L'occupant est le seul héritier : la dangerosité des droits de retour

L'occupant est le seul héritier : la dangerosité des droits de retour

Rapport du 119e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2023
– Une situation confortable… mais pas totalement. – En l'absence de cohéritiers aux droits concurrents, l'occupant est, a priori, assuré de pouvoir préserver son cadre de vie. Ce propos optimiste doit toutefois être nuancé lorsque le logement appartenait au défunt au moyen d'une donation. Un droit de retour peut, en effet, être mis en œuvre. L'occupant se retrouve alors en concours non pas avec des cohéritiers, mais avec les bénéficiaires de ce droit, qui peut aboutir au retour de tout ou partie du bien transmis à titre gratuit entre les mains de l'ascendant donateur301 ou de ses descendants302. Sa raison d'être est la conservation du bien donné dans la famille du donateur. Son origine peut être légale (§ I) ou conventionnelle303 (§ II).

Les droits de retour légaux

Trois conditions doivent être réunies pour que s'appliquent les droits de retour légaux :
  • l'existence d'une transmission à titre gratuit : donation ou succession ;
  • le décès du donataire avant celui du bénéficiaire du droit de retour ;
  • l'absence de postérité.
Les bénéficiaires des droits de retour sont les père et mère (A), les frères et sœurs ou leurs descendants par représentation (B) et les familles d'origine ou de l'adoptant dans la succession de l'adopté simple (C).

Le droit de retour des père et mère

– Bref rappel historique. Position du problème. – L'institution d'une réserve au profit du conjoint survivant a été actée dès la loi du 3 décembre 2001. Dès lors que le défunt ne laisse aucune postérité, et dans ce cas seulement, le législateur reconnaît au conjoint survivant une réserve héréditaire égale au quart de la succession304. Pareille situation se rencontrait depuis longtemps dans de nombreuses législations étrangères, et ne devait pas, dans son principe, se heurter à trop de résistances. En revanche, la disparition de la réserve autrefois accordée aux père et mère305 est le fait de la loi du 23 juin 2006306. Le législateur n'y parvint qu'au prix de longues discussions entre les parlementaires, qui aboutirent à un texte de compromis.
Dans l'intervalle de temps qui sépara l'entrée en vigueur de ces deux textes, l'article 758 du Code civil a accordé aux ascendants autres que les père et mère une créance d'aliments contre la succession, à condition qu'ils soient dans le besoin307. La cohérence de l'ensemble était parfaite : les père et mère étant réservataires, point n'était besoin de les investir d'un droit à pension alimentaire. Les autres ascendants ne l'étant pas, ce droit à pension leur était reconnu. Malheureusement, la réforme de 2006 omit de modifier les termes de l'article 758, brisant, par cette omission, la logique du système. L'article 758 étant resté en l'état, les père et mère peuvent se retrouver dans une situation moins favorable que celle des autres ascendants, à savoir être privés de toute réserve, d'une part, et de tout droit à pension alimentaire, d'autre part !
– Solution du problème. – Une légère modification de l'article 758 du Code civil aurait permis de régler le problème. Or, plutôt que de choisir cette voie simple, le législateur de 2006 a imaginé une solution complexe et finalement moins protectrice. Il a accordé aux père et mère un droit de retour légal spécifique308, lequel suscite de nombreux questionnements non encore tranchés309, tant au niveau de ses conditions d'application (I) que de ses effets (II).

Les conditions d'application du droit de retour des père et mère

« Lorsque les père et mère ou l'un d'eux survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour, à concurrence des quotes-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, sur les biens que le défunt avait reçus d'eux par donation. » L'article 738-2, alinéa 1er du Code civil soumet le droit de retour légal des père et mère à deux conditions cumulatives, l'une tenant à la situation familiale (a) et la seconde à l'existence d'une donation (b). Une condition supplémentaire découle de la nature successorale de ce droit : père et mère doivent accepter la succession (c).
La situation familiale
La survie de l'ascendant donateur
– Condition de survie. – Le droit de retour légal ou conventionnel s'applique uniquement en cas de survie du père et/ou de la mère du donataire.
L'absence de postérité du descendant donataire
– Prédécès ou renonciation. – Le donataire ne doit pas laisser de descendance, soit qu'il n'en ait jamais eue, soit que tous ses descendants soient prédécédés. Mais qu'en est-il si tous les descendants renoncent à la succession ? La condition de l'absence de postérité est-elle défaillie ? La Cour de cassation assimile la renonciation des descendants à leur décès, et fait donc jouer le droit de retour légal dans cette hypothèse310. Cette solution est logique : le droit de retour a pour objet la conservation des biens dans leur « famille d'origine ». Que les descendants du donataire soient prédécédés ou renonçants, le risque de voir les biens donnés transmis en dehors de celle-ci est le même. Elle est, en outre, conforme à la lettre de l'article 738-2 du Code civil qui vise l'« absence de postérité » sans distinguer parmi les causes de cette absence.
– Indépendance des vocations successorales. – On sait que l'héritier par ailleurs institué légataire bénéficie d'un droit d'option distinct pour ses droits légaux et pour ses droits testamentaires, et peut donc renoncer à l'un et accepter l'autre. Le fait que les descendants soient bénéficiaires d'un legs et qu'ils l'acceptent est sans incidence sur la mise en jeu du droit de retour légal dès l'instant où ils ont renoncé à leur vocation successorale ab intestat.
La question du conjoint survivant
– Source de la controverse. – L'application du droit de retour légal des père et mère en présence d'un conjoint survivant fait l'objet d'une controverse doctrinale non tranchée.
– Thèse de l'exclusion. – Certains auteurs l'excluent, sur le fondement d'un argument de codification qui traduirait un changement de justification du droit de retour. La place de l'article 738-1 du Code civil dans une section intitulée « Des droits des parents en l'absence de conjoint successible » tend à l'exclure en présence de celui-ci. Écartant la traditionnelle idée de conservation du bien dans la famille, ces auteurs avancent une nouvelle justification du droit de retour légal des père et mère, qui manifesterait désormais l'expression de la solidarité familiale311. Comment, en effet, parler de conservation du bien au sein de la famille en présence d'un droit dont l'assiette, limitée à un quart, peut faire naître une indivision, au risque d'entraîner la vente et donc la sortie du bien de la famille ?
– Thèse de l'application. – D'autres, au contraire, font prévaloir la lettre du texte, qui accorde aux père et mère un droit de retour « en l'absence de postérité », sans y ajouter « et de conjoint » 312. Ces auteurs ne croient pas au changement de justification du droit de retour. À leurs yeux, elle demeure la conservation des biens dans la famille, et le droit de retour des père et mère est essentiellement utile en présence d'un conjoint. À défaut, il n'aurait de justification que dans les familles recomposées313. Ils ajoutent que si seule la solidarité familiale était en cause, le droit de retour des père et mère aurait acquis une fonction alimentaire qui ne justifierait son existence qu'à la condition qu'ils soient dans le besoin.
L'existence d'une donation consentie par les père et mère
– Une donation et rien d'autre. – Le droit de retour légal des père et mère a en principe pour objet les biens donnés par ces derniers. Il est donc inapplicable :
  • à des biens donnés par d'autres membres de la famille, grands-parents notamment ;
  • ou des biens reçus par succession.
La nature de la donation, rapportable ou hors part, importe peu, de même que la nature des biens. Il peut s'agir de biens meubles ou immeubles et même de biens fongibles comme les sommes d'argent.
L'acceptation de la succession par les père et mère
– Un droit successoral. – Le droit de retour légal des père et mère est un droit de nature successorale. Il en résulte notamment :
  • que les parents donateurs ne peuvent pas y renoncer par anticipation. Une telle renonciation s'analyserait comme un pacte sur succession future prohibé par l'article 722 du Code civil314 ;
  • qu'en cas de renonciation à la succession du donataire, les parents donateurs perdent le droit de retour légal. Frappés d'indignité, ils en sont également privés.
En revanche, par exception, le droit de retour légal ne donne pas lieu à perception de droits de mutation à titre gratuit315.
– Un droit très probablement d'ordre public. – Le droit de retour des père et mère aurait, selon la majorité de la doctrine, un caractère d'ordre public. D'une part, l'article 738-2 du Code civil dispose que le droit de retour s'applique « dans tous les cas ». D'autre part, le droit de retour légal des père et mère s'est substitué à leur ancienne réserve qui, elle, était indiscutablement d'ordre public316. Une réponse ministérielle lui reconnaît également ce caractère d'ordre public, lequel découle du fait que le droit de retour est « un substitut de réserve à vocation alimentaire »317. Si tel est le cas, les père et mère conserveraient donc leur droit de retour légal quand bien même le donataire les aurait exhérédés. Par voie de conséquence, le donataire ne pourrait y faire échec en léguant le bien donné par ses parents à son conjoint, partenaire ou concubin survivant (ou à toute autre personne) ou encore en l'instituant pour légataire universel318. À ce jour, cependant, la jurisprudence n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur le caractère impératif du droit de retour.

Le quantum et l'assiette du droit de retour des père et mère

Le quantum du retour
– Un quart indivis. – La loi n'impose le retour au profit des père et mère qu'à concurrence d'une fraction déterminée par référence à leur droit successoral légal en l'absence de descendants tel que prévu à l'article 738 du Code civil, soit un quart pour chacun des parents. En outre, et cela n'est pas un détail, droit de retour et vocation successorale légale des père et mère ne se cumulent pas : la valeur du droit de retour s'impute sur leurs droits successoraux.
L'assiette du retour
– Mais un quart de quoi ? – La question de l'assiette du droit de retour légal des père et mère n'est pas à ce jour résolue319. Deux thèses ont été proposées :
  • pour une doctrine majoritaire320, la fraction qui fait retour doit être appliquée à l'intégralité de l'actif net successoral, sans pouvoir dépasser la valeur du bien donné ; autrement dit, le droit de retour porte sur la totalité du bien donné si sa valeur ne dépasse pas le quart de l'actif successoral ;
  • mais une autre partie de la doctrine321 enseigne que la fraction qui fait retour doit être appliquée à la seule valeur du bien donné, sans pouvoir dépasser celle de l'actif net successoral.
Les travaux parlementaires préparatoires n'ont pas permis de lever le doute. Une intervention législative paraît s'imposer pour unifier ces interprétations divergentes, les situations visées n'étant pas des cas exceptionnels. Pour mettre un terme à toutes les incertitudes du droit de retour légal des père et mère, nos prédécesseurs, en 2010, ont proposé de supprimer purement et simplement le droit de retour légal des père et mère et de lui substituer, en contrepartie, un droit alimentaire viager322.
Pour ce qui nous concerne, nous nous bornerons à constater que tant l'existence de ce droit de retour que les incertitudes qui règnent sur sa mise en œuvre précarisent l'occupant survivant du logement du couple ou de la famille.

Outre-Quiévrain, point de retour

Une loi du 31 juillet 2017, réformant le droit successoral belge, a choisi la voie proposée par le 110e Congrès des notaires de France : la réserve des ascendants a été supprimée et remplacée par une créance alimentaire sur la succession, en cas de besoin. Dans ce droit pourtant très proche du nôtre, l'idée d'un droit de retour n'a pas été retenue.

Le droit de retour des collatéraux privilégiés

– Bref historique. – Depuis le 3 décembre 2001, si le défunt ne laisse ni enfant, ni descendant, ni père et mère, le conjoint survivant recueille la totalité de ses biens, dont le logement. Alors qu'il lui fallait jadis partager sa vocation successorale avec celle des collatéraux privilégiés (frères et sœurs et leurs descendants), il les évince désormais323. Pour compenser cette éviction, le législateur de 2001 a mis au point un mécanisme de compensation : les frères et sœurs du défunt et, à défaut, leurs descendants, bénéficient d'un droit de retour sur la moitié (indivise) des biens d'origine familiale reçus à titre gratuit par le défunt324.

Un retour des îles lointaines

La loi no 2019-786 du 26 juillet 2019 relative à la Polynésie française, en vigueur au 28 juillet 2019, introduit un particularisme local pour l'application, sur ce territoire, de l'article 757-3 du Code civil. Lorsque des biens immobiliers sont en indivision avec les collatéraux ou ascendants du défunt, ils sont dévolus en totalité à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission. Le conjoint survivant qui occupait effectivement le bien à l'époque du décès à titre d'habitation principale bénéficie toutefois d'un droit d'usufruit viager sur la quote-part indivise du bien incluse dans la succession.

Conditions du droit de retour légal des collatéraux ordinaires

– Notion de « biens d'origine familiale ». – Initialement limité aux biens que le défunt avait reçus de ses père et mère par donation ou succession, le législateur de 2006 a élargi le champ d'application du droit de retour des collatéraux privilégiés à l'ensemble des biens reçus à titre gratuit de ses ascendants325. Seuls en sont exclus les biens acquis des ascendants à titre onéreux.
– Absence de volonté contraire. – Par ailleurs, la doctrine s'accorde à reconnaître que ce droit de retour n'est pas d'ordre public326. Si le défunt a légué le bien reçu de ses ascendants ou consenti un legs de l'universalité de ses biens, les collatéraux privilégiés sont privés de leur droit de retour. Initialement, la Chancellerie avait refusé de reconnaître le caractère supplétif du droit de retour des frères et sœurs327, mais elle est rapidement revenue sur son analyse328.
– Existence des biens en nature. – L'exercice du droit de retour des collatéraux privilégiés se fait nécessairement en nature. Les biens reçus des ascendants doivent se retrouver dans la masse successorale. À défaut, l'assiette du droit de retour est inexistante : il n'y a pas, en pareil cas, de retour possible en valeur.

Effets du droit de retour légal des collatéraux privilégiés

Le conjoint survivant, s'il n'a qu'une vocation successorale légale, est donc moins bien protégé que le partenaire d'un pacte civil de solidarité bénéficiaire d'un testament. Les partenaires usent fréquemment du testament pour se protéger, aucune vocation successorale ne leur étant conférée par le législateur. Ainsi, le partenaire survivant légataire du logement pourra le conserver bien qu'il s'agisse d'un bien de famille. Il en ira de même si le partenaire a la qualité de légataire universel ou à titre universel. En revanche, le conjoint survivant, bien qu'ayant une vocation successorale universelle, devra laisser s'exercer le droit de retour légal des collatéraux privilégiés. La donation au dernier vivant conserve tout son intérêt.
– Naissance d'une indivision. – L'exercice du droit de retour légal des collatéraux privilégiés fait naître une indivision entre eux et le conjoint survivant. Les conséquences néfastes de cette situation sont bien connues : vente ou licitation du logement et, dans l'attente, versement d'une indemnité d'occupation, sauf application du droit annuel au logement du conjoint survivant, pendant les douze premiers mois, et hormis le cas où ce dernier peut se prévaloir du droit viager au logement.
– Bilan. – Les objectifs du législateur que sont la conservation des biens dans la famille d'origine, d'une part, et la protection a minima du logement du conjoint survivant, d'autre part, ne sont pas atteints.
– Suggestion d'amélioration. – Une solution aurait permis d'atteindre ces deux objectifs : prévoir une assiette plus large du droit de retour qui soit de la totalité des biens de famille et non pas de la moitié seulement, tout en octroyant au conjoint survivant l'usufruit des mêmes biens ou, a minima, du bien constituant le logement qu'il occupait avec le défunt au moment du décès. Cette proposition de M. Leveneur n'a pas été retenue par le législateur329.

Le droit de retour dans la succession de l'adopté simple

Son principe

La succession de l'adopté simple décédé sans conjoint et sans postérité fait l'objet d'une dévolution successorale particulière330 : chaque famille, d'origine et adoptive, exerce la reprise des biens qui en sont issus et que le défunt avait reçus à titre gratuit ; les autres sont à répartir par moitié entre les deux familles ; une indivision se crée donc à leur égard.

Ses conditions

La situation familiale
– De l'adopté. – Le défunt ne doit laisser ni descendance ni conjoint survivant.
– De l'adoptant. – Les bénéficiaires sont, dans chaque famille, les père et mère et, en cas de prédécès, leurs descendants, frères et sœurs du défunt.
L'origine et l'existence des biens
– Origine : les biens reçus à titre gratuit. – Sont concernés par ce droit de retour les biens reçus par l'adopté simple de ses parents d'origine ou de l'adoptant par donation ou succession.
– Existence : retour en nature uniquement. – Le retour en valeur ne se conçoit pas ici ; seuls peuvent faire l'objet d'un retour les biens qui se retrouvent en nature. S'ils ont été aliénés du vivant de l'adopté ou légués, le droit de retour est privé d'objet.
L'acceptation de la succession
– Un droit successoral. – Ce droit de retour est de nature successorale. C'est pourquoi :
  • si un héritier renonce à la succession de l'adopté simple, il perd son droit de retour. Sa renonciation vient alors accroître, selon le cas, la part des seuls héritiers de la famille à laquelle il appartient (famille d'origine ou famille de l'adoptant) ;
  • chaque héritier, quelle que soit la famille à laquelle il appartient, doit contribuer au passif successoral dans la même proportion que ses droits dans la succession de l'adopté ;
  • chaque héritier doit aussi les droits de mutation à titre gratuit calculés sur le total de sa part, incluant donc les biens faisant l'objet du droit de retour légal.
Là encore, si un droit de retour conventionnel a été prévu dans l'acte de donation, il l'emporte sur le droit de retour légal, à condition de s'exercer sur la totalité du bien.

Logement commun : frères et sœurs, soyez prévoyants !

Il peut arriver que des frères et sœurs célibataires et sans enfants partagent le même domicile. Faute pour l'adopté d'avoir préparé sa succession, son frère ou sa sœur fera les frais du droit de retour. Il risque d'être ainsi privé de son logement.

Le droit de retour conventionnel

– Fondement textuel. – L'article 951 du Code civil, tel que modifié par la loi du 23 décembre 2006, dispose que : « Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants ». Et il ajoute : « Ce droit ne pourra être stipulé qu'au profit du donateur seul ».
– Différences avec le droit de retour légal. – Le droit de retour stipulé dans une donation comporte des différences importantes avec le droit de retour légal. Quant à ses effets notamment : la donation se trouve rétroactivement anéantie, et le bien donné réintègre le patrimoine du donateur en quelque main qu'il puisse se trouver. D'autres différences importantes avec le droit de retour légal méritent d'être soulignées. Elles s'apprécient, d'une part, quant à la condition d'absence de postérité (A) et, d'autre part, quant aux conséquences des renonciations pouvant survenir (B).

L'absence de postérité dans le droit de retour conventionnel

– En présence ou en l'absence de descendants. – Pour l'application du droit de retour légal, le donataire ne doit pas laisser de descendance. Cette condition n'est pas obligatoirement requise dans le cadre du droit de retour conventionnel. Le donateur peut donc se réserver un droit de retour dès l'instant où le donataire est prédécédé, qu'il laisse ou non des descendants. Au donateur de choisir, au moment de la donation, si le droit de retour s'appliquera même si le donataire laisse des descendants ou si ces derniers doivent également être prédécédés.

Renonciations et droit de retour

– Renonciation des descendants à la succession du donataire. – Lorsqu'un donateur entend se réserver un droit de retour en cas de prédécès du donataire sans postérité, il est souhaitable d'attirer son attention sur l'intérêt d'envisager, au sein même d'une clause idoine, le cas de la renonciation par un descendant à la succession du donataire. À défaut il sera fait application de la jurisprudence précitée qui assimile cette renonciation à l'absence de postérité.
– Renonciation du donateur à la succession du donataire. – En pareille hypothèse, le donateur :
  • perd son droit de retour légal, car la renonciation à succession emporte la perte de tous les droits attachés à la qualité d'héritier ;
  • conserve son droit de retour conventionnel, qui n'est pas de nature successorale, mais conventionnelle.
– Renonciation anticipée au droit de retour. – De même, et en raison de leur différence de nature, une renonciation par le donateur au droit de retour conventionnel qu'il s'était réservé est possible (et très usuelle). En revanche, aucune renonciation au droit de retour légal ne peut être valablement effectuée avant le décès du donataire.
– Forme de la renonciation. – On a pu s'interroger sur le point de savoir si la renonciation à un droit de retour conventionnel, stipulé dans un acte, par hypothèse authentique de donation, devait ou non être effectuée en la forme authentique. S'agissant d'une convention détachable de l'acte de donation, la réponse est négative.

Le droit de retour sur un bien ayant fait l'objet d'additions ou d'améliorations

1. Comment procéder si le bien objet du droit de retour non seulement se retrouve en nature, mais a fait l'objet d'améliorations ou d'additions ? La pratique rencontre fréquemment de telles situations, et notamment la construction sur un terrain reçu par donation ou succession331.
2. Pour la majorité de la doctrine, le bénéficiaire du droit de retour en profitera sans devoir aucune indemnité à la succession. En revanche, si les travaux ont été financés en tout ou partie par le conjoint du donataire ou de l'héritier, il faudra tenir compte des droits de celui-ci, qui varient selon le régime matrimonial, l'importance de sa contribution (ou de sa surcontribution) au coût des améliorations et les clauses éventuelles de son contrat de mariage. Sur ces questions, et sur les maléfices de la clause dite de « contribution au jour le jour aux charges du mariage », on consultera avec profit le rapport du 118e Congrès des notaires de France332.