Règles applicables quant à la forme du mandat

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Règles applicables quant à la forme du mandat

Rapport du 115e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2019
La concurrence rencontrée dans les conditions de fond entre les instruments n'existe pas, pour les conditions de forme entre la convention et les règlements européens : l'article 2-b) de la Convention de La Haye n ° 27 exclut expressément du domaine d'application la forme des actes.
Par ailleurs, la forme de l'acte, qui est un contrat avant tout, ne relève pas non plus du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 définissant la règle de conflit pour ce qui concerne exclusivement les obligations non contractuelles.
En conséquence, le seul instrument européen applicable à la forme de la procuration est le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 (dit «Rome I»).

Les conditions de validité formelle des procurations

Selon les dispositions du règlement Rome I

Les dispositions de l'article 11 de Rome I prévoient que :
«1. Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, qui se trouvent dans le même pays au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui régit le fond en vertu du présent règlement ou de la loi du pays dans lequel il a été conclu».
«2. Un contrat conclu entre des personnes ou leurs représentants, qui se trouvent dans des pays différents au moment de sa conclusion, est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond en vertu du présent règlement ou de la loi d'un des pays dans lequel se trouve l'une ou l'autre des parties ou son représentant au moment de sa conclusion ou de la loi du pays dans lequel l'une ou l'autre des parties avait sa résidence habituelle à ce moment-là».
Une difficulté survient lorsque la forme est imposée par la loi française pour assurer la validité de l'acte authentiquead validitatem 1535207029081.
Car même si l'article 18 du règlement renvoie à la loi applicable à la forme ou à la loi duforpour la charge de la preuve 1535213967474, c'est également la loi applicable à la forme qui exigera uninstrumentumà titre de validité pour les actes solennels 1535214255844.

Spécificités résultant du parallélisme des formes en droit interne français

Certains actes authentiques requièrent, lorsque des procurations doivent être établies, que celles-ci soient nécessairement reçues en la forme authentique 1535213572459.
Une jurisprudence ancienne souligne l'indivisibilité du mandat avec l'acte principal : «L'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique. Il suit de cette disposition que le mandat donné pour hypothéquer doit être également en forme authentique, la procuration dans laquelle le débiteur exprime lui-même son consentement à l'hypothèque devant, comme le contrat lui-même présenter la garantie de l'authenticité» 1542541922986.
S'agit-il d'une question de fond ou d'une question de forme, dans la mesure où cette exigence est contraire au principe de droit international privé repris par l'adagelocus regit actum ? La question mérite d'être posée, dans la mesure où le Code civil impose pour plusieurs matières le principe du parallélisme des formes.
Il en est ainsi, par exemple, de la procuration pour accepter une donation 1535207687921, constituer une hypothèque 1535208209145, ou encore acquérir un bien en l'état futur d'achèvement.
D'autres fois, la procuration devra contenir des mentions particulières 1535212018829.
Afin de verser au dossier en toute sécurité juridique une procuration en provenance de l'étranger, le respect des formalités exigées doit être vérifié. Car selon les pays, les mots similaires ne revêtiront pas nécessairement la même signification.

Les formes de procurations

Procurations en la forme sous seing privé

En matière de procurations sous seing privé (qui sont par défaut les plus utilisées lorsque la loi française ne les impose pas en la forme authentique), les pratiques au quotidien des notaires ne sont pas les mêmes selon les pays.
Ainsi le notaire italien qui est chargé de procéder à la certification de la signature du mandant sur une procuration sous seing privé pour vendre – devant produire ses effets en France – exercera un contrôle de légalité, en vérifiant entièrement le contenu de l'acte ; tandis le notaire français, chargé de certifier la signature du client portée sur la procuration sous seing privé, contrôlera seulement la correspondance entre la comparution civile portée dans la procuration et le document d'identité à lui présenté par le client 1535212658503.
Une autre différence selon les pays réside dans le fait qu'une procuration peut être passée sous seing privé en France, alors qu'elle doit obligatoirement être reçue en la forme authentique dans un autre pays.
Par exemple, alors qu'une procuration sous seing privé est suffisante pour vendre un bien immobilier en France – dans le cadre d'une vente ordinaire, en dehors d'une vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) ou d'une vente d'immeuble à rénover (VIR) – elle doit obligatoirement être passée en la forme authentique si elle doit s'exécuter sur le territoire espagnol. Il en est de même pour une procuration donnée dans le cadre de l'acceptation d'une succession ouverte en Espagne 1535271326310.
Par ailleurs, des mentions spécifiques peuvent devoir figurer sur les procurations, selon les pays de destination.
Il en est ainsi d'une procuration établie en France pour régler une succession en Italie : reçue à l'étranger, elle sera reconnue en Italie si elle respecte la forme du pays d'origine 1545291794236, à condition que le notaire (qui a reçu la procuration authentique, ou qui a certifié la signature du mandant en cas de procuration sous seing privé) indique expressément dans le corps de la procuration les textes applicables à sa propre législation et relatifs à la forme d'une telle procuration 1535273341946.
Enfin, il convient de rester prudent quant à l'acception que les juristes peuvent avoir d'un même terme qui définit l'accomplissement du contrôle et de la certification de signature dans le cadre d'une procuration sous seing privé évoluant dans un contexte international.
Il en est ainsi de la notion de légalisation : même si cette formalité (qui fait l'objet d'une étude complète dans la troisième partie de la présente commission, V. infra, n°) répond à une définition pourtant précise et contenue dans nombre d'instruments internationaux, dans le langage courant des juristes belges et français par exemple, cette notion ne revêt pas le même sens : le contrôle par le notaire belge de la concordance entre la signature et la personne qui l'a apposée et qu'il lui est demandé d'effectuer sera dénommé «légalisation de signature», alors que pour le notaire français ce même processus de vérification de l'identité entre la signature et la personne qui l'appose relèvera d'une «certification de signature» 1535274877780.
La matière des procurations sous seing privé est finalement délicate à manier, dans la mesure où le document qui circule au-delà des frontières rencontrera bien des diversités de pratique et de vocabulaire.
L'autre catégorie de procuration qu'il reste à évoquer, après la forme sous seing privé, est la procuration reçue à l'étranger en la forme authentique et devant avoir effet en France.

Procurations en la forme authentique 

Rappel des définitions de l'acte authentique

Ainsi qu'il a déjà été dit (V. supra, n°), l'authenticité inhérente à l'acte notarié résulte du respect par le notaire, lors de la rédaction et la réception de son acte, d'un certain nombre d'exigences de forme et de fond. Celles-ci sont définies notamment par les dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971.
Ces conditions de solennité sont essentielles pour permettre, par l'application de la théorie de l'équivalence, de considérer une procuration établie à l'étranger comme ayant un caractère authentique.
En droit positif, il est rappelé que la définition de l'acte authentique 1542477221166est la suivante : un acte est authentique lorsqu'il s'agit d'un acte instrumentaire, dressé, vérifié et conservé par le notaire, autorité publique. Cette définition complète celle donnée par l'article 1369 du Code civil (V. supra, n°).
Il est également rappelé que le droit de l'Union européenne, par la jurisprudenceUnibankainsi que par les règlements européens 1542470240343, définit l'acte authentique comme étant dressé ou enregistré formellement en tant qu'acte authentique et dont l'authenticité porte sur la signature et le contenu de l'acte établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire.
Ces règles rappelées, il s'agit de déterminer maintenant si elles seront reconnues ou pas, selon que l'acte sera établi dans un État connaissant le notariat latin (ii), ou bien dans un autre État (iii).

Application des règles de l'authenticité dans les pays connaissant le notariat latin

Lorsque la procuration en la forme authentique provient d'un État connaissant le notariat de «type latin», il n'y aura pas de difficulté particulière à accepter le caractère authentique, l'intervention de l'officier public étranger ayant un statut équivalent au notaire français 1542467743560, malgré la diversité possible de ses fonctions selon les États dans lesquels les notaires sont nommés (V. supra, n°).
Dans ce cas, la procuration peut être établie devant un notaire étranger puisque les règles de l'authenticité de l'acte notarié correspondent à celles du droit français au sens du notariat latin 1542474322622.
Cette situation repose sur la théorie de l'équivalence, qui fera l'objet d'une étude dans la troisième partie (V. infra, n°).
Par un arrêt récent du 14 avril 2016, la Cour de cassation a donné d'importantes précisions sur la notion d'authenticité qui ne se retrouve pas dans l'établissement de procurations devant des autorités locales dans des pays relevant duCommonwealth.
Ces précisions sont essentielles pour mieux cerner les règles d'équivalence lorsque la procuration doit être signée dans des pays decommon lawou situés dans le nord de l'Europe.

Bonne pratique pour une procuration authentique à l'étranger

Lorsque la procuration doit être reçue en la forme authentique dans un pays connaissant le notariat latin, il est de bonne pratique que :

Application dans les autres pays (Commonwealth, pays scandinaves…)

Lorsque la procuration doit être reçue en la forme authentique dans ces pays, les difficultés les plus importantes consistent principalement à reconnaître le caractère authentique de l'acte établi, puisque dans les pays duCommonwealthet ceux du nord de l'Europe (Suède, Norvège, Finlande, Danemark), le notariat latin n'est pas instauré.
Dans ces États, même établi par une autorité locale pleinement reconnue dans son pays (notary public,scrivener notaryen Grande-Bretagne ounotarius publicusou fonctionnaire des services fiscaux au Danemark ou en Finlande), l'acte ne remplit pas forcément tous les critères de solennité requis pour équivaloir un acte notarié.
En effet, depuis l'arrêtUnibanket les règlements européens donnant une définition de l'acte authentique 1544102942830, l'acte est authentique lorsqu'il a été dressé ou enregistré formellement en tant qu'acte authentique et dont l'authenticité porte à la fois sur la signature et le contenu. De plus, l'acte doit être établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire.
La Haute Cour estime, dans un arrêt du 14 avril 2016, que la forme locale d'un mandat établi dans un pays ne connaissant pas le notariat latin est considérée comme authentique 1542470989835si toutes les conditions de solennité sont remplies. Pour être remplies, les conditions de solennité doivent porter sur tous les éléments inhérents à l'authenticité.
L'analyse de l'espèce sera éclairante pour cerner exactement les enjeux, indépendamment des considérations attachées au débat doctrinal sur la question de savoir si ces conditions de validité relèvent des conditions de forme ou de fond du mandat 1542538804341.
De ce constat découlent plusieurs conséquences liées à la qualité de l'autorité locale pouvant être considérée équivalente à celle du notaire français, qui sont étudiées plus loin dans la troisième partie consacrée à la circulation internationale de l'acte authentique (V. infra, n° ).

Focus sur la procuration pour emprunter par unaustralien devant être produite en France

L'affaire concerne la régularisation d'une procuration en Australie devant unnotary publicaustralien pour consentir une affectation hypothécaire en qualité de caution sur un immeuble situé en France.
Lenotary public, qui ne parle pas le français, s'est limité seulement à recevoir la mandante, et certifier sa signature au pied de la procuration établie en langue française. Il a ensuite fait diligence pour l'accomplissement de la formalité de l'apostille.
Mais il n'a pas procédé à la lecture de l'acte ; il ne s'est pas non plus enquis de savoir si la mandante avait conscience de la pleine portée de son engagement, ni en lui lisant l'acte, ni même en l'interrogeant sur les conséquences bien comprises de l'engagement ainsi donné.
Or, parmi les critères de solennité attachés à l'acte authentique, figurent, d'une part, celui selon lequel le notaire doit attirer l'attention de ses clients sur l'importance de leurs engagements et la gravité que peuvent parfois avoir certains accords (comme celui précisément d'une affectation hypothécaire) et, d'autre part, celui précisant l'obligation qu'a le notaire de donner toutes les explications utiles qui relèvent de l'obligation de conseil, consubstantielle à l'authentification du notaire des actes qu'il reçoit 1542556126737.
La Haute Cour considère qu'en l'espèce, les conditions de solennité ne sont pas requises pour un acte authentique : la simple certification de signature même revêtue de l'apostille, diligentée par lenotary publicaustralien qui ne parlait pas le français et qui n'a pas pris préalablement la peine de lire l'acte au mandant, ne suffit pas à conférer l'authenticité à la procuration régularisée dans ces conditions.
Cette méthode n'est pas équivalente aux règles d'authenticité définies par le droit français, qu'un notaire français est amené à respecter lorsqu'il instrumente.
C'est en effet par le respect des règles énoncées à l'article 1369 (V. supra, n°) que l'officier public compétent «va permettre de conférer à l'acte sa force probante, sa force exécutoire et sa date certaine. Cependant, l'octroi de l'authenticité à un acte ne saurait se réduire à l'accomplissement de solennités. Le devoir de conseil constitue un prolongement de l'authenticité, qui bien que non inscrit dans les textes régissant le notariat, participe à la mission d'authentificateur de l'officier public» 1542557095063.
L'équivalence, permet donc, par l'application d'une règle étrangère, que des résultats équivalents soient obtenus 1542544621626.
L'équivalence repose ainsi tant sur la nature de l'acte que sur les fonctions de l'autorité qui instrumente. Quant à la nature, «il importe de s'assurer que l'autorité étrangère qui a reçu l'acte l'a bien reçu dans le cadre des missions ou de la délégation d'autorité qui lui ont été octroyées par la lex auctoris. Quant à la fonction, il convient de comparer les démarches accomplies par l'autorité étrangère avec celles qui sont requises pour établir un acte authentique par les autorités françaises» 1542544879178.
Il s'ensuit que la forme n'était pas équivalente à celle du droit français quant à la protection de la caution hypothécaire.