Les exceptions : les constructions dans les parties non urbanisées de la commune

Les exceptions : les constructions dans les parties non urbanisées de la commune

Rapport du 120e Congrès des notaires 2024 - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2024
– La règle de la constructibilité limitée comporte des exceptions qui ouvrent la voie aux réalisations en dehors des parties déjà urbanisées. – Alors, l'artificialisation des sols est possible. Ces exceptions n'ont cessé de se développer depuis 1983 avec, toutefois, un durcissement opéré par la loi ALUR du 24 mars 2014 en cas d'atteinte aux surfaces agricoles. L'article L. 111-4 du Code de l'urbanisme prévoit cinq séries d'aménagements et de constructions pouvant être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune.
– Première série d'exceptions : l'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales. – Cette première catégorie d'exceptions appelle les précisions suivantes.
Une construction sera considérée comme existante dès lors qu'elle n'est pas en état de ruine : des travaux sur des bâtiments en ruine ne peuvent être regardés comme constituant l'adaptation, la réfection ou l'extension de constructions existantes082 ; dès lors qu'un cinquième des murs et la moitié de sa toiture sont détruits, le bâtiment litigieux présente le caractère d'une ruine et ne peut être regardé comme une construction existante083.
Sur les notions d'adaptation, réfection et extension des constructions existantes : des travaux consistant dans la réfection et la surélévation d'environ 50 cm de la toiture, l'agrandissement des ouvertures de la façade, le percement de quelques ouvertures supplémentaires et un réaménagement des espaces intérieurs sont bien des travaux de réfection et d'adaptation084.
Le Conseil d'État précise encore qu'une annexe n'est pas une extension085. Une extension de construction existante n'a par ailleurs pas besoin d'être mesurée pour pouvoir être autorisée et la condition tenant au respect des traditions architecturales locales ne s'applique pas à l'extension de constructions existantes mais uniquement à la construction de bâtiments nouveaux086.
L'exception tenant à la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole n'est pas réservée aux cas dans lesquels le périmètre constitué par les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole est clos, mais peut aussi valoir pour les cas où les bâtiments nouveaux sont implantés dans un espace entouré de bâtiments agricoles suffisamment rapprochés pour pouvoir être regardés comme délimitant, même sans clôture ou fermeture, un périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole087.
L'exception relative au changement de destination des constructions existantes a été ajoutée dans la loi « Urbanisme et Habitat » de 2003. Elle permet notamment de transformer d'anciennes granges agricoles en habitations.
Les constructions nouvelles ayant pour conséquence une réduction des surfaces sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumises pour avis à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime088.
– Deuxième série d'exceptions : les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national. – Cette deuxième catégorie d'exceptions appelle les précisions suivantes :
  • un gîte rural ne peut pas être considéré comme nécessaire à l'exploitation agricole089 ;
  • les projets visés au 2° ayant pour conséquence une réduction des surfaces sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime090.
– Troisième série d'exceptions : les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation de produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production et dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Ces constructions et installations ne peuvent pas être autorisées dans les zones naturelles, ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. – Cette troisième exception a été ajoutée par la loi ELAN afin de permettre aux agriculteurs d'étendre leurs activités, mais toujours avec un lien de connexité par rapport à leur activité première : la maîtrise d'un cycle animal ou biologique.
La doctrine a observé que cette dernière exception n'était pas ouverte dans les zones naturelles et s'interroge sur l'identification de ces zones naturelles. Bien que l'article L. 111-5 du Code de l'urbanisme ne le prévoie pas expressément pour cette catégorie d'exceptions, l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime est systématiquement requis pour l'autorisation des locaux de commercialisation de produits agricoles.
– Quatrième série d'exceptions : les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. – Elle appelle les précisions suivantes.
Sur les notions d'extension mesurée et limitée, le Conseil d'État précise que l'extension s'entend en principe « d'un agrandissement de la construction existanteprésentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci »091.
S'agissant de son caractère mesuré, on peut renvoyer à une réponse ministérielle de 2014092 où se trouve une précieuse synthèse de la jurisprudence administrative : « Pour le Conseil d'État, l'extension doit rester « subsidiaire par rapport à l'existant ». Le Conseil d'État refuse le qualificatif de « mesuré » en fonction de l'importance de l'extension et de sa nature. Ainsi, ne sont pas des extensions mesurées : – la réhabilitation et l'extension d'un bâtiment de 65,87 à 111 m² (CE, 31 mars 1993, no 94686, Cne de Gatigne) ; – la modification des volumes du bâtiment préexistant par une élévation de 2,83 à 5,27 mètres, la création d'un nouvel espace habitable et d'une terrasse couverte (CE, 23 février 1990, no 950274, M. Basquin contre commune de Leucate) ; – l'accroissement de 73 % de l'emprise au sol d'un chalet et la création au premier étage d'une surface habitable jusque-là inexistante (CE, 5 juin 1992, no 119164, M. Perpina) ; – le passage de 76 à 168 m² de la surface hors œuvre nette (SHON) existante (CE, 24 janvier 1994, no 127910, M. Balhosa) ; – une extension représentant 55 % de la surface existante (CE, 30 mars 1994, no 134550, M. Daguet et autres). En revanche, une extension de 30 % a été considérée comme « mesurée » (CE, 18 novembre 2009, no 326479, Suzanne Quillaud) ».
On peut par ailleurs noter que cette exception est susceptible de s'appliquer aux installations classées pour la protection de l'environnement ou à un parc d'éoliennes093.
– Cinquième série d'exceptions : les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application. – Cette cinquième et dernière catégorie d'exceptions est susceptible de concerner de nombreux projets : un entrepôt parce que l'activité qui y sera abritée sera créatrice d'emplois094, une construction modeste destinée à l'accueil d'une nouvelle famille qui sauvera l'école, un cabinet médical.
La légalité de l'exception tenant à l'intérêt communal est appréciée en fonction de l'importance de la construction autorisée095, du caractère plus ou moins approprié de sa localisation par rapport à sa destination096 et de l'intérêt économique et social qu'elle présente pour la commune097.
S'agissant d'une exception, le juge est particulièrement exigeant à l'égard de la motivation du conseil municipal qui doit faire apparaître très clairement l'intérêt communal098.
La délibération du conseil municipal est soumise à l'avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime réputé favorable s'il n'est pas rendu sous un mois099.
Si la commune n'est pas couverte par un SCoT, l'exception prévue au 4° ne peut jouer100. Toutefois, après avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, le préfet peut donner son accord dès lors que « l'urbanisation envisagée ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques, ne conduit pas à une consommation excessive de l'espace, ne génère pas d'impact excessif sur les flux de déplacements et ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services »101.