Difficultés d'application

Difficultés d'application

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Position du problème. – Nous avons vu qu'en l'absence de clause d'agrément, la transmission des parts sociales à cause de mort suit les règles de la dévolution successorale. Les héritiers ou ayants droit de l'associé décédé deviennent donc automatiquement associés, sous réserve de l'acceptation de la succession.
Au-delà de son apparente simplicité, l'application de cette règle soulève une difficulté spécifique : celle du fonctionnement de la société pendant le laps de temps plus ou moins long qui s'écoule entre le décès et la date à laquelle les nouveaux titulaires des droits sociaux sont identifiés comme tels et ont pris la qualité d'héritier acceptant.
Les enjeux de ce que nous appellerons ici la « période transitoire » dépassent le strict cadre de la pratique notariale et ne sont pas propres aux sociétés civiles. La difficulté se pose cependant avec acuité pour les notaires chargés du règlement d'une succession dont dépendent des droits sociaux, et lorsque ce cas de figure se présente, c'est le plus souvent de parts de société civile dont il s'agit.
– Hypothèse étudiée. – L'hypothèse qui retiendra notre attention est celle dans laquelle les statuts ne soumettent pas les transmissions de parts sociales par décès à l'agrément. En principe, on l'a dit, les héritiers et ayants droit de l'associé décédé deviennent alors automatiquement associés. Encore cela suppose-t-il qu'ils soient identifiés et qu'ils acceptent la succession, ce qui peut prendre de longs mois, voire des années. Aussi longtemps que ces deux conditions ne sont pas réunies, les parts sociales dépendant de la succession n'ont, si l'on peut dire, pas de titulaire. Comment, dans ces conditions, continuer à faire fonctionner la société ? Comment, en particulier, réunir et faire voter la collectivité des associés ?
– Silence de la doctrine et de la jurisprudence. – Les difficultés posées par la « période transitoire » ne semblent guère avoir été évoquées en doctrine et n'ont, à notre connaissance, pas suscité de jurisprudence. Dans ces conditions, les solutions à ces difficultés sont sans doute à rechercher à l'endroit où siège le problème, c'est-à-dire en l'occurrence à la frontière entre le droit des sociétés (§ I) et le droit des successions (§ II).

Solutions issues du droit des sociétés

– Recherche de solutions. – Dans la mesure où les pathologies liées à la « période transitoire » ont leur cause dans la transmission des parts sociales de l'associé décédé, il faut commencer par en rechercher le remède en droit des sociétés. On distinguera sur ce point entre les solutions internes à la société (A) et les solutions externes à la société (B).

Solutions internes à la société

– Anticipation de la difficulté. – Une première façon de remédier aux difficultés posées par la « période transitoire » est de les anticiper, c'est-à-dire, concrètement, d'éviter le blocage de la société lorsque la transmission des parts sociales par décès n'est pas soumise à l'agrément. Cette anticipation peut notamment prendre la forme d'un aménagement des statuts (I) ou d'un aménagement de la gérance (II).

Aménagement des statuts

– Anticiper les difficultés posées par la période transitoire. – Dans le silence des textes, les statuts ont naturellement vocation à préciser les règles applicables aux transmissions de parts sociales par décès. On peut dès lors envisager de compléter le pacte statutaire par des clauses particulières, visant à prévenir les difficultés liées à la « période transitoire ». L'analyse des statuts de sociétés civiles révèle que ce type de clause n'est pas rare en pratique. L'une d'entre elles, en particulier, mérite l'attention.
– Clause statutaire imaginée par la pratique. – Les statuts de sociétés civiles contiennent assez fréquemment une clause prévoyant, en substance, qu'en cas de décès d'un associé, ses héritiers ou ayants droit doivent justifier de leur qualité par la production d'un acte de notoriété (ou équivalent), leurs droits étant suspendus jusqu'à l'accomplissement de cette formalité. Ce type de stipulation entend ainsi remédier aux difficultés posées par la période transitoire – en particulier l'adoption des décisions collectives – en suspendant les prérogatives attachées aux parts de l'associé décédé, dans l'attente que ses héritiers ou ayants droit soient identifiés et que leurs droits dans sa succession déterminés. Dans la mesure où, à notre connaissance, les tribunaux n'ont jamais eu à se prononcer sur ce type de clause jusqu'à présent, on tentera d'en proposer ici une analyse critique.
– Analyse critique. – Sur ce point, il est à notre avis nécessaire de distinguer entre l'obligation faite aux héritiers ou ayants droit de justifier de leur qualité, d'une part, et la sanction attachée au défaut d'accomplissement de cette formalité, d'autre part. La première relève sans doute du bon sens : on voit mal comment les héritiers ou ayants droit de l'associé décédé pourraient intégrer la société sans être identifiés comme tels et sans que leurs droits dans la succession soient déterminés. Et la qualité d'héritier se prouve normalement par la production d'un acte de notoriété. La sanction dont est assortie cette formalité – la suspension des droits politiques et financiers attachés aux parts sociales dépendant de la succession – appelle en revanche davantage de réserve au regard des règles de la saisine héréditaire et des principes du droit des sociétés.
– Difficultés posées au regard du droit des sociétés. – Peut-on valablement suspendre les droits politiques et financiers attachés aux parts de l'associé décédé dont les héritiers ou ayants droit n'auraient pas justifié de leur qualité ? En l'absence de source sur ce point, deux observations peuvent être formulées. La première est qu'il est douteux que l'on puisse suspendre l'exercice du droit de vote en dehors des cas limitativement prévus par la loi. Or, aucun texte n'envisage la possibilité de suspendre le droit de vote attaché aux parts d'un associé décédé.
La seconde observation a trait à l'efficacité de la sanction au regard de la difficulté qu'elle prétend résoudre. De fait, en l'occurrence, le blocage de la société tient moins à l'exercice du droit de vote attaché aux parts dépendant de la succession – qui se trouve inévitablement paralysé, faute pour son titulaire d'être identifié – qu'à l'impossibilité de réunir le quorum et la majorité nécessaires pour adopter certaines décisions collectives. Or, il n'est pas sûr que les statuts puissent valablement exclure la prise en compte des parts de l'associé décédé pour le calcul du quorum et de la majorité, du moins en l'absence de clause d'agrément. De fait, ces parts existent bel et bien, et les prérogatives qui s'y rattachent ne sont en rien affectées par le décès de leur titulaire.
Face aux incertitudes que soulèvent les clauses statutaires de suspension des droits des héritiers de l'associé décédé, l'anticipation des difficultés posées par la période transitoire peut passer par un aménagement de la gérance.

Aménagement de la gérance

– Intérêt. – Un autre moyen d'éviter le blocage de la société consiste à contourner la difficulté tenant à l'impossibilité de réunir les conditions de quorum et/ou de majorité nécessaires à l'adoption des décisions collectives, en accordant au gérant des pouvoirs suffisamment étendus, de sorte qu'il ait toute latitude d'agir sans avoir à solliciter la collectivité des associés. En dépit de son indéniable efficacité pratique, ce palliatif n'est cependant pas exempt d'inconvénients.
– Inconvénients. – La solution qui précède présente au moins deux inconvénients. Le premier est qu'elle suppose bien évidemment que la société dispose d'un gérant en fonction, ce qui ne sera pas le cas si la gérance était assurée par l'associé décédé… Le second inconvénient, plus gênant, tient au régime applicable aux pouvoirs du gérant dans les sociétés civiles. Sur ce point, on rappellera simplement que les pouvoirs du gérant dans l'ordre externe sont déterminés par référence à l'objet social, de sorte que l'extension de ces pouvoirs implique nécessairement celle de l'objet de la société, soit de façon permanente, soit de façon ponctuelle. Or, au regard de la difficulté qui nous occupe, cette extension ne se conçoit utilement qu'à travers une modification permanente de l'objet social, dont on adopterait une rédaction large en prévision du décès d'un associé. Ce faisant, le risque est alors d'accorder durablement au gérant des pouvoirs dont l'étendue n'est justifiée qu'en temps de crise.

Solutions externes à la société

– Intervention du juge. – Si la solution aux difficultés posées par la période transitoire ne peut être trouvée au sein de la société, il faut alors se résoudre à faire appel à un intervenant extérieur, qui ne peut être que le juge. L'immixtion du pouvoir judiciaire est devenue omniprésente dans la vie des sociétés, mais conserve par nature un caractère exceptionnel. On peut ici la concevoir de deux manières, suivant qu'il s'agit de dépanner toute la structure ou seulement d'en dégripper l'un des rouages : la nomination d'un administrateur provisoire (I) ou d'un mandataire ad hoc (II).

Nomination d'un administrateur provisoire

– Conditions de nomination. – La nomination d'un administrateur provisoire est « la mesure la plus radicale » dont dispose le juge pour tenter de résoudre une crise au sein de la société. Elle suppose par conséquent la réunion de deux conditions strictes et cumulatives, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond :
  • paralysie des organes sociaux ; pour qu'un administrateur provisoire puisse être nommé, la société ne doit plus être en état de fonctionner en raison de la défaillance d'un organe social (par ex. : carence du dirigeant, conflit entre cogérants rendant impossible la réalisation de l'objet social, etc.) ;
  • existence d'un péril certain et imminent ; cette condition est plus délicate à caractériser en pratique. La société doit être exposée à un événement menaçant sa pérennité, dont la réalisation est inévitable à brève échéance. La désignation d'un administrateur provisoire est donc exclue en présence d'un péril simplement éventuel et futur.
Pour les sociétés civiles, la demande de nomination d'un administrateur provisoire relève de la compétence du tribunal judiciaire. Il est intéressant de relever qu'il ne s'agit pas d'une action attitrée ; elle pourrait donc être intentée par « toute personne se prévalant d'un intérêt légitime ». Pour ce qui concerne les difficultés posées par la période transitoire, il pourrait donc notamment s'agir de l'exécuteur testamentaire, d'un tiers intéressé, voire du notaire chargé de la succession de l'associé décédé.
– Mission. – L'administrateur provisoire se substitue aux organes sociaux défaillants. De ce fait, sa nomination s'apparente à une véritable « mise sous tutelle » de la structure concernée ; elle emporte dessaisissement des dirigeants en fonction et doit, à ce titre, être publiée. À l'instar du mandataire ad hoc, l'administrateur provisoire agit en vertu d'un mandat judiciaire. Ses prérogatives sont par conséquent définies par le juge, à cette différence près qu'il s'agit en principe de pouvoirs généraux d'administration, de direction et de représentation. En pratique, la détermination des pouvoirs de l'administrateur provisoire passera par un examen attentif de la décision de nomination.
– Limites. – L'intervention d'un administrateur provisoire est une mesure lourde et par nature exceptionnelle. Au regard de la problématique qui nous intéresse ici, sa nomination ne se conçoit que si le blocage met en péril la société, ce qui est rarement le cas en pratique. De fait, dans la plupart des sociétés civiles patrimoniales, la difficulté tient à l'impossibilité de vendre un immeuble social, faute de pouvoir réunir les conditions de quorum et/ou de majorité requises pour autoriser l'opération. Or, cette vente est généralement motivée par la nécessité de dégager les liquidités nécessaires au règlement des droits de succession, autrement dit pour acquitter une dette personnelle aux héritiers et non une dette sociale. Si les organes sociaux sont hors d'état de fonctionner, la société n'est donc pas exposée à un péril certain et imminent ; les conditions de nomination d'un administrateur provisoire ne sont donc pas réunies. À supposer même qu'elles puissent l'être, l'administrateur provisoire n'a de toute façon pas pouvoir d'effectuer des actes de disposition en vertu des statuts et ne peut pas davantage se substituer à la collectivité des associés pour autoriser l'opération lorsque cette autorisation s'avère nécessaire. Partant, si les statuts soumettent la vente d'un immeuble social à l'autorisation de la collectivité des associés, la nomination d'un administrateur provisoire risque de ne pas permettre de surmonter le « blocage » de la société.

Mandataire ad hoc

– Conditions de nomination. – Les conditions de nomination d'un mandataire ad hoc n'ont que récemment été clarifiées par la jurisprudence. En matière civile, la loi faisait simplement référence à la nécessité de « prévenir un dommage imminent » ou de « faire cesser un trouble manifestement illicite ». En fait, ces conditions de nomination se définissent en quelque sorte négativement par rapport à celles, plus sévères, de l'administrateur provisoire. La nomination d'un mandataire ad hoc suppose ainsi l'existence d'une menace pour la société, mais il n'est pas nécessaire de démontrer que cette menace entraîne sa paralysie, ni qu'il existe des « circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent ».
– Mission. – Au contraire de l'administrateur provisoire, qui dispose en principe de pouvoirs généraux, le mandataire ad hoc est toujours investi d'un mandat spécial. Sa mission se limite en effet à résoudre une difficulté ponctuelle, sans se substituer aux organes sociaux ; il s'agit simplement de « réparer un rouage » de la machine sociétaire, sans prendre le contrôle du navire. La nomination d'un mandataire ad hoc n'entraîne donc pas dessaisissement des organes sociaux et n'a pas à être publiée. Pour le surplus, ses missions peuvent être très diverses. En pratique, tout dépendra des termes de la requête et de la décision du juge.
– Limites. – On le voit, les hypothèses dans lesquelles la nomination d'un mandataire ad hoc est envisageable sont beaucoup plus nombreuses que celles justifiant la nomination d'un administrateur provisoire. Cette intervention du pouvoir judiciaire dans le fonctionnement de la société ne permettra cependant de répondre aux difficultés posées par la période transitoire que si celles-ci trouvent leur origine dans un blocage ponctuel (par ex. : impossibilité de convoquer l'assemblée générale, impossibilité d'exercer le droit de vote attaché aux parts dépendant de la succession, etc.) et non dans la paralysie de toute la société. Or, en pratique, la société peut se trouver totalement paralysée suite au décès d'un associé, sans pour autant que les conditions de nomination d'un administrateur provisoire soient réunies.

Solutions issues du droit des successions

– Le droit des successions au secours du droit des sociétés. – Lorsqu'elle ne peut venir du droit des sociétés, la solution aux difficultés posées par la période transitoire peut être recherchée dans le droit des successions. De fait, dans certains cas, les dysfonctionnements de la société ne sont que la répercussion d'un problème plus général affectant la transmission du patrimoine de l'associé décédé ; si la dévolution des parts dont ce dernier était titulaire est en suspens, c'est parce que le règlement de sa succession est lui-même à l'arrêt.
Cette situation peut n'être que temporaire ; il s'agit alors d'éviter que le patrimoine social se dégrade, en attendant que la dévolution des parts puisse aboutir. Mais elle peut aussi être définitive ; il faut alors s'interroger sur le devenir des parts dont le ou les titulaires ne peuvent être identifiés. Ces deux préoccupations ne sont pas ignorées du droit des successions. Dans la première hypothèse, celui-ci peut venir au secours du droit des sociétés à travers la théorie des actes conservatoires (A) ; dans la seconde hypothèse, c'est le régime des successions vacantes ou en déshérence (B) qui est susceptible de prendre le relais.

Les actes conservatoires

– À l'origine du « blocage » : la crainte d'accepter la succession de l'associé décédé. – En l'absence de clause d'agrément, il arrive que la dévolution des parts de l'associé décédé pose problème, en raison de la crainte de ses héritiers d'être tenus des dettes de la société. Sans entrer dans le détail de cette question – qui mérite à elle seule une étude particulière –, on retiendra simplement que ce risque existe, dans la mesure où les associés de sociétés civiles sont indéfiniment tenus au passif social. Il arrive par ailleurs assez souvent qu'ils se soient portés caution personnelle des dettes de la société.
Cela étant, dans cette hypothèse, le blocage n'est généralement qu'une situation temporaire : les héritiers réservent, ou du moins retardent leur option, dans l'attente d'informations précises sur la situation financière de la société. Ce faisant, ils courent un autre risque : celui de voir le patrimoine social se dégrader en attendant que la société retrouve un fonctionnement normal. D'où cette question : les héritiers peuvent-ils, sans risquer d'accepter tacitement la succession, accomplir des actes visant à préserver le patrimoine social ? Il s'agit, là encore, d'une difficulté qui se situe à la frontière entre droit des successions et droit des sociétés.
– Possibilité d'effectuer des actes conservatoires en droit des successions. – Depuis 2006, le législateur a voulu faciliter la possibilité pour les héritiers d'accomplir un certain nombre d'actes, sans risquer d'accepter tacitement la succession. Le premier alinéa de l'article 784 du Code civil dispose ainsi que : « Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d'administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n'y a pas pris le titre ou la qualité d'héritier ». De là, deux observations. La première est que ce texte est assorti d'une liste d'actes « réputés purement conservatoires », mais ne donne aucune définition générale de l'acte conservatoire, ce qui soulève des difficultés de qualification récurrentes. Pour un éminent auteur, l'acte conservatoire s'entend de tout « acte qui a pour objet de protéger les biens contre une menace de perte en les maintenant en état ». La seconde observation qu'appelle l'article 784 du Code civil est qu'il n'évoque pas précisément l'hypothèse dans laquelle le défunt était associé, ce qui conduit à se demander si les héritiers peuvent, dans cette situation, effectuer des actes conservatoires sur le patrimoine social sans risquer d'accepter la succession.
– Possibilité d'effectuer des actes conservatoires en droit des sociétés. – Pour la doctrine, l'associé d'une société civile dispose, en cette qualité, du droit d'effectuer des actes tendant à la conservation des actifs sociaux. Il faut donc commencer par faire exception du cas particulier de l'héritier qui disposait, dès avant le décès de son auteur, de la qualité d'associé. À ce titre, il devrait pouvoir effectuer des actes conservatoires sur le patrimoine social sans être réputé héritier acceptant, à condition qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur la qualité avec laquelle il agit.
Reste le cas, a priori plus fréquent, de l'héritier qui n'est pas déjà associé. Peut-il effectuer des actes conservatoires sans risquer l'acceptation tacite de la succession de l'associé décédé ? L'article 784 du Code civil dispose que sont réputés actes d'administration provisoire « les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l'activité de l'entreprise dépendant de la succession ». L'objectif du législateur a été de permettre aux héritiers de sauvegarder une entité économique en attendant sa transmission, sans être réputés héritiers acceptants. Il ne fait aucun doute que le terme « entreprise » s'entend ici dans un sens générique et que le texte s'applique donc en présence d'une société commerciale. Mais qu'en est-il en présence d'une société civile ? Force est de constater que la plupart d'entre elles peuvent difficilement être considérées comme des entreprises, dans la mesure où leur fonction se limite à la détention d'un patrimoine. L'objectif de préservation d'une entité économique risque donc, le plus souvent, de faire défaut. Pour autant, il n'existe a priori aucune raison de soumettre, en la matière, les sociétés civiles à un régime plus « sévère » que celui des sociétés commerciales.

Succession vacante et succession en déshérence

– À l'origine du blocage : une succession non réclamée ou sans héritier. – En pratique, la dévolution des parts de l'associé décédé peut se trouver bloquée, tout simplement parce qu'il ne se trouve personne à qui les attribuer. À l'origine du problème rencontré au niveau de la société, il y a donc une succession que personne ne réclame ou pour laquelle il ne se trouve pas d'héritier. Le droit des sociétés n'est alors d'aucun secours : c'est au droit des successions qu'il faut s'en remettre, à travers le régime de la succession vacante (I) ou de la succession en déshérence (II).

Succession vacante

– Définition et renvoi. – La vacance vise « une situation de fait dans laquelle se trouve une succession à l'abandon que personne ne réclame ». Elle est définie par l'article 809 du Code civil, qui vise trois situations alternatives. En pratique, cette situation n'est pas toujours facile à distinguer de la déshérence, dans la mesure où elle présente, pour le notaire, le même visage : le règlement de la succession est à l'arrêt, faute d'héritier connu. La différence tient peut-être au fait que la vacance peut n'être que temporaire. Quoi qu'il en soit, on retiendra simplement que la succession vacante a vocation à être administrée par un curateur, qui en assurera la liquidation, en vue de sa transmission éventuelle à l'État. Pour le surplus, on se contentera de renvoyer aux règles du droit des successions, dans la mesure où l'existence de parts sociales est a priori sans incidence sur la procédure.

Succession en déshérence

– Définition et renvoi. – La déshérence se définit littéralement comme une absence d'héritier. Elle désigne, en droit, la situation de la succession « à laquelle aucun héritier n'a été appelé ou que personne n'a voulu accepter ». Sans maître, la succession en déshérence a vocation à revenir à l'État, qui devra se faire envoyer en possession. À terme, c'est donc l'État lui-même qui deviendra titulaire des parts dépendant de la succession de l'associé décédé. Curieuse situation, en vérité, qui voit le décès d'un associé déboucher sur une forme de nationalisation.
C'est ainsi qu'en l'absence de clause d'agrément, la transmission à cause de mort des parts de société civile obéit à un principe de neutralité du droit des sociétés à l'égard du droit des successions, qui voit le sort des parts de l'associé décédé soumis aux aléas du règlement successoral. Si l'on excepte l'intérêt qu'elle peut revêtir dans certains montages de planification patrimoniale, cette modalité de transmission des parts sociales présente l'inconvénient de ne pas mettre à profit l'un des principaux atouts de la société civile en matière successorale : la faculté de sélectionner les continuateurs de l'associé. C'est ce que nous allons voir maintenant, à travers la transmission des parts sociales en présence d'une clause d'agrément.