Sursis au partage

Sursis au partage

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Stabiliser l'indivision. – Le sursis au partage est la fonction première de la convention d'indivision. À l'origine, c'était même la seule ; sous l'empire du Code Napoléon, l'organisation conventionnelle de l'indivision n'était en effet qu'un moyen de suspendre le partage705. Sans fondamentalement remettre en cause cette fonction historique de stabilisation de l'indivision, la réforme de 1976 en a néanmoins modifié la portée, suivant que l'on se trouve en présence d'une convention à durée indéterminée (§ I) ou d'une convention à durée déterminée (§ II).

En présence d'une convention à durée indéterminée

– Possibilité de provoquer le partage à tout moment. – Lorsque la convention est à durée indéterminée, nous dit le deuxième alinéa de l'article 1873-3 du Code civil, « le partage peut (…) être provoqué à tout moment, pourvu que ce ne soit pas de mauvaise foi ou à contretemps ». Sur ce point, le texte se contente de tirer les conséquences du principe général de résiliation unilatérale des conventions à durée indéterminée706. Dans cette hypothèse, la convention ne permet donc pas de stabiliser l'indivision, mais plutôt de stabiliser l'exercice du droit au partage.
– Stabilisation de l'exercice du droit au partage. – La convention à durée indéterminée ne protège pas les indivisaires contre une action en partage, mais elle permet d'atténuer un peu la précarité de l'indivision, en empêchant que cette action s'exerce « de mauvaise foi ou à contretemps »707. Par cette condition – absente du régime légal708 –, le législateur laisse place à une appréciation en opportunité de la demande en partage. Ce faisant, la convention à durée indéterminée crée une forme de hiérarchie, entre l'intérêt personnel de chaque indivisaire et l'intérêt de l'indivision en tant que groupe d'individus : le premier ne primera sur le second qu'à condition que l'action en partage ne soit pas motivée par l'intention de nuire et ne se fasse pas au détriment de tous. La portée pratique de ce tempérament n'apparaît pas négligeable : la doctrine explique ainsi qu'il permettrait d'éviter un partage dans une conjoncture économique défavorable709 ou à un moment où des investissements ont été réalisés mais ne sont pas encore amortis710.

Convention d'indivision à durée indéterminée : quel intérêt pratique ?

La convention d'indivision à durée indéterminée ne permet pas de suspendre le droit au partage. Ce constat peut conduire à s'interroger sur son intérêt pratique711, si l'on considère que la fonction première de la convention est en principe de mettre les indivisaires à l'abri du partage. Reste qu'il ne s'agit pas là de sa seule fonction : la convention permet également, entre autres, de nommer un gérant et d'aménager la dévolution des droits indivis. C'est dire qu'en introduisant une distinction entre convention à durée indéterminée et convention à durée déterminée, le législateur de 1976 a créé une nouvelle catégorie de convention dont la fonction première n'est plus le sursis au partage. La particularité de la convention à durée indéterminée réside ainsi dans la possibilité d'organiser l'indivision, sans remettre en cause le droit pour tout indivisaire de demander le partage. En pratique, ce type de convention intéressera donc les indivisaires qui, sans vouloir stabiliser leur situation, souhaitent néanmoins préserver les biens indivis en vue d'optimiser la sortie de l'indivision. Tel pourrait être le cas, par exemple, en présence d'un bien dont la vente nécessite au préalable la réalisation de travaux, ou l'attente d'une conjoncture économique plus favorable. S'organiser sans se lier, tel est, au fond, l'intérêt pratique de la convention à durée indéterminée.

En présence d'une convention à durée déterminée

– Impossibilité de provoquer le partage pendant cinq ans maximum. – Le principal intérêt de la convention d'indivision à durée déterminée tient à la possibilité de bloquer le partage pendant une durée de cinq ans au plus. La convention permet ainsi de remédier au principal inconvénient de l'indivision légale : sa précarité. Cette caractéristique appelle les observations suivantes :
  • le partage peut toujours intervenir pour « justes motifs ». La loi reprend sur ce point une notion issue du droit commun des sociétés712, que l'on retrouve dans le droit de retrait des sociétés civiles713. Même en présence d'une convention d'indivision à durée déterminée, le sursis au partage n'est donc pas absolu ; l'action en partage reste recevable dès lors qu'elle vise à l'ouverture des opérations seulement à partir du jour où la convention arrive à expiration714 ;
  • à l'arrivée du terme, la convention peut être renouvelée, de l'accord unanime des indivisaires. Ce renouvellement peut s'effectuer pour une durée identique ou différente, qui ne pourra pas dépasser cinq ans. S'ils sont tous d'accord, les indivisaires peuvent donc indéfiniment reporter le partage, par périodes de cinq ans715 ;
  • la convention initiale peut prévoir son renouvellement par tacite reconduction, soit pour une durée déterminée, soit pour une durée indéterminée716 ;
  • la convention à durée déterminée peut dégénérer en convention à durée indéterminée. Trois hypothèses entraînent la déchéance du terme de la convention : l'irruption d'un tiers dans l'indivision717, la dévolution d'une quote-part indivise aux héritiers ou légataires d'un indivisaire718, et la révocation du gérant indivisaire719. Par ailleurs, s'il existe un indivisaire mineur, ce dernier pourra toujours dénoncer la convention dans l'année suivant celle de sa majorité720.

Convention d'indivision à durée déterminée conclue pour plus de cinq ans : quelle sanction ?

La doctrine et la jurisprudence sont partagées sur la sanction applicable à la convention d'indivision à durée déterminée qui serait conclue pour plus de cinq ans721. Le caractère d'ordre public de l'article 1873-3 du Code civil, fixant cette limite quinquennale, pourrait plaider en faveur de la nullité722. Cette sanction n'est cependant prévue par aucun texte et sa sévérité semble aller au-delà de l'objectif du législateur723. Certains auteurs et certaines décisions se sont donc prononcés en faveur de la réduction, la convention voyant sa durée limitée à cinq ans724. Pour le professeur Dross, le dépassement de la durée de cinq ans, corroboré par d'autres indices en ce sens, plaiderait pour la requalification de la convention en société en participation725.