La définition légale

La définition légale

Rapport du 120e Congrès des notaires 2024 - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2024
– L'encadrement du législateur. – L'ordonnance du 18 juillet 2013 a inséré dans le Code de l'urbanisme un article L. 600-1-2 qui invite le juge à apprécier avec plus d'acuité l'intérêt à agir en vérifiant si « la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation,d'utilisation ou de jouissance du bien que le requérant détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire ».
La définition légale ne constitue pas une rupture avec la jurisprudence antérieure, mais plutôt, selon le rapport Labetoulle, un « signal invitant [les juges] à retenir une approche un peu plus restrictive de l'intérêt pour agir ». Autrement dit, le texte invite le juge à apprécier in concreto la situation du requérant.
– Les précisions du Conseil d'État. – Le Conseil d'État a eu à cœur de préciser rapidement les conditions de mise en œuvre de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme dans un arrêt du 10 juin 2015619 :
« Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu'il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ».
– Un intérêt à agir motivé est non contraire au droit au recours. – Incontestablement, les dispositions de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme imposent au requérant un effort de motivation620. Toutefois, elles ne sont pas de nature à restreindre significativement le droit au recours du voisin immédiat qui, en raison de « sa situation particulière » a « en principe intérêt à agir »621.
Le degré d'exigence du juge va dépendre de la plus ou moins grande proximité du projet contesté car, en fonction de ce paramètre, l'intérêt peut aller de soi au regard des pièces du dossier ou requérir une argumentation plus étayée. Ainsi, les éléments attendus de voisins à proximité immédiate en vue d'établir leur intérêt à agir seront allégés622.
Le propriétaire d'un terrain non construit peut être recevable à former un recours pour excès de pouvoir s'il apparaît que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux, de nature à affecter les conditions de jouissance du bien623.
La seule visibilité du projet ne donne pas nécessairement intérêt à agir au regard de la distance qui le sépare de la propriété du requérant624.
La jurisprudence est abondante. Les deux arrêts suivants peuvent être cités pour en rendre compte :
  • CE, 18 mars 2019, no 4224, Commune de Montségur-sur-Lauzon : commet une erreur de droit le juge des référés qui relève, pour reconnaître l'intérêt à agir d'un voisin dont la propriété, située dans un secteur demeuré à l'état naturel, est séparée de celle des bénéficiaires du permis par une parcelle longue de 67 mètres et dont la maison est distante d'environ 200 mètres de la maison d'habitation dont la construction est autorisée par ce permis, que les boisements présents sur les terrains en cause ne suffisent pas pour occulter toute vue et tout bruit entre le terrain d'assiette de la construction et la propriété du requérant et que celui-ci indique avoir acquis cette propriété en raison de l'absence de voisinage ;
  • CE, 13 février 2019, no 410004 : commet une erreur de qualification juridique la cour qui rejette un recours faute d'intérêt à agir, au motif que sa maison d'habitation est distante d'environ 160 mètres de la parcelle d'assiette du projet et que la visibilité qu'il aura de la construction projetée sera très limitée compte tenu de la configuration des lieux et de la dimension de l'édifice, alors que le projet est situé dans un secteur naturel et que le requérant est le voisin immédiat de la construction projetée, dont il n'est séparé que par une parcelle non construite.