– Une décision lourde de conséquences. – Parvenu à ce stade, un nouvel obstacle se dresse sur la route du notaire en charge de la succession de l'associé décédé : la décision d'agrément. Il convient de s'interroger ici sur la compétence pour délivrer l'agrément (A), sur la majorité applicable (B), et enfin sur le choix des bénéficiaires (C).
La décision d'agrément
La décision d'agrément
Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
Compétence pour délivrer l'agrément
– Compétence exclusive de la collectivité des associés. – À s'en tenir à la lettre du premier alinéa de l'article 1870 du Code civil, l'agrément relève de la compétence de la collectivité des associés. Les statuts pourraient-ils prévoir que l'agrément est délivré par la gérance ? Il est permis d'en douter. Cette possibilité existe bel et bien dans les sociétés civiles, mais elle n'est expressément prévue qu'en matière de cessions entre vifs, ce qui laisse penser que le législateur ne la concevait pas en dehors de cette hypothèse.
On perçoit pourtant l'intérêt qu'il y aurait à donner compétence à la gérance pour délivrer l'agrément en cas de décès. En effet, une telle clause permettrait à la fois d'éviter les problèmes posés par le calcul des règles de majorité en cas de décès et de limiter les atermoiements quant au choix des successeurs de l'associé décédé. Elle pourrait permettre, en outre, de simplifier la procédure.
Majorité applicable
– Un point de blocage récurrent. – Les règles de majorité applicables à la décision d'agrément sont un point de blocage récurrent. Cette situation est due à l'imprécision des textes en la matière, mais aussi – il faut le regretter – à la rédaction défectueuse de certains statuts. C'est en effet aux statuts qu'il appartient de fixer les conditions de quorum et de majorité applicables à l'agrément en cas de décès. Le problème vient de ce que ceux-ci renvoient fréquemment sur ce point aux règles applicables aux cessions entre vifs, donc à des conditions de majorité qui ne peuvent plus être réunies lorsqu'un associé manque à l'appel. D'où ce « blocage » au moment de statuer sur l'agrément.
– Conséquences d'une majorité impossible. – On pourrait penser que le fait, pour le pacte statutaire, de renvoyer à des conditions de majorité impossibles à réunir conduit à neutraliser la clause d'agrément, donc à revenir au principe d'une transmission libre des parts sociales. La jurisprudence n'est cependant pas en ce sens et consacre au contraire toute l'efficacité de la clause d'agrément dans cette situation, avec cette particularité que sa mise en œuvre se solde inévitablement par un refus, étant donné l'impossibilité de réunir la majorité requise pour délivrer l'agrément. De fait, « la non-majorité est une minorité »… Fâcheuse conséquence pour les associés survivants, qui seront dès lors obligés d'indemniser les héritiers ou ayants droit de l'associé décédé de la valeur des parts sociales.
– Recommandation pratique. – Heureusement, les difficultés qui viennent d'être décrites peuvent facilement être évitées. Il suffit, pour cela, que la clause d'agrément applicable en cas de décès renvoie à des conditions de majorité qui s'apprécient au regard des seuls associés survivants ou qui ne tiennent pas compte des droits de vote de l'associé décédé.
Choix des bénéficiaires
– Caractère discrétionnaire de l'agrément. – La décision d'agréer les héritiers ou ayants droit de l'associé décédé est discrétionnaire. Les associés survivants sont donc totalement libres de délivrer ou non l'agrément et n'ont en aucun cas à justifier leur décision. À supposer même qu'ils veuillent à tout prix en exposer les motifs, il leur serait à notre avis fortement déconseillé de le faire ; ce serait inutilement prêter le flanc à un contentieux.
– Liberté de choix des bénéficiaires. – Les associés survivants sont libres d'agréer, mais sont-ils libres de choisir les bénéficiaires de l'agrément ? Cette question revêt une importance essentielle dans les sociétés civiles familiales. Il y va, en effet, de la liberté de « choisir les siens » en s'affranchissant, au besoin, des contraintes de la dévolution légale. La jurisprudence a consacré cette liberté de choix, en statuant sur le cas particulier dans lequel le décès d'un associé laisse place à une indivision.
– Exercice du choix en présence d'une indivision. – La question de la liberté, pour les associés survivants, d'agréer qui bon leur semble, se pose avec acuité dans la situation, assez fréquente en pratique, dans laquelle les parts de l'associé décédé se transmettent en indivision. Dans le silence des textes, on pouvait en effet se demander si l'indivision impose une logique d'agrément « en bloc » ou s'il est envisageable d'opérer une sélection entre les indivisaires. Une juridiction du fond s'est clairement prononcée en faveur de la seconde solution, seule respectueuse de la logique de l'agrément. D'où l'affirmation suivant laquelle « l'agrément des indivisaires se fait un par un ».
En présence de parts dévolues en indivision, les associés survivants ont donc toute liberté d'agréer tout ou partie des indivisaires. Cette solution respectueuse de l'intuitus personae ne va cependant pas sans soulever d'importantes difficultés pratiques, notamment en ce qui concerne le traitement liquidatif des parts sociales en cas d'agrément partiel.