La protection du conjoint survivant du disposant

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La protection du conjoint survivant du disposant

Rapport du 118e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2022
– L'art et la manière de rédiger la donation entre époux de biens à venir. – Afin de protéger le conjoint survivant au travers d'une donation entre époux de biens à venir adaptée à la situation de chaque couple, il conviendra de répondre à deux interrogations : l'une porte sur le fond (I) et l'autre sur la forme (II).

Sur le fond : libre choix de la quotité au conjoint ou quotité imposée ?

Libre choix de la quotité au conjoint

– Donation entre époux alternative de quotités. – La donation entre époux alternative de quotités oblige le conjoint survivant à opter entre l'une des trois branches prévues à l'article 1094-1 du Code civil, savoir :
  • à hauteur de la quotité disponible ordinaire en pleine propriété ;
  • à hauteur d'un quart en pleine propriété et des trois autres quarts en usufruit ;
  • à hauteur de la totalité en usufruit.

Donation entre époux alternative de quotités

Cette donation sera de la quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès.
Le choix, s'il y a lieu, appartiendra au survivant, qui pourra attendre jusqu'au partage pour exercer son option, sauf si les héritiers le mettent en demeure d'opter après écoulement du délai de quatre mois. Si le survivant n'exprime pas son option à la suite de cette mise en demeure ou s'il décède sans avoir opté, il sera censé l'avoir fait pour la quotité entre époux en usufruit seulement.
La quotité disponible sera calculée sur une masse formée conformément à la loi.
– Donation entre époux universelle. Principe. – La donation entre époux universelle place le conjoint survivant dans une situation équivalente à un légataire universel. Il sera susceptible de recueillir l'intégralité des biens successoraux sans qu'aucune indivision ne se crée entre lui et les héritiers réservataires.

Donation entre époux universelle

Cette donation sera de la toute propriété des biens qui composeront sa succession.
– Donation entre époux universelle. Clause de réduction facultative. – Dans le cas précédent, si une action en réduction sur le fondement de l'article 924 du Code civil est intentée par les héritiers réservataires du disposant, le choix établi à l'article 1094-1 du Code civil sera bel et bien maintenu. Le conjoint survivant pourra donc opter pour la plus forte quotité permise entre époux.
Néanmoins, ainsi que le souligne Rachel Dupuis-Bernard, « la réduction de son émolument interviendra en valeur. Elle s'effectuera au moyen du versement d'une indemnité correspondant à la valeur de la nue-propriété des ¾ de la succession. (…) À défaut de trésorerie disponible, le conjoint survivant a le choix d'une réduction en nature. Elle consistera alors à reconstituer la réserve des enfants par un retranchement opéré sur l'objet de la disposition excessive »249.
C'est précisément la raison pour laquelle il est plutôt conseillé de rédiger la donation de biens à venir entre époux universelle, à l'aide d'une clause de réduction facultative.

Donation entre époux universelle. Clause de réduction facultative

Si l'époux prédécédé ne laisse pas d'héritier à réserve, cette donation sera de la toute propriété des biens qui composeront sa succession.
En cas d'existence d'héritiers à réserve, et si ceux-ci en demandent la réduction, la donation s'imputera sur l'une des trois quotités entre époux en vigueur au jour du décès. Le choix, s'il y a lieu, appartiendra au survivant, qui pourra attendre jusqu'au partage pour exercer son option, sauf si les héritiers le mettent en demeure d'opter après écoulement du délai de quatre mois. Si le survivant n'exprime pas son option à la suite de cette mise en demeure ou s'il décède sans avoir opté, il sera censé l'avoir fait pour la quotité entre époux en usufruit seulement.
La quotité disponible sera calculée sur une masse formée conformément à la loi.
– Donation entre époux universelle. Utiliser la renonciation anticipée à l'action en réduction (Raar). – Il peut être envisagé d'utiliser la renonciation anticipée à l'action en réduction pour sécuriser une donation entre époux. Si le disposant et ses descendants conviennent ensemble d'accorder au conjoint survivant une donation entre époux portant sur l'universalité des biens, la renonciation anticipée à l'action en réduction pourrait être l'une des solutions pour consolider cette libéralité de biens à venir.
Les avantages matrimoniaux pourraient également parvenir à ce même objectif ainsi qu'il sera indiqué ci-après. Néanmoins, cette solution peut présenter un coût plus faible ; il convient parfois de l'envisager.

Quotité imposée au conjoint

– Usufruit de la totalité des biens. – Classiquement, et surtout dans une famille recomposée, le disposant peut, à l'inverse, souhaiter que son conjoint survivant ne recueille aucun droit en pleine propriété. Son choix peut notamment se porter sur la totalité en usufruit de son patrimoine, avec ou sans clause de réduction automatique.

Donation entre époux portant sur l'usufruit de tous les biens

Cette donation est de l'usufruit de tous les biens qui composeront la succession du donateur, sans exception ni réserve.

Donation entre époux portant sur l'usufruit de tous les biens – Clause de réduction automatique

Si le donateur laisse un ou plusieurs enfants ou descendants, cette donation sera de l'usufruit des biens composant sa succession, sans exception ni réserve.
Si le donateur ne laisse aucun enfant ni descendant, cette donation sera de la pleine propriété de l'universalité des biens qui composeront sa succession, sans exception ni réserve.
– Usufruit de certains biens. – Le choix du disposant peut aussi être d'allotir son conjoint de l'usufruit de certains biens déterminés, et notamment uniquement sur la résidence principale.

Donation entre époux portant sur l'usufruit de certains biens, et la pleine propriété d'autres biens

Cette donation est de l'usufruit des biens et droits immobiliers par lesquels est assuré leur logement, pour en jouir pendant sa vie à compter du jour du décès dudit donateur ; ainsi que de la pleine propriété des meubles meublants garnissant ledit logement.
– Privation des droits légaux par testament. – Dans ces cas d'espèce, pour éviter toute complication ultérieure, il convient de priver le conjoint de ses droits légaux. Pour ce faire, la renonciation ne peut résulter d'une donation entre époux. Celle-ci doit, nécessairement, être complétée d'un testament.

Modèle de testament pour priver les droits légaux du conjoint

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.
Je confirme les termes de la donation entre époux consentie à mon épouse, …., suivant acte reçu par Maître …., notaire à …., le ….
Toutefois, je déclare vouloir priver mon épouse de tout droit en pleine propriété qu'elle pourrait recueillir en vertu de la loi.
Fait à ….
Le ….
Signature

Sur la forme : testament ou acte authentique ?

– Question. – Faut-il recourir au testament olographe ou à l'acte authentique pour consentir une donation à son époux de biens à venir ?

En termes de sécurité juridique

– Aucune différence. – Ces considérations ne sont pas récentes, puisque le 84e Congrès des notaires de France qui s'est tenu à La Baule du 29 mai au 1er juin 1988 tentait déjà de répondre à cette interrogation : « Nous relaterons donc de manière simplement descriptive les deux modes de disposition constitués par la donation entre époux et par le testament tels qu'ils sont prévus par le droit positif et tels qu'ils sont utilisés par les praticiens, à la lumière de l'enquête menée par le notariat »250.
La réponse reste encore et toujours la même : bien que les donations entre époux de biens à venir (autrement dit, donation au dernier vivant) sont largement utilisées par la pratique notariale, aucun argument juridique ne sous-tend une préférence. Donation entre époux et testament peuvent parfaitement contenir des dispositions de biens à venir au profit du conjoint survivant. Pour l'un comme pour l'autre, c'est la rédaction qui est primordiale ; donc le fond et aucunement la forme.

En termes de coût des actes

– Tableau comparatif de coût pour consentir une libéralité entre époux.