L'ingénierie notariale en matière d'assurance construction

L'ingénierie notariale au service du projet de l'entreprise

L'ingénierie notariale en matière d'assurance construction

Rapport du 118e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2022
– Le positionnement central du notaire. – Les mécanismes d'information mis en place au titre des assurances construction obligatoires reposent eux-mêmes sur un régime obligatoire et sanctionné. Le notaire y joue un rôle central, en ce que les informations ont vocation à transiter par lui au stade de la mutation de l'immeuble, mais également à être vérifiées par lui, sous peine d'engager se responsabilité. L'obligation générale de conseil à laquelle il est tenu se décline ainsi, à titre principal1808, en obligations d'information (A) et de vérification (B) sur l'existence ou l'absence de souscription des polices d'assurance, d'une part, et sur les caractéristiques de celles-ci, d'autre part. Le devoir de conseil auquel le notaire est tenu englobe ces obligations d'information et de vérification, mais les complète également en ce qu'il emporte le devoir d'informer les clients des moyens leur permettant de sécuriser plus encore leur situation. L'ingénierie notariale s'y déploie alors plus particulièrement (C). L'ensemble de ces interventions, qui font du notaire le garant privilégié de l'application et du respect des textes applicables en matière de protection des acquéreurs à travers les assurances construction obligatoires, sont sanctionnées par le biais d'une responsabilité qui engage le notaire à la mesure du non-respect des obligations auxquelles il est tenu (D).

L'obligation d'information

Information sur l'existence ou l'absence d'assurance

– L'information alternative à laquelle est tenu le notaire. – Lorsqu'il est saisi de la vente d'un bien immobilier ayant fait l'objet, il y a moins de dix ans, de travaux entrant dans le champ d'application des assurances construction obligatoires, le notaire doit répondre, à travers son acte, à une question simple : les assurances ont-elles été souscrites ou ne l'ont-elles pas été1809 ? Les dispositions de l'article L. 243-2 du Code des assurances lui imposent cette alternative1810 afin de répondre à l'objectif de sécurisation et de protection des investissements immobiliers1811. Le notaire assume à nouveau, à cet égard, une intervention de nature préventive1812 au moment de constater la vente des biens ayant fait l'objet de travaux soumis à l'obligation d'assurance. Au-delà des sanctions auxquelles les assujettis s'exposent en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires1813, et sans attendre la survenance d'un sinistre pour constater que celui-ci n'est pas couvert par ces assurances, faute de souscription, l'intervention du notaire permet de faire apparaître la difficulté éventuelle et ses conséquences pour les parties, tant le vendeur (qui engage sa responsabilité) que l'acquéreur (qui ne sera pas couvert par l'assurance, non souscrite, en cas de sinistre). Ainsi informé, et par crainte de perdre son acquéreur ou de devoir réduire son prix de vente1814, le vendeur sera ainsi incité à souscrire a posteriori une police d'assurance dommages-ouvrage1815.
– Périmètre de l'obligation d'information. – Jusqu'à la loi dite « loi Macron » du 6 août 20151816, l'obligation d'information de l'article L. 243-2 du Code des assurances ne s'appliquait qu'aux assurances dommages-ouvrage. Depuis lors, cette obligation a été étendue à l'assurance responsabilité civile décennale pour l'ensemble des intervenants. Bien que la ratio legis semble commander de limiter cette information obligatoire à la seule responsabilité civile décennale du vendeur (correspondant à la police constructeur non réalisateur [CNR])1817, la prudence semble être de mise en l'absence de précision des textes. Il nous paraît donc recommandé d'appliquer cette obligation d'information à l'ensemble des polices de responsabilité civile décennale en interrogeant le vendeur sur les entreprises intervenantes et leurs assurances respectives1818.

Les justificatifs de souscription des assurances

– La justification : un double impératif. – La nécessité de justifier de la souscription effective (ou de l'absence de souscription) répond à un double impératif qu'il n'est pas inutile de rappeler. Il s'agira tout d'abord de respecter les prescriptions légales, en ce que l'article imposant cette obligation d'information le prévoit expressément1819. Ensuite, les personnes tenues par cette obligation d'information, ainsi que le notaire chargé d'instrumenter, devront être en mesure de justifier que cette information a bien été transmise à l'acquéreur. Faute de pouvoir apporter cette justification, leur responsabilité respective ne manquera pas d'être engagée.
  • le Code des assurances1821 prévoit tout d'abord qu'au stade du contrat, l'information peut être transmise de deux manières différentes : soit par une mention dans l'acte, soit par une annexe à celui-ci1822. Àcet égard, s'il s'agit d'informer l'acquéreur de la non-souscription des assurances construction obligatoires, et bien que les annexes à l'acte forment un tout indissociable avec celui-ci, il semble préférable d'apporter cette information directement dans le corps de l'acte, le renvoi aux annexes ne servant finalement qu'à justifier les déclarations ainsi faites. Il apparaît d'ailleurs curieux d'imaginer que la non-souscription d'une assurance construction obligatoire puisse faire l'objet d'une mention en annexe de l'acte1823. En pratique donc : soit les assurances ont été souscrites, et les documents en justifiant seront annexés pour compléter les mentions apportées dans l'acte (il y aura un cumul de mentions et d'annexes), soit elles ne l'ont pas été, ce qui sera renseigné à travers des déclarations de l'acte ;
  • s'agissant des documents venant compléter ou justifier les déclarations ainsi faites, plusieurs questions se sont posées, dont certaines ne sont pas réglées à ce jour : – Quels sont les documents justificatifs considérés comme recevables ? Se pose ici la question de la différence entre les « attestations d'assurance » et les « notes de couverture »1824. Une différence de fonds ou de temporalité permet de distinguer l'une de l'autre. C'est ainsi que la note de couverture est émise pour constater la garantie avant la souscription définitive de la police d'assurance. Bien souvent, les compagnies d'assurance les délivrent afin de répondre au souhait de leurs clients de disposer immédiatement d'une garantie, alors même que l'assureur a encore besoin de temps pour étudier le risque et déterminer la prime d'assurance correspondante. Pour toutes ces raisons, les notes de couverture sont la plupart du temps des avant-contrats autonomes par rapport au contrat définitif1825, et sont émises pour une durée limitée, bien inférieure à la durée ferme nécessaire pour couvrir la responsabilité décennale. Au contraire, l'attestation d'assurance est délivrée après qu'a été mise en place la police d'assurance concernée, afin qu'il puisse en justifier. Sur la base d'une attestation d'assurance, les clauses types des polices concernées s'appliqueront1826 ainsi que la durée de couverture correspondant à la durée de la responsabilité décennale des constructeurs ou assimilés1827. En conclusion, le notaire chargé de délivrer l'information sur la souscription ou la non-souscription des assurances construction obligatoires ne peut le faire qu'en se basant sur de véritables attestations d'assurance et non sur de simples notes de couverture1828. – Les attestations répondent-elles à un formalisme strict ? C'est ici une curiosité qui ne s'explique pas. L'objectif de sécurité juridique a conduit le législateur1829 à imposer un formalisme particulier aux attestations d'assurance, lesquelles doivent comprendre des mentions minimales1830. Ce formalisme ne s'impose néanmoins qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, ce qui exclut les assurances dommages-ouvrage ! Une modification de l'article L. 243-2 du Code des assurances tendant à appliquer aux alinéas 1 (obligation d'information) et 2 (obligation de transmettre des attestations normées) serait de nature à permettre d'accroître la sécurité juridique, tant des personnes tenues de délivrer cette information (assujettis et notaire) que des personnes devant bénéficier de celle-ci.
– La formalisation de la délivrance de l'information. – La justification de la transmission de l'information amène à s'interroger sur sa nécessaire formalisation1820 :

Attestation d'assurance ou note de couverture ?

La note de couverture, établie avant la souscription du contrat et bien souvent pour une durée très limitée, ne permet pas de justifier efficacement de la souscription des assurances construction obligatoires. Le notaire est tenu de se baser sur de véritables attestations d'assurance.

De l’importance des renseignements transmis pour la validité des déclarations de sinistre

La précision et la complétude des informations transmises au stade du contrat dépassent la simple obligation d'information. Elles impactent aussi la validité des déclarations de sinistres pouvant être faites ultérieurement.
Les assujettis aux assurances construction obligatoires sont donc tenus d'une obligation d'information, qui s'exerce tout particulièrement au moment de la signature d'un acte1831. La précision des renseignements transmis, que ce soit au travers des déclarations figurant dans les actes ou dans les attestations d'assurance remises, peut également impacter le fonctionnement même de cette police au moment où son bénéficiaire devra déclarer un sinistre. C'est ainsi que, pour être valable, la déclaration de sinistre doit comporter des renseignements obligatoires, au rang desquels nous retrouvons le numéro du contrat (et de ses avenants éventuels) et la date de réception des travaux1832. Dans l'hypothèse où ces renseignements ne sont pas en la possession du bénéficiaire des contrats, le manquement ainsi constaté à l'obligation d'information engagera d'autant plus la responsabilité de ceux qui en sont débiteurs qu'il est susceptible d'entraîner l'impossibilité de mettre en œuvre la police d'assurance elle-même à l'occasion de sinistres.

Information sur les sanctions attachées à l'absence d'assurance

– Sanctions civiles. Personnes responsables. – Le défaut de souscription des assurances construction obligatoires est tout d'abord susceptible d'engager la responsabilité d'un grand nombre d'intervenants à l'opération. Les assujettis, vendeur ou constructeur, sont bien entendu susceptibles d'être recherchés. Le notaire également, tenu d'une obligation d'information1833 qui se double d'une obligation de vérification, peut être recherché si l'une ou l'autre n'est pas respectée1834. Au-delà, l'architecte1835, l'agent immobilier1836, le syndic1837, le dirigeant d'une société de construction1838 ainsi que l'administrateur judiciaire1839 peuvent voir leur responsabilité civile engagée en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires. Si l'absence de souscription des assurances construction obligatoires fait ainsi l'objet de sanctions civiles, certaines ont néanmoins été écartées par les magistrats.
– Sanctions civiles. Pas de lien entre défaillance du maître de l'ouvrage et responsabilité des constructeurs. – Par ailleurs, il convient de préciser que l'omission de l'un (le maître de l'ouvrage ne souscrivant pas l'assurance dommages-ouvrage) n'exonère pas l'autre (le constructeur ne souscrivant pas l'assurance de responsabilité obligatoire)1840. De ce fait, le maître de l'ouvrage pourra engager les responsabilités légale et contractuelle1841 des constructeurs défaillants dans la souscription de leur assurance obligatoire afin de se faire rembourser le coût correspondant à la souscription, en leur lieu et place, de ces mêmes assurances1842.
– Sanctions civiles. Nullité de la vente pour défaut de souscription ? Impossibilité de vendre ? – La question s'est posée de savoir si le défaut de souscription de l'assurance construction obligatoire, et plus particulièrement de l'assurance dommages-ouvrage, pouvait rejaillir sur la vente et emporter sa nullité pour cause d'erreur substantielle. Si l'argument a été utilisé, la Cour de cassation a clairement énoncé1843 qu'en l'absence de dispositions contractuelles contraires1844, l'existence d'une assurance obligatoire ne pouvait être considérée comme un élément substantiel de la vente1845. De la même manière, la question s'est posée de la possibilité pour un notaire de recevoir un acte de vente, notamment en l'état futur d'achèvement, sans que la souscription des assurances construction obligatoires n'ait été justifiée de manière efficace1846. Sanctionnant la cour d'appel de Paris1847, la première chambre civile de la Cour de cassation est venue confirmer que « la validité des actes ayant pour objet de transférer la propriété ou la jouissance d'un bien objet des assurances visées aux articles L. 241-1 à L. 242-1 du Code des assurances n'est pas subordonnée à la souscription de ces assurances »1848. Bien que les assurances n'aient pas été souscrites, le notaire ne semble pas empêché de recevoir l'acte de vente. Il apparaît néanmoins que l'obligation de conseil à laquelle il est tenu, justifiant les précautions prises par la profession1849, doit l'inciter à la plus grande prudence, en particulier dans le cadre d'opérations de promotion.
– Sanctions pénales. Principe. – La non-souscription des assurances construction obligatoires est constitutive d'un délit pénal puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75 000 €, ou de l'une de ces deux peines seulement1850. Seule l'hypothèse de construction par une personne physique d'un logement pour son occupation personnelle ou celle de son conjoint, de ses ascendants, de ses descendants ou ceux de son conjoint permet d'éviter cette sanction1851.

Un rôle actif du notaire source de responsabilité

– Une obligation d'information sanctionnée. – Le non-respect par le notaire de l'obligation d'information qui lui est imposée aux termes de l'article L. 243-2 du Code des assurances est susceptible d'engager sa responsabilité. Qu'il s'agisse de renseigner efficacement l'acquéreur sur l'existence des assurances souscrites ou, au contraire, sur leur absence1852, l'intervention du notaire impactera directement sur la protection de l'acquéreur en cas de survenance de sinistre de nature décennale. Confronté au défaut d'assurance sans en avoir été informé lors de la vente par le notaire, l'acquéreur ne manquera pas d'engager la responsabilité du notaire qui pourra alors être tenu, in solidum avec le vendeur indélicat, de prendre en charge le coût des travaux de reprise rendus nécessaires1853. Plus récemment1854, la Cour de cassation semble avoir limité cette sanction à la perte de chance, sans que la fermeté de cette prise de position ni son périmètre exact1855 ne soient aujourd'hui assurés.

L’importance de la notification de transfert de propriété à l’assureur

Au-delà de l'information délivrée au titre de la souscription des assurances construction, le notaire est également tenu de notifier le transfert de propriété aux assureurs.
La notification de la vente par le notaire aux assureurs répond à un double objectif.
Le premier est spécifique à la vente dans laquelle le prix est payé au moyen d'un prêt1856. Au regard des droits accordés aux créanciers privilégiés ou hypothécaires sur les indemnités d'assurance en cas de sinistre1857, et afin d'éviter que la compagnie d'assurance ne règle de bonne foi ces indemnités à l'acquéreur-emprunteur sans tenir compte desdits créanciers, le notaire procède à une notification aux assureurs sous forme d'opposition sur les indemnités à percevoir1858.
Par ailleurs, et contrairement au droit commun des assurances de chose, l'aliénation de l'immeuble couvert par une assurance dommages-ouvrage ne permet pas à la compagnie d'assurance de résilier le contrat1859. Pour autant, ce transfert de propriété n'est pas sans impact sur le fonctionnement de cette police d'assurance. La notification de cette aliénation conditionne ainsi la libération du vendeur au titre du paiement des primes à échoir. Trois étapes successives doivent ainsi être distinguées :
  • au jour de l'aliénation : le vendeur restera tenu des primes échues à cette date, l'acquéreur devenant redevable des primes à échoir1860 ;
  • entre la signature de la vente et la réception de la notification informant l'assureur de celle-ci : le vendeur restera garant du paiement par l'acquéreur des primes à échoir, et ce jusqu'à la réception de la notification de la vente à l'assureur. Àcet égard, le vendeur disposera d'un recours contre l'acquéreur dans l'hypothèse où il serait appelé à régler des primes d'assurance non échues au jour de la vente1861 ;
  • à compter de la réception de la notification informant l'assureur de la signature de la vente : le vendeur est définitivement libéré du paiement, même en tant que garant, des primes d'assurance non échues au jour de la vente.

L'obligation de vérification

– Plan. – Le respect de son obligation d'information ne suffit pas, le notaire est également et classiquement tenu d'assumer un rôle actif en vérifiant les informations transmises. Appliquée aux assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification s'opère sur l'assureur lui-même (I) et sur la police d'assurance (II).

Vérifications opérées sur l'assureur lui-même

– Agrément de la compagnie d'assurance. – L'activité exercée par les compagnies d'assurance, que celles-ci consentent des assurances construction ou d'autres types de produits, est par essence une activité sensible. Les conséquences attachées à la défaillance de ces compagnies d'assurance sont dramatiques pour les personnes qui étaient susceptibles d'en bénéficier. C'est pourquoi un contrôle strict est exercé sur ces compagnies d'assurance. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance dommages-ouvrage, le Code des assurances renvoie expressément à cette exigence d'habilitation1862. Le notaire est appelé à vérifier que les compagnies d'assurance ayant délivré les assurances construction étaient bien agréées pour ce faire1863.
– Les outils permettant de vérifier l'agrément de l'assureur. – Afin de vérifier que la compagnie d'assurance dispose bien de l'autorisation d'exercer en France et de délivrer des assurances construction, le notaire dispose des outils mis en place par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et du registre des organismes d'assurance disponible sur le site www.refassu.fr.
Pour les établissements enregistrés dans d'autres pays européens qui exercent en France par le biais d'une succursale ou de libre prestation de services, l'ACPR conseille vivement de consulter le registre tenu par l'autorité du pays d'origine. L'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a quant à elle mis à disposition un registre européen alimenté par les informations transmises par chaque autorité de contrôle nationale (Register of Insurance Undertakings) :
Enfin, et par suite du Brexit, une liste des établissements du secteur assurance ne disposant plus du droit d'offrir leurs services en France est également mise à jour et accessible sur le site de l'ACPR :

Les difficultés inhérentes à la faillite de compagnies d’assurance étrangères

La multiplication des faillites de compagnies d'assurance étrangères ayant délivré en France des assurances construction obligatoires et exerçant sur la base de la libre prestation de services est à l'origine d'importantes difficultés pour les bénéficiaires de ces contrats.
La libre prestation de services (LPS) a ouvert la possibilité à un assureur d'exercer dans tous les États membres de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, avec un agrément unique et une surveillance prudentielle exclusive par le régulateur du pays d'origine de l'assureur.
De nombreuses compagnies non domiciliées en France sont venues offrir leurs garanties en matière d'assurance construction obligatoire sur la base de la LPS, avec un développement à la mesure du décalage pouvant exister entre les prix offerts par celles-ci et ceux existant alors sur le marché.
Une mauvaise connaissance de ce marché et de la réglementation applicable a entraîné de nombreuses faillites et pertes d'agrément de ces compagnies d'assurance, aboutissant à leur liquidation, et laissant sans recours les bénéficiaires de ces contrats.
Une ordonnance du 27 novembre 20171864 a prévu que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prenne en charge les dommages dus par l'assureur défaillant au titre des assurances dommages-ouvrage, comme il le fait au titre des accidents de la circulation. Cette ordonnance a été modifiée par la loi de finances pour 20221865, afin que le champ d'action du FGAO ne soit plus limité aux seuls contrats conclus après son entrée en vigueur le 1er juillet 2018. Ainsi, il peut dorénavant intervenir pour les contrats d'assurance dommages-ouvrage conclus à compter du 1er juillet 2018 ou en cours à cette date, dès lors que les désordres sont survenus avant la fin de validité du contrat d'assurance1866.
Le système mis en place reste néanmoins largement perfectible. C'est ainsi que le FGAO n'intervient qu'au profit d'assurés personnes physiques, les personnes morales étant exclues de ce mécanisme. Par ailleurs, les sinistres doivent être déclarés et gérés par le liquidateur de la compagnie d'assurance défaillante, ce qui compliquera la tâche au regard de la domiciliation de celle-ci en dehors du sol français. Enfin et surtout, le FGAO ne prend en charge que les défaillances constatées au titre de l'assurance dommages-ouvrage. Celles relevant des assurances de responsabilité décennale des intervenants à la construction en sont donc exclues.

Vérifications opérées sur la police d'assurance

– Vérification de l'exactitude des déclarations. – L'obligation de vérification, fille du « devoir d'efficacité » édicté par la Cour de cassation1867 et imposé au notaire comme un accessoire de son intervention, s'applique bien évidemment en matière d'assurances construction obligatoires. Le notaire ne peut, en effet, se limiter aux seules déclarations du vendeur sur la souscription effective des assurances construction obligatoires1868, et doit obtenir des éléments de nature à attester ou confirmer cette souscription, si celle-ci est invoquée1869. L'obligation de vérification est désormais bien établie, notamment en matière d'assurances construction obligatoires1870. Cette vérification par le notaire des déclarations du vendeur doit s'opérer dans deux cas de figure. Il en va ainsi, d'une part, lorsque le notaire dispose d'éléments de nature à lui faire douter de la véracité des déclarations faites (ou documents transmis)1871 et, d'autre part, lorsque, par leur nature ou leur portée juridique, ces déclarations conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte1872. En matière d'assurances construction obligatoires, cette obligation de vérification connaît de nombreuses applications.
– Principales applications de l'obligation de vérification en matière d'assurances construction obligatoires. Liste (non exhaustive). – L'obligation de vérification à la charge du notaire en matière de contrats d'assurance construction obligatoires s'applique, sans exhaustivité, aux démarches suivantes :
  • bien entendu, et à titre principal, à la vérification de l'existence ou de l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, ce qui va au-delà des seules déclarations du vendeur ;
  • à la vérification des principales conditions des contrats, lesquelles doivent être conformes aux exigences légales ;
  • à la vérification de la concordance entre l'objet garanti et celui réalisé (ou devant l'être) ;
  • à la vérification de la date de prise d'effet des contrats d'assurance ;
  • et à la vérification du paiement des primes d'assurance (prévisionnelles et définitives).
– Illustration. L'attestation d'assurance. – Nous avons rappelé l'importance que revêtent les attestations d'assurance pour justifier de la souscription des assurances construction obligatoires, ainsi que la forme qu'elles doivent respecter1873. La Cour de cassation semble apprécier de manière compréhensive l'obligation faite au notaire de vérifier l'attestation d'assurance remise en ne rendant pas cette vérification systématique1874, alors même qu'il ne fait aucun doute que l'assurance construction obligatoire est susceptible, à défaut de souscription, d'impacter l'efficacité de l'acte1875. La responsabilité du notaire ne serait, dès lors, engagée que dans l'hypothèse où les éléments transmis étaient de nature à éveiller chez lui des soupçons, rendant par conséquent nécessaires des vérifications complémentaires1876. Il semble néanmoins qu'il faille appliquer ces décisions avec prudence, en incitant le notaire à effectuer un contrôle minimal de cohérence de l'attestation transmise, tout spécialement si celle-ci lui est remise par le vendeur et non par la compagnie d'assurance.
– Illustration. Franchises et plafonds de garantie. – Les contrats d'assurance construction obligatoires sont soumis à une double contrainte : le respect de la loi et des clauses types fixées pour chacun des contrats1877. Peuvent s'y ajouter, bien évidemment, les contraintes conventionnellement prévues, dès lors que celles-ci ne vont pas à l'encontre de l'objectif de protection des bénéficiaires des assurances1878. Le notaire, par sa connaissance des textes applicables, est tenu de vérifier que les assurances souscrites répondent à ces exigences ou, à défaut, d'en informer les parties. C'est ainsi, tout d'abord, que la mise en place de franchise n'est valable qu'en matière d'assurance de responsabilité décennale, mais voit son effet limité aux cocontractants (assuré et assureur) puisque les franchises sont inopposables aux tiers lésés bénéficiaires de l'assurance1879. En revanche, aucune franchise n'est admise en matière d'assurances dommages-ouvrage1880, ces dernières devant garantir le paiement de l'intégralité des travaux de réparation1881. Des plafonds de garantie peuvent cependant être prévus, tant en matière d'assurance de responsabilité décennale qu'en matière d'assurance dommages-ouvrage, mais uniquement pour des constructions destinées à un usage autre que l'habitation1882 et dans les limites fixées par l'article R. 243-3 du Code des assurances1883. En revanche, aucune restriction ne peut être prévue en terme de durée de la garantie, celle-ci ne pouvant être inférieure à la durée de la garantie décennale1884.
– Illustration. Réduction proportionnelle de l'indemnité ou de nullité du contrat. – L'accompagnement du notaire ne se limite pas à la vérification de l'existence de souscription des assurances construction obligatoires. Le comportement du souscripteur de ces contrats est également à observer au titre des déclarations qu'il a pu effectuer auprès des assureurs et des informations transmises à ces derniers. Dès lors qu'il en dispose, notamment à travers la communication des polices d'assurance ou d'attestations d'assurance détaillées, le notaire se doit de vérifier que les éléments transmis aux assureurs ne sont pas de nature à tromper l'analyse que ces derniers ont pu faire du dossier au moment d'accepter le risque et de fixer le montant de la prime d'assurance. Une omission ou une fausse déclaration, dès lors qu'elle ne relève pas de la mauvaise foi du souscripteur, ne peut entraîner la nullité du contrat d'assurance1885. Elle peut néanmoins justifier une demande de paiement d'un supplément de prime ou même de résiliation du contrat, si elle est constatée avant tout sinistre1886, ou le versement d'une indemnité réduite à due proportion si elle l'est après la survenance d'un sinistre1887. La mauvaise foi éventuelle de l'assuré est quant à elle constitutive d'une fraude justifiant que le contrat soit annulé dès lors qu'elle a changé l'objet du risque ou diminué l'opinion que pouvait en avoir l'assureur1888, sans que ce dernier soit tenu de rembourser les primes payées ni ne perde le droit au paiement de celles échues1889.

Le rôle central du notaire au titre des assurances construction obligatoires

Au résultat du cumul de son obligation d'information et de son obligation de vérification ou de vigilance, le notaire est institué garant du respect de la loi par les parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires.

L'obligation de conseil

– Une autre manifestation du devoir de conseil. – Le devoir de conseil du notaire apparaît de plus en plus comme le réceptacle de bon nombre d'obligations attachées à l'intervention de cet officier ministériel. C'est ainsi que la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit, ainsi que l'adéquation avec les objectifs poursuivis par les parties, justifient que soit engagée sa responsabilité en cas de manquement au titre du devoir de conseil du notaire1890. « Le respect de la loi n'exclut pas la pédagogie »1891. Le principe énoncé est marqué du sceau de l'évidence, mais il rappelle utilement que le notaire, tenu à un devoir de conseil à l'égard de ses clients, ne doit pas se contenter de respecter les obligations d'information prescrites par le Code des assurances en matière d'assurance construction ainsi que les obligations de vérification déjà rappelées. Il peut et doit même aller au-delà1892. Il est vrai que la Cour de cassation a confirmé que, dès lors que le notaire avait satisfait à son obligation d'information en mentionnant dans l'acte l'absence d'assurance dommages-ouvrage, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir attiré l'attention des parties sur les conséquences résultant de cette absence d'assurance1893. Cette décision paraît surprenante1894. Il a d'ailleurs été précisé ultérieurement que le notaire était tenu « d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, (…) ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller »1895. Appliqué à l'absence de souscription d'une assurance construction obligatoire constatée au moment d'une vente, ce principe semble commander d'informer l'acquéreur des risques encourus par lui du fait qu'il ne pourra pas invoquer le bénéfice du mécanisme protecteur renvoyant aux assurances (de dommages-ouvrage puis de responsabilité) la prise en charge des dommages. Cela peut l'amener à déconseiller de réaliser l'opération1896 ou, de manière plus constructive, à proposer aux parties des solutions permettant de se prémunir du risque1897. L'obligation d'information s'étend également à l'information devant être délivrée au vendeur qui, après réalisation de travaux de construction portant sur un ouvrage, décide de vendre celui-ci et devient par la même occasion responsable comme le serait un constructeur au titre de la garantie décennale. La vente vient, d'une certaine façon, provoquer une situation nouvelle à travers laquelle le vendeur se trouve tenu de la garantie décennale, mais également, par construction, de l'obligation de justifier de la souscription d'une assurance de responsabilité décennale1898.
– Au-delà de l'information et de la vérification : la proposition de solutions. – C'est ainsi l'ingénierie du notaire qui a vocation à se déployer au moment de trouver et de proposer des solutions en matière d'assurance construction. Ce rôle actif n'est finalement qu'une émanation supplémentaire de son devoir de conseil. Il doit l'amener, entre autres, et en fonction des circonstances, à combler la lacune résultant d'une absence de souscription des assurances construction obligatoires (I) et à rechercher à compléter les mécanismes d'assurances obligatoires à travers la souscription d'assurances complémentaires (II).

Sur la souscription a posteriori des assurances construction obligatoires

– Positionnement du problème. – Nous l'avons rappelé, la souscription des assurances construction dommages-ouvrage et responsabilité décennale n'est pas une option pour les personnes assujetties. Cette souscription est une obligation dont le non-respect est lourdement sanctionné. Son absence peut avoir des conséquences importantes pour le détenteur de l'immeuble ayant fait l'objet des travaux. Au stade de la revente de biens ayant fait l'objet de travaux soumis à cette obligation d'assurance dans les dix ans suivant leur achèvement, le défaut d'assurance doit conduire le notaire à conseiller au vendeur de souscrire l'assurance dommages-ouvrage, même si les travaux ont déjà commencé, et surtout – cas le plus fréquent – s'ils sont déjà achevés. Les articles L. 241-1 et L. 242-1 du Code des assurances font obligation de souscrire les assurances construction obligatoires avant l'ouverture de chantier. C'est en raison de cette obligation que les compagnies d'assurance1899 ont pendant longtemps refusé la souscription des polices d'assurance construction alors même que le chantier avait démarré, voire même alors que les constructions étaient achevées. Une décision du Conseil d'État du 19 janvier 1998 est venue valider la possibilité de souscrire ces polices d'assurance a posteriori, « dès lors que le seul fait de l'engagement de travaux ne rend pas certaine la survenance d'un dommage, ni impossible l'évaluation de l'aléa »1900.
– Modalités de souscription après le démarrage des travaux (voire après leur achèvement). – Le maître de l'ouvrage peut apparaître soudain désireux de se conformer à la loi. Le plus souvent, il s'agira simplement de bénéficier (en l'absence de vente) ou de faire bénéficier des garanties inhérentes aux assurances construction obligatoires, alors même que la réalisation des travaux de construction soumis à l'assurance obligatoire a commencé ou s'est achevée. Les compagnies d'assurance ne peuvent plus, en principe, refuser d'accorder ces couvertures en arguant du non-respect du principe de souscription préalablement au commencement des travaux1901. Si une difficulté ou opposition devait néanmoins survenir, la saisine du Bureau central de tarification sera alors possible, qui permettra de fixer les conditions, notamment financières, de l'assurance demandée. Sa décision s'imposera aux assureurs, sous peine de perte de leur agrément1902.

Sur l'intérêt de souscrire des assurances facultatives

– Un intérêt découlant du champ d'application des assurances construction obligatoires. – En tant que complément des assurances construction obligatoires, les assurances construction qualifiées, par opposition, de « facultatives », permettent de garantir à la fois les maîtres d'ouvrage et les constructeurs au titre d'événements non couverts de manière obligatoire. Il s'agira, schématiquement et ainsi que nous l'avons déjà rappelé, soit d'anticiper sur la réception, soit d'étendre la garantie aux dommages ne relevant pas de la responsabilité des constructeurs. En effet, dans l'un et l'autre cas, les assurances construction obligatoires ne joueront pas. Le notaire pourra utilement conseiller ses clients, constructeur-vendeur ou acquéreur, afin que ces derniers s'assurent de pouvoir bénéficier de garanties aussi complètes que possible.
  • Avant la réception : rien n'empêche tout d'abord que soit souscrite immédiatement une assurance « multirisque » dès l'ouverture du chantier, et bien que la réception ne soit pas intervenue. Elle pourra ainsi couvrir les risques d'incendie, de dégâts des eaux ou d'explosion. La garantie spécifique à l'effondrement en cours de chantier peut également être comprise, à titre d'extension de la police d'assurance décennale des constructeurs, voire plus couramment une assurance dite « Tous risques chantier » (TRC). Cette dernière, basée sur le principe d'un périmètre défini sur la base d'exclusions limitativement fixées (formule « tout sauf ») expirera, par principe, au jour de la réception, et couvrira des hypothèses plus larges que la seule assurance « multirisque » (effondrement, chute d'engins, etc.). Les dommages immatériels consécutifs 1906 étant exclus de la garantie obligatoire de responsabilité décennale1907, ils ne sont donc pas couverts par l'assurance construction obligatoire. Une garantie complémentaire facultative pourrait dès lors utilement compléter la protection du maître d'ouvrage1908.
  • Après la réception : les dommages dits « intermédiaires », constatés après la réception sans manifester les critères de gravité nécessaires pour engager la responsabilité décennale des constructeurs1909, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun de ces derniers1910. Ils ne sont pas couverts par les assurances construction obligatoires1911. La souscription d'une assurance complémentaire paraît donc indispensable1912 pour venir garantir l'acquéreur dans l'hypothèse où la responsabilité du constructeur serait reconnue au titre de ces dommages intermédiaires. Il pourrait même être envisagé que soit souscrite une assurance complémentaire venant garantir la levée des désordres soulevés au titre de la garantie de parfait achèvement à laquelle est tenu l'entrepreneur1913 sans qu'aucune assurance ne soit légalement prévue1914.
– Présentation de quelques assurances facultatives. – Les assurances facultatives peuvent être distinguées en tenant compte d'un critère formel et fonctionnel (assurances de choses ou de responsabilité)1904 ou temporel (avant ou après la réception)1905. Nous retiendrons ce dernier critère de distinction.

L'importance de conseiller la réalisation d'un audit de fin de garantie décennale

L'arrivée de l'échéance de la garantie décennale, et donc de la couverture correspondante des assurances construction obligatoires, doit inciter à prémunir les bénéficiaires de ces garanties au titre de tout sinistre pouvant se révéler mais n'ayant pas encore été déclaré. C'est ici tout l'enjeu de l'audit de fin de garantie, proposé par de nombreux bureaux d'étude ou cabinets spécialisés. En vertu de son devoir de conseil, le notaire doit ainsi recommander à ses clients la réalisation d'un tel audit afin de leur permettre de préserver leurs droits au titre de ces garanties et assurances.

La prescription des actions fondées sur un contrat unique d’assurances responsabilité décennale et dommages-ouvrage

En présence d'un contrat unique, quelles sont les incidences d'un décalage dans la mise en œuvre des assurances dommages-ouvrage, en premier lieu, et responsabilité décennale, en second lieu ?
Le principe de mise en œuvre des assurances construction obligatoires à travers un séquençage en « double détente » amène, mécaniquement, à ce que soit activée l'assurance de préfinancement (l'assurance dommages-ouvrage) avant l'assurance de responsabilité (assurance de responsabilité décennale). Interrogé par ses clients dans la mise en œuvre de ces couvertures assurantielles, le notaire sera tenu de les conseiller en veillant à ce que les délais de prescription de chacune des actions ne soient pas prescrits. La situation s'avère plus compliquée lorsque l'une et l'autre de ces assurances sont incluses dans un contrat unique faisant l'objet d'un même référencement auprès de la même compagnie d'assurance à travers un même numéro de police. La Cour de cassation est venue préciser que cette situation, source de confusion en pratique, ne justifiait pas que le délai de prescription de l'action à l'encontre de l'assureur de responsabilité soit interrompu du fait de la saisine de l'assureur de dommages-ouvrage, pourtant relevant de la même compagnie et du même contrat1915. La vigilance du notaire sera ici primordiale pour éviter au bénéficiaire de ces assurances construction obligatoires de perdre le bénéfice de l'une (responsabilité décennale) en ne faisant qu'actionner l'autre (dommages-ouvrage).

La responsabilité du notaire en matière d'assurance construction

– Àl'origine d'un cumul d'obligations… – Au titre des assurances construction obligatoires, le notaire s'avère donc être le débiteur d'obligations au titre de l'information des parties et du contrôle de l'efficacité de son acte à travers les vérifications devant être opérées. Son devoir de conseil doit également s'exercer et justifie qu'il déploie, en ce domaine également, toute son ingénierie juridique.
– … une « responsabilité intégrale » du notaire… – La défaillance du notaire dans la mise en œuvre de l'une quelconque des obligations susvisées en matière d'assurance construction1916 est susceptible d'engager sa responsabilité. Il ne s'agit pas d'un risque théorique dont il convient de se prémunir1917, car les magistrats et la Cour de cassation en particulier ont d'ores et déjà eu l'occasion d'engager la responsabilité du notaire à plusieurs reprises au titre de ces obligations1918. Les dommages et intérêts qui lui seront alors bien souvent réclamés, et au paiement desquels il pourra être amené à être condamné, se sont tout d'abord élevés au montant total des travaux de reprise nécessaires eu égard au sinistre déclaré1919, et que la garantie avait vocation à couvrir1920, dès lors bien entendu que les dommages dont la réparation est demandée sont de nature à être couverts par l'assurance construction obligatoire1921. L'étendue de cette responsabilité est apparue discutable, le véritable préjudice devant être apprécié à hauteur de la perte de chance d'obtenir plus rapidement l'indemnisation au titre du dommage1922. Àtravers cette position, la Cour de cassation semble dès lors considérer que le principe de réparation intégrale applicable à la réparation du dommage de nature décennale par l'assurance dommages-ouvrage1923 vient s'étendre à la responsabilité du notaire n'ayant pas respecté les obligations qui sont les siennes en la matière. La rigueur de la sanction a par la suite été atténuée.
– … qui semble désormais se limiter à l'indemnisation d'une perte de chance ? – La rigueur de la jurisprudence de la Cour de cassation dans l'étendue de la responsabilité du notaire ne respectant pas les obligations qui sont les siennes en matière d'assurances construction obligatoires semble s'être atténuée. C'est ainsi que la première chambre civile de la Cour de cassation a admis que la responsabilité du notaire avait vocation à réparer un préjudice né d'une « perte de chance », et qu'il ne pouvait être alloué « une indemnité égale au bénéfice que le demandeur aurait retiré de la réalisation de l'événement escompté »1924. Cette position a par la suite été partagée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation1925. Cet alignement des première et troisième chambres civiles de la Cour de cassation ne doit pas occulter une nuance dans l'objet même de la perte de chance retenue, celle-ci correspondant, pour la troisième chambre civile, à la perte de chance d'être indemnisé du sinistre à raison de la non-souscription de l'assurance construction obligatoire, tandis qu'elle consiste, pour la première chambre civile, dans la possibilité pour l'acquéreur de tenir compte de cette non-souscription par une négociation pouvant entraîner une réduction du prix, s'il avait été correctement informé de cette situation1926. Tout récemment, la troisième chambre civile a confirmé son analyse en retenant que le notaire ayant manqué à ses devoirs d'information et de conseil doit être condamné, in solidum, avec les vendeurs, à réparer le préjudice subi par les acquéreurs à hauteur de 50 %1927.

Précautions rédactionnelles en cas de non-souscription des assurances construction obligatoires

En l'absence de souscription des assurances construction obligatoires, le notaire ne semble pas en mesure de refuser d'instrumenter l'acte. Le non-respect des obligations légales de souscription engage la responsabilité des personnes assujetties à ces obligations, mais pas celle du notaire.
En revanche, le notaire est spécifiquement tenu d'une obligation légale d'information des parties et, d'une manière générale, son devoir de conseil lui impose d'alerter les parties sur les conséquences attachées à un éventuel défaut de souscription des assurances construction obligatoires.
Le notaire qui informe efficacement les parties ne peut engager sa responsabilité, dès lors qu'il est en mesure de prouver que cette information a bien été délivrée. Il convient donc de renseigner l'acte avec précision en y rappelant :
  • les obligations légales des parties en matière de souscription d'assurances construction obligatoires ;
  • l'existence ou non d'assurances construction valablement souscrites ;
  • le cas échéant, les conséquences pour les parties attachées à l'absence de souscription.
C'est à ces conditions que le notaire sera considéré comme ayant respecté ses obligations et qu'il sera donc en mesure d'échapper à sa responsabilité1928.
– Subsidiarité de la responsabilité du notaire. Incertitudes. – Au-delà de l'étendue de la responsabilité du notaire, s'est posée la question des liens de dépendance ou de subsidiarité qui pourraient lier celle-ci avec les personnes à l'origine du dommage ou également responsables de celui-ci, dont les constructeurs ou assimilés. La première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un premier temps, précisé que la responsabilité du notaire n'était en rien subsidiaire en ce qu'elle n'était pas subordonnée à l'impossibilité d'obtenir la réparation des coresponsables1929, conduisant certains commentateurs à assimiler le notaire à un constructeur sur le plan de la responsabilité1930. La troisième chambre civile de la Cour de cassation1931, rejointe par la première chambre civile1932, a ensuite considéré que la responsabilité du notaire était bel et bien subsidiaire par rapport à celle des constructeurs. Finalement, et à notre connaissance en dernier lieu, le défaut de subsidiarité a été à nouveau retenu par la première chambre civile de la Cour de cassation1933. « La responsabilité civile n'étant pas subsidiaire, celle des professionnels du droit ne l'est pas non plus »1934, de sorte que « la mise en jeu de la responsabilité d'un notaire, dont la faute n'est pas contestée, n'est pas subordonnée à une poursuite préalable contre un autre débiteur »1935.

Quelle responsabilité pour le notaire en matière d'assurance construction obligatoire ?

En cas de non-respect par lui des obligations lui incombant en matière d'assurance construction obligatoire (information, vérification ou conseil), le notaire peut voir sa responsabilité engagée au titre de l'indemnisation d'une perte de chance.
Cette responsabilité civile n'est pas subsidiaire, de sorte qu'elle n'est pas subordonnée à la poursuite préalable des responsables des dommages constatés, à savoir les constructeurs ou assimilés.