Le viager familial

Le viager familial

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Situations rencontrées dans la pratique. – Les situations donnant prise à un viager familial sont similaires à celles qui ont été décrites précédemment. Il s'agit, par exemple, pour un fils d'acheter à son père un bien en viager moyennant la charge d'une rente dont les arrérages seront payables jusqu'à son décès. Imaginons que le père décède quelques années plus tard, laissant plusieurs héritiers. Ceux-ci risquent de dresser un constat amer : un immeuble a été extrait du patrimoine de leur auteur au profit de l'un d'entre eux, contre le versement d'un bouquet et d'une rente dont les montants cumulés pourront être inférieurs à la valeur réelle de l'immeuble. Ces sommes ne se retrouvent d'ailleurs pas toujours dans l'actif successoral, le défunt ayant pu les dépenser pour financer ses besoins.
La deuxième configuration, pour laquelle les notaires sont régulièrement sollicités, est celle d'une personne n'ayant pas d'héritier direct et souhaitant vendre un bien à l'un de ses proches moyennant une rente viagère. La situation qui vient immédiatement à l'esprit, tant elle est fréquente en pratique, est celle d'un oncle souhaitant vendre sa résidence principale à son neveu. Les préoccupations fiscales ne sont jamais très éloignées et sont le plus souvent directement abordées par le client : face à des impôts de succession dont la charge future est jugée insoutenable, les clients viennent soumettre à leur notaire la solution du viager familial à laquelle ils ont spontanément pensé.
– Aspect civil de la question. – Les dispositions de l'article 918 du Code civil, qui ont été détaillées ci-avant, s'appliquent également à la vente en viager. La circonstance que cette vente soit consentie en pleine propriété ou avec réserve d'usufruit ne produit aucune incidence puisque l'article 918 du Code civil incrimine les ventes à charge de rente viagère ou à fonds perdus502. Ainsi, et sauf à ce qu'un pacte ait été conclu avec tous les successibles en ligne directe, le viager familial tombe sous les foudres de l'article 918 du Code civil. Sous le bénéfice des réserves qui ont été mentionnées précédemment, le recours à une société civile immobilière permet de déjouer la présomption.
– Risque fiscal. – Les conséquences fiscales sont sensiblement les mêmes que celles qui ont été évoquées au sujet de la vente avec réserve d'un droit d'usufruit. Les dispositions de l'article 751 du Code général des impôts ont vocation à s'appliquer si la vente s'accompagnait d'une réserve d'usufruit. Qui plus est, la répression d'un abus de droit doit toujours être envisagée avec le plus grand sérieux : le notaire doit être très explicite sur le risque fiscal considérable que ce type de projet fait peser sur l'acquéreur.
L'administration peut en effet se livrer à un examen approfondi des conditions de l'opération afin de démontrer son caractère abusif : lien de parenté, évaluation du bien, évaluation de la rente, évaluation du bouquet, proximité de la vente et du décès, situation de fortune des intéressés, etc. Il est important de noter que l'administration bénéficie d'un avantage de taille : le paiement des arrérages ne transitant pas par la comptabilité du notaire, celui-ci ne bénéficie pas de la pleine foi qui est attachée à l'acte authentique. La preuve contraire peut donc être rapportée par tout moyen503.
La contestation, qui peut intervenir avant le décès comme après le décès, entraîne les mêmes conséquences financières que celles qui ont été exposées au sujet de la vente avec réserve d'usufruit. Les acquéreurs n'ont bien souvent pas conscience de la contrainte qui leur sera faite de devoir vendre la propriété familiale pour s'acquitter d'une dette fiscale. Le notaire doit très certainement mettre en garde ses clients sur le risque considérable que ferait courir un viager familial.