– Définition. – À la différence de l'exécuteur testamentaire, le mandataire posthume n'a fait son apparition dans notre droit que récemment par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Il est régi par les articles 812 à 812-7 du Code civil. Il permet au futur défunt d'organiser lui-même la gestion de sa succession en la confiant à un tiers de confiance et en dépossédant ainsi ses héritiers de cette gestion. Auparavant, la jurisprudence semblait le lui interdire en opposant au mandat posthume « les règles d'ordre public édictées en matière successorale »537. L'article 812 du Code civil définit le mandat posthume en ces termes : « Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d'administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés ». Ainsi, le mandat posthume peut être général ou spécial quant aux personnes et quant aux biens. Quant aux personnes tout d'abord, en ce sens que le de cujus peut nommer un mandataire pour l'ensemble de ses héritiers ou pour certains d'entre eux seulement, qu'ils soient ou non réservataires. Il le peut même en présence d'un héritier incapable, mineur ou majeur protégé, et dans ce cas le mandataire se substitue à l'administrateur légal, tuteur ou curateur538. Quant aux biens ensuite, en ce sens que le de cujus peut désigner un mandataire pour gérer l'ensemble de sa succession ou certains biens seulement, sans être cantonné à la quotité disponible.
La désignation du mandataire posthume
La désignation du mandataire posthume
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Un contrat dérogatoire. – Ce mandat d'un nouveau type déroge à certains principes traditionnels de notre droit des successions. En opérant un dessaisissement des héritiers, il contrevient, en effet, aux principes de la saisine et de la réserve héréditaire. Mais il déroge également au droit commun du mandat. En l'espèce, le de cujus donne mandat non pas d'agir pour son compte comme dans un mandat classique539, mais pour le compte de l'héritier. La loi ne dit pas que le mandataire posthume « représente » l'héritier mais seulement qu'il agit « pour le compte et dans l'intérêt » de ce dernier. De même, alors qu'un mandat classique prend fin au décès du mandant540, ce mandat à effet posthume ne prend effet qu'après le décès du mandant en s'imposant aux héritiers. Enfin et surtout, un mandat ordinaire ne dessaisit pas celui pour le compte de qui le mandataire agit. Or le mandat posthume opère ce dessaisissement. Les héritiers, bien que propriétaires, sont privés des pouvoirs attribués au mandataire et ne peuvent le révoquer. Dans l'esprit du législateur de 2006, ce contrat sui generis était destiné à répondre « aux besoins que satisfait, dans d'autres pays, la fiducie successorale »541. L'une des vocations premières de ce mandat était de permettre la gestion des biens professionnels. La survie de l'entreprise, pourvoyeuse d'emplois, exigeant souvent une prise en mains rapide et efficace, justifie semble-t-il que l'on contourne certains droits fondamentaux des héritiers.
– Un contrat solennel strictement réglementé. – À peine de nullité, le mandat à effet posthume doit être donné par le futur de cujus et accepté par le mandataire avant le décès du mandant, en la forme authentique. Outre cette condition de forme, la loi ajoute une condition de fond pour la validité de ce mandat. Il doit être justifié par un « intérêt sérieux et légitime » au regard soit de la personne de l'héritier, soit du patrimoine successoral, et « précisément motivé ». Pour motiver le mandat, le futur défunt devra mettre en exergue une difficulté réelle clairement identifiée et expliquer en quoi le mandat sera à même d'apporter une réponse adaptée. La loi fixe deux critères à cet intérêt : la personne de l'héritier ou le patrimoine successoral. Ces deux critères sont alternatifs mais peuvent se cumuler. Du côté des héritiers, cet intérêt peut se justifier par l'âge de l'héritier (trop jeune ou trop âgé), son état de santé, son éloignement géographique ou son incapacité à pouvoir gérer les biens successoraux, ou encore une mésentente entre les héritiers. Concernant le patrimoine successoral, le critère de l'intérêt légitime et sérieux pourra être la complexité des biens à gérer, ou la dispersion géographique des biens successoraux, ou encore l'inconvénient d'une indivision successorale.
– Un contrat librement révocable. – Jusqu'à l'ouverture de la succession, le mandant et le mandataire peuvent renoncer au mandat après avoir notifié leur décision à l'autre partie. La loi ne précise la forme ni de la révocation par le de cujus, ni de la renonciation par le mandataire. On peut penser qu'elle est libre à condition de s'en ménager la preuve. La loi exige toutefois une notification de la part du mandataire de sa renonciation au de cujus afin de permettre à ce dernier de prendre les nouvelles mesures qu'il peut estimer nécessaires, comme lui désigner un remplaçant. La forme sera le plus souvent celle d'une lettre recommandée avec accusé de réception même si aucune sanction n'est prévue en cas de défaut de notification. La libre révocabilité de ce contrat à terme, qui ne produit ses effets qu'après le décès du mandant, montre qu'il s'agit là d'une disposition à cause de mort. En tant que tel, la prudence voudra que le mandat soit inscrit au fichier central des dispositions de dernières volontés et il pourra être révoqué par testament.
– Deux ans ou cinq ans prorogeables. – La durée du mandat est fixée par le mandant, mais ne peut, en principe, excéder deux ans (C. civ., art. 812-1-1, al. 2) à partir du jour du décès. Il pourra toutefois durer jusqu'à cinq ans en raison de circonstances particulières tenant à l'inaptitude, l'âge des héritiers, ou bien la nécessité de gérer des biens professionnels. Le délai, de deux comme de cinq ans, est susceptible de prorogation judiciaire à la demande d'un héritier ou du mandataire lui-même, sans que les textes prévoient une quelconque limitation.