Le notaire joue un rôle lors de la division des parcelles comprises dans le périmètre (I). Il se préoccupe également du sort des droits réels et personnels grevant ces parcelles : servitudes (II), sûretés (III), pactes de préférence (IV) et bail rural (V). Il rectifie enfin les erreurs susceptibles d'entacher le droit de propriété (VI).
L'intervention du notaire après le transfert forcé du droit de propriété
L'intervention du notaire après le transfert forcé du droit de propriété
Rapport du 114e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2018
La division des parcelles comprises dans le périmètre d'aménagement foncier agricole
Tout projet de division de parcelles comprises dans le périmètre des AFAF est soumis à l'autorisation de la CDAF pendant les dix ans suivant la clôture des opérations (C. rur. pêche marit., art. L. 123-17).
Les demandes de division de parcelles relèvent en principe de la compétence de la commission départementale placée sous la responsabilité du département
1491648268173.
Le délai de réponse est de deux mois à compter de la saisine. Le silence gardé par la CDAF vaut acceptation du projet de division. Tout acte passé au mépris de ces dispositions encourt la nullité.
Le maintien des servitudes
« La servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire » (C. civ., art. 637). Elle est indissociable du fonds. Par conséquent, les propriétaires successifs du fonds servant la subissent.
Le Code civil prévoit trois causes d'extinction d'une servitude : l'exercice impossible de la servitude (C. civ., art. 703), la réunion du fonds dominant et du fonds servant entre les mêmes mains (C. civ., art. 705) et le non-usage trentenaire (C. civ., art. 706 et s.).
L'AFAF n'éteint pas les servitudes existantes (C. rur. pêche marit., art. L. 123-14).
La CCAF (ou CIAF) n'a aucun pouvoir : elle ne peut ni les supprimer ni en créer de nouvelles (C. rur. pêche marit., art. L. 123-8). La servitude étant un droit réel accessoire au droit de propriété, elle se transmet avec le fonds, sans considération de la nature du transfert de propriété, conventionnel ou légal. Elle subsiste et est opposable au propriétaire attributaire du fonds servant si l'état des lieux permet encore leur exercice.
– L'absence de mention de la servitude dans le procès-verbal. – L'omission d'une servitude grevant un fonds dans le procès-verbal d'AFAF n'a pas pour effet d'éteindre la servitude. Elle subsiste sans modification même si elle n'y est pas mentionnée
1488117532028.
– Le cas particulier de l'enclave. – En principe, la servitude légale d'enclave (C. civ., art. 682) disparaît avec la cessation de l'enclave (C. civ., art. 685-1). Par conséquent, si les opérations d'AFAF aboutissent à une disparition de l'enclave, la servitude légale s'éteint.
En revanche, si la servitude résulte d'une convention, elle subsiste après la cessation de l'enclave, la CDAF n'ayant pas le pouvoir de supprimer une servitude conventionnelle.
Le sort des sûretés
Les droits réels sont reportés sur le bien attribué par un mécanisme de subrogation réelle, sans formalité particulière à accomplir à l'initiative des titulaires (C. rur. pêche marit., art. L. 123-13). Toutefois, concernant l'hypothèque et le privilège de prêteur de deniers, il existe une procédure spéciale. En effet, les inscriptions grevant les immeubles apportés ne sont reportées avec le même rang sur les immeubles attribués qu'à condition d'en effectuer le renouvellement. La loi organise une procédure destinée à informer les créanciers inscrits de la nécessité de renouveler l'inscription (C. rur. pêche marit., art. D. 127-1 et s)
1488656405965.
Le renouvellement des inscriptions hypothécaires sur les biens attribués
En marge de la péremption de droit commun, une péremption spéciale existe en matière d'AFAF.
Le renouvellement des inscriptions hypothécaires sur les parcelles attribuées doit impérativement être effectué par les titulaires dans les six mois de la clôture des opérations d'AFAF (C. rur. pêche marit., art. D. 127-6). À défaut, l'inscription n'est pas conservée sur le bien attribué. La date de clôture des opérations est celle du dépôt en mairie du plan définitif de l'AFAF (C. rur. pêche marit., art. L. 123-12, al. 2).
Les opérations d'aménagement nécessitent le renouvellement des hypothèques inscrites au profit des créanciers.
La CCAF requiert le service de la publicité foncière de délivrer, dans un délai de trois mois, les extraits :
- des inscriptions d'hypothèques et de privilèges grevant les immeubles compris dans le périmètre ;
- des actes et décisions judiciaires portant ou constatant la mutation de ces immeubles, ou constatant l'existence de saisies, résolutions, restrictions au droit de disposer et, en général, de tous droits réels, du chef tant des propriétaires dénommés aux bulletins individuels que des propriétaires postérieurs lorsqu'ils sont connus du service de la publicité foncière.
Les comptables du Trésor public sont informés des opérations portant sur des biens grevés par des sûretés immobilières inscrites au profit de l'administration fiscale. Afin de préserver ses droits, il appartient aux comptables chargés du recouvrement de les renouveler.
Le sort des pactes de préférence
L'obligation de préférence est qualifiée d'obligation personnelle pesant sur le promettant. Elle est consentie intuitu rei
1491662207054. Le critère de l'intuitu rei est un critère d'efficacité juridique
1491318583061.
– La réforme du droit des obligations. – Le pacte de préférence est défini comme le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui, dans le cas où elle déciderait de contracter (C. civ., art. 1123).
Le bénéficiaire dispose d'un droit de priorité d'origine conventionnelle, analogue aux droits de préemption légaux
1489342525900. Le bénéficiaire du pacte évincé est en droit d'obtenir du promettant des dommages-intérêts (C. civ., art. 1147).
L'AFAF constitue un mode originaire de la propriété et non un mode dérivé
1489340427248. Il ne s'agit certainement pas d'un contrat. L'AFAF s'insère dans un dispositif administratif d'organisation du territoire. Ce n'est pas une aliénation constitutive du fait générateur d'un pacte. L'article 1123 du Code civil est par conséquent inapplicable.
Le Code rural et de la pêche maritime règle le sort des droits réels, mais n'envisage pas celui des droits personnels, sauf celui du bail rural.
La prudence consiste à admettre le mécanisme de la subrogation réelle. Elle s'étend au-delà des cas prévus par la loi pour raisons de nécessité pratique. Elle évite en effet la perte des droits réels par disparition de l'objet sur lequel ils portent
1491668839651. Ainsi, il faut considérer qu'à défaut de stipulations contraires, les obligations découlant du pacte de préférence s'imposent et sont reportées sur les parcelles attribuées.
– Prescription trentenaire et pacte de préférence. – Le pacte de préférence ne s'éteint pas par prescription trentenaire, du moins tant que l'offre de vente n'a pas été faite par le promettant.
Le sort du bail rural
– Le report du bail rural sur les parcelles attribuées : un droit discrétionnaire pour le preneur. – L'AFAF n'entraîne pas l'extinction des baux ruraux, même en cas de changement de propriété.
Le locataire dispose d'un choix discrétionnaire :
- soit il opte pour le report de son bail sur les parcelles attribuées au bailleur ;
- soit il opte pour la résiliation totale ou partielle de son bail dans la mesure où l'étendue de sa jouissance est diminuée. La résiliation s'opère alors sans indemnité (C. rur. pêche marit., art. L. 123-15).
Si le bail porte à la fois sur des parcelles comprises dans le périmètre de l'AFAF et d'autres non comprises dans ledit périmètre, le preneur a la faculté de demander la résiliation partielle du bail. Dans cette hypothèse, la résiliation ne porte que sur les parcelles concernées par l'AFAF. Le preneur n'a pas la possibilité d'exiger le report du bail sur une autre parcelle appartenant à son bailleur non comprise dans le périmètre de l'AFAF
1494673768121.
Lorsque les parcelles originaires, louées à différents preneurs, sont regroupées en une seule parcelle, il appartient aux parties de se mettre d'accord pour déterminer les droits de chacun dans la nouvelle parcelle. En cas de désaccord, la décision revient au tribunal paritaire des baux ruraux
1491752569078.
– La perte du bénéfice du report du bail rural sur les parcelles attribuées. – Nombre de preneurs perdent malgré eux le bénéfice du report du bail sur les parcelles attribuées. Le législateur a en effet omis de préciser les modalités d'exercice de ce droit. La loi ne fixe aucun délai pour exercer l'option.
Tant que le locataire n'a pas été mis en demeure d'exercer l'option et n'a pas été informé des changements apportés aux conditions du bail, le bailleur ne peut pas reprocher au fermier le défaut d'exploitation des nouvelles parcelles attribuées. Cependant, la Cour de cassation admet qu'il puisse être opposé une renonciation implicite au droit au report au locataire resté taisant durant sept mois
1494671671540. Le fait pour le preneur de laisser en friche une terre réattribuée à son propriétaire pendant un an, alors qu'elle lui avait été proposée en remplacement de la parcelle originaire, est considéré comme une résiliation tacite.
La prise de possession et l'exploitation des nouvelles parcelles par le preneur n'ayant pas officiellement exercé l'option valent en revanche acceptation du report de son bail sur ces parcelles
1488647479606.
La mise en demeure : une précaution indispensable
En pratique, il convient de conseiller au bailleur :
Lorsque la parcelle attribuée au bailleur par l'AFAF est d'une surface supérieure à celle originairement louée, le bailleur ne dispose pas du pouvoir d'imposer au preneur l'emplacement du report du bail
1494668544175. À défaut d'accord, le tribunal paritaire des baux ruraux détermine l'emplacement des parcelles louées
1494418954611.
Lorsque la surface attribuée au bailleur ne permet pas de réattribuer au preneur une surface équivalente à celle louée avant les opérations d'AFAF, il sollicite une réduction du fermage au prorata des surfaces perdues et des indemnités à l'autorité expropriante en cas d'option pour le report de son bail. À défaut d'accord, il appartient au tribunal de trancher.
– Les baux ruraux de plus de douze ans et la publicité foncière. – Les baux ruraux de plus de douze années sont obligatoirement publiés au service de la publicité foncière
1491671857402. Lorsque le preneur opte pour le report du bail sur les nouvelles parcelles, la CCAF mentionne les références de publication dans le procès-verbal du bail pour lequel il y a lieu de renouveler la publicité légale antérieure
1491752271775. À défaut, le report du bail n'est pas effectué d'office par le service de la publicité foncière.
Lorsque le report du bail est postérieur à la prise d'effet de l'AFAF, la CCAF doit en principe compléter le procès-verbal d'attribution. En pratique, cette formalité est rarement effectuée. Pour des raisons de sécurité juridique, cette mention de report devrait être obligatoire afin de permettre la mise à jour du fichier immobilier.
– Les parcelles objet du report dont la superficie est sous le seuil d'application du statut du fermage. – Le report du bail est obtenu quelle que soit la différence de superficie entre la parcelle d'origine et la nouvelle parcelle. Toutefois, lorsque la parcelle attribuée passe sous le seuil d'application du statut du fermage (C. rur. pêche marit., art. L. 411-3), le propriétaire a la possibilité de mettre fin au bail par l'effet d'un congé donné par écrit six mois au moins avant la fin de l'année culturale
1494677704738(C. civ., art. 1774 et 1775)
1488651514687.
La rectification de l'erreur portant sur le droit de propriété
– Le transfert du droit de propriété. – Le transfert du droit de propriété s'opère lors de la clôture des opérations d'aménagement foncier
1491315754653. Les résultats définitifs des attributions sont consignés dans un procès-verbal publié au service de la publicité foncière.
– Le recours contre les décisions d'attribution. – Un recours contre les erreurs commises lors des attributions existe. Les propriétaires saisissent la CDAF. Cette dernière statue sous réserve des droits des tiers. Soit elle rectifie le procès-verbal, soit elle alloue une indemnité en cas de préjudice subi par le véritable propriétaire.
Après la date de transfert de propriété
1488121755278, la légalité des actes ne saurait être remise en cause devant le juge administratif, même par voie d'action ou d'exception, au-delà d'un délai de cinq ans à compter de l'affichage en mairie (C. rur. pêche marit., art. L. 123-16). Le délai de prescription est en effet celui de droit commun.
– La rectification après le délai de recours. – Des erreurs sont fréquemment constatées à la lecture des procès-verbaux. Les exemples sont nombreux : les biens délaissés sont propres et l'attribution de parcelles est faite au nom des deux époux ; les parcelles sont mentionnées comme faisant partie d'une indivision alors qu'il s'agit d'un démembrement de propriété. Les erreurs portent également sur les quotes-parts indivises, etc. En principe, la rectification d'un acte entaché d'erreur est opérée par un acte de même nature passé dans les mêmes formes et entre les mêmes parties.
Le Cridon de Lyon estime qu'au-delà du délai de cinq ans suivant le transfert de propriété, le notaire a la possibilité de rectifier une erreur d'attribution au moyen d'un acte rectificatif
1500107232897. Cette possibilité est conditionnée par l'intervention des mêmes personnes. Même si l'initiative de rectification émane d'une personne de droit privé, l'acte administratif sera « corrigé » par un acte authentique pour des raisons de réalités juridiques et pratiques.
– La faiblesse des mentions contenues dans le titre de propriété des attributaires. – Les erreurs contenues dans les procès-verbaux publiés au service de la publicité foncière sont nombreuses, comme le démontre l'abondance de jurisprudence. Ainsi, il serait souhaitable d'associer le notariat à l'élaboration de ces titres de propriété singuliers. Cela éviterait notamment les conflits liés à l'origine de propriété ou l'omission des servitudes.