Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s'appliquer, il faut la réunion de trois conditions : temporelle, matérielle et territoriale.
Les conditions d'applicabilité
Les conditions d'applicabilité
Rapport du 115e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2019
Un champ d'application ratione temporis
Le règlement Bruxelles I bis, entré en vigueur depuis le 10 janvier 2013, est applicable aux actions introduites à compter du 10 janvier 2015 (art. 66).
Les actions introduites entre le 1er mars 2002 et avant le 10 janvier 2015 relèveront du règlement Bruxelles I.
Un champ d'application ratione materiae
L'article 1-1 du règlement dispose : « Le présent règlement s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s'applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l'État pour des actes ou des omissions commis dans l'exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ».
Le règlement Bruxelles I bis ne s'applique donc pas au droit public. Dès lors qu'un acte sera exécuté dans l'exercice de la puissance publique, tout litige y afférant sera exclu de l'application du règlement.
Compte tenu des diverses définitions de droit public existant dans les différents États membres, la Cour de justice des Communautés européennes est venue apporter des précisions à cette définition. La Cour avait déjà précisé, au sujet de l'applicabilité de la convention de Bruxelles, qu'est « exclue du champ d'application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique »
1531643802588. Dans un litige opposant la société Bayer à la société Réalchimie, la Cour de justice de l'Union européenne indique que le champ d'application du règlement (caractères civil et commercial) est déterminé essentiellement en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l'objet de celui-ci. L'objet dudit litige est l'autorisation d'exécuter aux Pays-Bas les six décisions rendues par les tribunaux allemands qui infligeaient des amendes à la société Réalchimie, à la demande de la société allemande Bayer qui avait interdit à cette dernière d'importer, de détenir et de commercialiser des pesticides en Allemagne, cette interdiction étant fondée sur une allégation de contrefaçon de brevet.
La Cour décide que « l'action ainsi intentée a pour but de sauvegarder des droits privés et ne suppose pas une manifestation de prérogatives de puissance publique par l'une des parties au litige. En d'autres termes, le rapport juridique existant entre Bayer et Réalchimie doit être qualifié de "rapport juridique de droit privé" et relève donc de la notion de "matière civile et commerciale", au sens du règlement n° 44/2001 »
1531647458609. En matière de droit du travail, dans un arrêt Mahamdia du 19 juillet 2012
1545564240969, la Cour considère que les litiges entre les employés d'une ambassade et l'État concerné relèvent de la compétence juridictionnelle des tribunaux allemands lorsque le travailleur n'a pas accompli pour l'État dont il est l'employé des activités relevant des fonctions souveraines de cet État. Pour cela, la Cour relève que, le demandeur étant chauffeur à l'ambassade, ses activités n'entrent pas dans l'exercice de l'autorité publique de l'État défendeur, mais constituent une activité auxiliaire par rapport à l'exercice de la souveraineté de celui-ci.
Le règlement Bruxelles I bis
1545564297634exclut également de son application « l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage », « les faillites, concordats et autres procédures analogues », « la sécurité sociale », « l'arbitrage », « les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d'alliance », « les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès ». Ces matières font l'objet de règles propres.
En réalité, d'une manière générale, le règlement exclut de son champ d'application toutes les dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes de l'Union ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes
Règl. Bruxelles I bis, art. 67.
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Les champs d'application temporel et matériel ayant été abordés, il reste à analyser la dernière condition : le champ d'application territorial.
Un champ d'application ratione loci
Le règlement est applicable sur le territoire de l'ensemble des États membres ainsi qu'au Danemark en vertu d'un accord signé le 19 octobre 2005.
Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s'appliquer, il faut bien évidemment que le litige soit international, mais également qu'il y ait un lien avec le territoire d'un État membre. Cette exigence est prévue par le considérant 13 du règlement
1531919471860. Ce lien est constitué par le domicile ou le siège social du défendeur dans un État membre. S'agissant de la preuve de ce lien, la Cour de justice de l'Union européenne inverse la charge, et décide que le règlement est applicable dès lors que le juge saisi ne dispose pas d'indices probants lui permettant de conclure que le défendeur est domicilié en dehors du territoire européen
1531919510927.
L'application du règlement nécessite également un élément d'extranéité, peu importe que l'affaire concerne un État membre ou un État tiers
1542251968203.
Par dérogation au principe ci-dessus, il est des situations où même si le défendeur n'a pas son domicile dans un État membre, le règlement Bruxelles I bis sera applicable (art. 6). Il s'agit des litiges entrant dans les cas de compétence exclusive (art. 24), des litiges dans lesquelles les parties auront régularisé une convention attributive de juridiction (art. 25), des litiges concernant un contrat de consommation (art. 18), ainsi que les litiges concernant un contrat de travail (art. 21).
Les trois conditions réunies, il y a lieu d'étudier les règles de compétence.