situation est complexe à expliquer aux héritiers. L'usufruit éventuel du conjoint ne s'ouvrira qu'à l'extinction de l'usufruit du disposant originaire.
Cette situation n'est pas bien différente suivant que la nue-propriété est grevée de l'usufruit du disposant originaire ou de l'usufruit successif de son conjoint. C'est toujours de l'usufruit « ouvert » dont il faut tenir compte dans la transmission.