Convention d'indivision et démembrement de propriété

Convention d'indivision et démembrement de propriété

Rapport du 121e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2025
– Possibilité de conclure une convention d'indivision en présence d'un bien démembré. – Si la convention d'indivision peut permettre d'organiser la détention en commun d'un bien en pleine propriété, elle peut également avoir cette fonction en présence d'un bien dont la propriété est démembrée. Les textes régissant les conventions d'indivision envisagent en effet expressément la possibilité de conclure une convention d'indivision sur les biens indivis lorsque ceux-ci sont grevés d'un usufruit. Le législateur a même consacré à cette possibilité un chapitre particulier764, signe de l'intérêt qu'il porte à ce dispositif. Ce dernier demeure pourtant largement inexploité.
– Intérêt théorique. – Le régime des « conventions relatives à l'exercice des droits indivis en présence d'un usufruitier »765 a pour but d'adapter les règles applicables aux conventions d'indivision à la situation particulière dans laquelle la propriété du bien indivis est également démembrée766. Sans doute le législateur avait-il en vue les biens dépendant d'une indivision successorale et, en particulier, les biens dévolus au conjoint survivant, dont les droits s'exercent le plus souvent en usufruit. On peut donc dire que ce type très particulier de convention a spécifiquement été conçu pour organiser les indivisions successorales qui se doublent d'un démembrement de propriété.
– Rareté pratique. – Les conventions d'indivision portant sur un bien démembré sont, à notre connaissance, rarissimes. Si l'on en croit une doctrine autorisée, cet insuccès serait à mettre sur le compte de leur complexité767. De fait, en envisageant toutes les hypothèses possibles de superposition d'un démembrement à l'indivision, le Code civil gagne en exhaustivité ce qu'il perd en simplicité.
– Parties à la convention : multiplicité de combinaisons. – En vue de favoriser l'organisation conventionnelle de l'indivision en présence d'un démembrement de propriété, l'article 1873-16 du Code civil envisage de multiples combinaisons. On en dénombre cinq au total :
  • entre les seuls nus-propriétaires ; il est difficile de voir l'intérêt pratique de la convention dans ce cas de figure. En matière successorale, on peut penser à une convention liant les enfants nus-propriétaires en vue, par exemple, d'organiser la dévolution de leurs droits indivis ou de préciser les règles de contribution aux grosses réparations768 ;
  • entre les usufruitiers ; dans cette situation, l'intérêt de la convention est plus évident. Il s'agit d'organiser la jouissance du bien démembré, par exemple en nommant un gérant disposant des pouvoirs nécessaires pour entretenir et mettre en valeur le bien ;
  • entre tous les usufruitiers et tous les nus-propriétaires ; cette hypothèse combine les deux précédentes. Elle présente l'avantage de permettre d'organiser de façon globale la gestion du bien indivis sur lequel se superpose un démembrement, en impliquant à la fois les usufruitiers et les nus-propriétaires ;
  • entre un usufruitier universel et tous les nus-propriétaires ; on pense ici, notamment, à la situation très fréquente dans laquelle un conjoint survivant usufruitier du tout hériterait en concours avec plusieurs enfants, nus-propriétaires indivis. Dans cette configuration, la convention présente également l'avantage d'être conclue entre tous les titulaires de droits sur le bien indivis ;
  • entre tous les usufruitiers et un nu-propriétaire unique ; cette dernière combinaison devrait se présenter assez rarement en pratique, du moins en matière successorale. L'intérêt de la convention est, là encore, d'être conclue entre tous les titulaires de droits sur le bien indivis.
– Nécessité d'une indivision. – Chacune des combinaisons prévues par l'article 1873-16 du Code civil suppose l'existence soit d'une pluralité d'usufruitiers, soit – et cette situation sera la plus probable en matière successorale – d'une pluralité de nus-propriétaires. Il faut donc que le démembrement soit doublé d'une indivision769. Néanmoins, le législateur n'exclut pas la possibilité, pour le titulaire unique d'un droit démembré, de conclure une convention avec les indivisaires du droit démembré complémentaire. Ce type de convention n'a pas pour effet de rendre indivis le droit démembré dont le titulaire est unique770. Ainsi, par exemple, la convention conclue entre l'usufruitier universel et les nus-propriétaires indivis ne crée pas d'indivision en usufruit.
– Observation sur les première et deuxième combinaisons. – La première et la deuxième combinaison771 supposent implicitement mais nécessairement qu'il existe par ailleurs soit une pluralité d'usufruitiers (première combinaison), soit une pluralité de nus-propriétaires (deuxième combinaison), qui ne sont pas parties à la convention. Il en résulte une situation aussi curieuse que complexe, dans laquelle l'un des droits démembrés fait l'objet d'une convention d'indivision, alors que l'autre continue de relever du régime légal772.
Si la convention d'indivision mérite l'attention du praticien en quête d'une structure d'organisation efficace de l'indivision successorale, elle risque toutefois de décevoir les attentes toutes les fois qu'il s'agira de concevoir l'indivision non plus comme une situation provisoire, mais comme un modus vivendi durable porteur d'un véritable projet de propriété collective. Une alternative s'offre à ceux qui souhaitent pérenniser la détention en commun sans mettre fin à l'indivision, à travers la création d'une société en participation.