L'obligation de vérification

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L'obligation de vérification

Rapport du 118e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2022
– Plan. – Le respect de son obligation d'information ne suffit pas, le notaire est également et classiquement tenu d'assumer un rôle actif en vérifiant les informations transmises. Appliquée aux assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification s'opère sur l'assureur lui-même (I) et sur la police d'assurance (II).

Vérifications opérées sur l'assureur lui-même

– Agrément de la compagnie d'assurance. – L'activité exercée par les compagnies d'assurance, que celles-ci consentent des assurances construction ou d'autres types de produits, est par essence une activité sensible. Les conséquences attachées à la défaillance de ces compagnies d'assurance sont dramatiques pour les personnes qui étaient susceptibles d'en bénéficier. C'est pourquoi un contrôle strict est exercé sur ces compagnies d'assurance. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances renvoie expressément à cette exigence d'habilitation1862. Le notaire est appelé à vérifier que les compagnies d'assurance ayant délivré les assurances construction étaient bien agréées pour ce faire1863.
– Les outils permettant de vérifier l'agrément de l'assureur. – Afin de vérifier que la compagnie d'assurance dispose bien de l'autorisation d'exercer en France et de délivrer des assurances construction, le notaire dispose des outils mis en place par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du registre des organismes d'assurance disponible sur le site www.refassu.fr.
Pour les établissements enregistrés dans d'autres pays européens qui exercent en France par le biais d'une succursale ou de libre prestation de services, l'ACPR conseille vivement de consulter le registre tenu par l'autorité du pays d'origine. L'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a quant à elle mis à disposition un registre européen alimenté par les informations transmises par chaque autorité de contrôle nationale (Register of Insurance Undertakings) :
Enfin, et par suite du Brexit, une liste des établissements du secteur assurance ne disposant plus du droit d'offrir leurs services en France est également mise à jour et accessible sur le site de l'ACPR :

Les difficultés inhérentes à la faillite de compagnies d’assurance étrangères

La multiplication des faillites de compagnies d'assurance étrangères ayant délivré en France des assurances construction obligatoires et exerçant sur la base de la libre prestation de services est à l'origine d'importantes difficultés pour les bénéficiaires de ces contrats.
La libre prestation de services (LPS) a ouvert la possibilité à un assureur d'exercer dans tous les États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, avec un agrément unique et une surveillance prudentielle exclusive par le régulateur du pays d'origine de l'assureur.
De nombreuses compagnies non domiciliées en France sont venues offrir leurs garanties en matière d'assurance construction obligatoire sur la base de la LPS, avec un développement à la mesure du décalage pouvant exister entre les prix offerts par celles-ci et ceux existant alors sur le marché.
Une mauvaise connaissance de ce marché et de la réglementation applicable a entraîné de nombreuses faillites et pertes d'agrément de ces compagnies d'assurance, aboutissant à leur liquidation, et laissant sans recours les bénéficiaires de ces contrats.
Une ordonnance du 27 novembre 20171864 a prévu que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prenne en charge les dommages dus par l'assureur défaillant au titre des assurances dommages-ouvrage, comme il le fait au titre des accidents de la circulation. Cette ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 20221865, afin que le champ d'action du FGAO ne soit plus limité aux seuls contrats conclus après son entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Ainsi, il peut dorénavant intervenir pour les contrats d'assurance dommages-ouvrage conclus à compter du 1er juillet 2018 ou en cours à cette date, dès lors que les désordres sont survenus avant la fin de validité du contrat d'assurance1866.
Le système mis en place reste néanmoins largement perfectible. C'est ainsi que le FGAO n'intervient qu'au profit d'assurés personnes physiques, les personnes morales étant exclues de ce mécanisme. Par ailleurs, les sinistres doivent être déclarés et gérés par le liquidateur de la compagnie d'assurance défaillante, ce qui compliquera la tâche au regard de la domiciliation de celle-ci en dehors du sol français. Enfin et surtout, le FGAO ne prend en charge que les défaillances constatées au titre de l'assurance dommages-ouvrage. Celles relevant des assurances de responsabilité décennale des intervenants à la construction en sont donc exclues.

Vérifications opérées sur la police d'assurance

– Vérification de l'exactitude des déclarations. – L'obligation de vérification, fille du « devoir d'efficacité » édicté par la Cour de cassation1867 et imposé au notaire comme un accessoire de son intervention, s'applique bien évidemment en matière d'assurances construction obligatoires. Le notaire ne peut, en effet, se limiter aux seules déclarations du vendeur sur la souscription effective des assurances construction obligatoires1868, et doit obtenir des éléments de nature à attester ou confirmer cette souscription, si celle-ci est invoquée1869. L'obligation de vérification est désormais bien établie, notamment en matière d'assurances construction obligatoires1870. Cette vérification par le notaire des déclarations du vendeur doit s'opérer dans deux cas de figure. Il en va ainsi, d'une part, lorsque le notaire dispose d'éléments de nature à lui faire douter de la véracité des déclarations faites (ou documents transmis)1871 et, d'autre part, lorsque, par leur nature ou leur portée juridique, ces déclarations conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte1872. En matière d'assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification connaît de nombreuses applications.
– Principales applications de l'obligation de vérification en matière d'assurances construction obligatoires. Liste (non exhaustive). – L'obligation de vérification à la charge du notaire en matière de contrats d'assurance construction obligatoires s'applique, sans exhaustivité, aux démarches suivantes :
  • bien entendu, et à titre principal, à la vérification de l'existence ou de l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, ce qui va au-delà des seules déclarations du vendeur ;
  • à la vérification des principales conditions des contrats, lesquelles doivent être conformes aux exigences légales ;
  • à la vérification de la concordance entre l'objet garanti et celui réalisé (ou devant l'être) ;
  • à la vérification de la date de prise d'effet des contrats d'assurance ;
  • et à la vérification du paiement des primes d'assurance (prévisionnelles et définitives).
– Illustration. L'attestation d'assurance. – Nous avons rappelé l'importance que revêtent les attestations d'assurance pour justifier de la souscription des assurances construction obligatoires, ainsi que la forme qu'elles doivent respecter1873. La Cour de cassation semble apprécier de manière compréhensive l'obligation faite au notaire de vérifier l'attestation d'assurance remise en ne rendant pas cette vérification systématique1874, alors même qu'il ne fait aucun doute que l'assurance construction obligatoire est susceptible, à défaut de souscription, d'impacter l'efficacité de l'acte1875. La responsabilité du notaire ne serait, dès lors, engagée que dans l'hypothèse où les éléments transmis étaient de nature à éveiller chez lui des soupçons, rendant par conséquent nécessaires des vérifications complémentaires1876. Il semble néanmoins qu'il faille appliquer ces décisions avec prudence, en incitant le notaire à effectuer un contrôle minimal de cohérence de l'attestation transmise, tout spécialement si celle-ci lui est remise par le vendeur et non par la compagnie d'assurance.
– Illustration. Franchises et plafonds de garantie. – Les contrats d'assurance construction obligatoires sont soumis à une double contrainte : le respect de la loi et des clauses types fixées pour chacun des contrats1877. Peuvent s'y ajouter, bien évidemment, les contraintes conventionnellement prévues, dès lors que celles-ci ne vont pas à l'encontre de l'objectif de protection des bénéficiaires des assurances1878. Le notaire, par sa connaissance des textes applicables, est tenu de vérifier que les assurances souscrites répondent à ces exigences ou, à défaut, d'en informer les parties. C'est ainsi, tout d'abord, que la mise en place de franchise n'est valable qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, mais voit son effet limité aux cocontractants (assuré et assureur) puisque les franchises sont inopposables aux tiers lésés bénéficiaires de l'assurance1879. En revanche, aucune franchise n'est admise en matière d'assurances dommages-ouvrage1880, ces dernières devant garantir le paiement de l'intégralité des travaux de réparation1881. Des plafonds de garantie peuvent cependant être prévus, tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage, mais uniquement pour des constructions destinées à un usage autre que l'habitation1882 et dans les limites fixées par l'article R. 243-3 du Code des assurances1883. En revanche, aucune restriction ne peut être prévue en terme de durée de la garantie, celle-ci ne pouvant être inférieure à la durée de la garantie décennale1884.
– Illustration. Réduction proportionnelle de l'indemnité ou de nullité du contrat. – L'accompagnement du notaire ne se limite pas à la vérification de l'existence de souscription des assurances construction obligatoires. Le comportement du souscripteur de ces contrats est également à observer au titre des déclarations qu'il a pu effectuer auprès des assureurs et des informations transmises à ces derniers. Dès lors qu'il en dispose, notamment à travers la communication des polices d'assurance ou d'attestations d'assurance détaillées, le notaire se doit de vérifier que les éléments transmis aux assureurs ne sont pas de nature à tromper l'analyse que ces derniers ont pu faire du dossier au moment d'accepter le risque et de fixer le montant de la prime d'assurance. Une omission ou une fausse déclaration, dès lors qu'elle ne relève pas de la mauvaise foi du souscripteur, ne peut entraîner la nullité du contrat d'assurance1885. Elle peut néanmoins justifier une demande de paiement d'un supplément de prime ou même de résiliation du contrat, si elle est constatée avant tout sinistre1886, ou le versement d'une indemnité réduite à due proportion si elle l'est après la survenance d'un sinistre1887. La mauvaise foi éventuelle de l'assuré est quant à elle constitutive d'une fraude justifiant que le contrat soit annulé dès lors qu'elle a changé l'objet du risque ou diminué l'opinion que pouvait en avoir l'assureur1888, sans que ce dernier soit tenu de rembourser les primes payées ni ne perde le droit au paiement de celles échues1889.

Le rôle central du notaire au titre des assurances construction obligatoires

Au résultat du cumul de son obligation d'information et de son obligation de vérification ou de vigilance, le notaire est institué garant du respect de la loi par les parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires.