– Obligations du preneur (autre qu’opérateur). – Outre l’obligation de payer la redevance, le preneur est débiteur des obligations classiques de tout preneur en matière de travaux, d’entretien, d’assurance, qui sont décrites par l’article L. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation auquel nous renvoyons simplement, ce texte n’appelant pas de commentaires particuliers.
Effets du BRS à l’égard des parties
Effets du BRS à l’égard des parties
Rapport du 119e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2023
– Obligations de l’OFS bailleur. – L’OFS n’a pas d’autre obligation particulière que celles classiques d’un bailleur d’un bail constitutif d’un droit réel, qui dépendent de la nature de l’immeuble grevé tel qu’existante au moment de la mise en place du BRS initial (terrain à bâtir, ou logement existant) :
- obligation de délivrance (qui suppose en pratique de décrire l’immeuble objet du bail dans les mêmes conditions qu’une vente) ;
- obligation de jouissance paisible, équivalence en matière de baux de la garantie d’éviction en matière de vente ;
- obligation de garantie des vices cachés, qui résulte notamment du fait que l’article L. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose que le preneur « n’est pas obligé de reconstruire [ les constructions existantes et celles qui auront été édifiées ] s’il prouve qu’elles ont… péri par le vice de la construction antérieure au bail » ;
- obligation d’indemniser la valeur des droits réels à l’arrivée du terme ou de résiliation du BRS quelle qu’en soit la cause, selon les modalités fixées au contrat (V. infra, no ).
Une durée rechargeable
– Durée initiale comprise entre 18 et 99 ans. – La durée est fixée entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans de manière assez classique s’agissant d’un bail constitutif de droit réel, sans aucune faculté de résiliation unilatérale de la part de l’OFS en dehors des cas prévus par le Code de la construction et de l’habitation, ni possibilité de tacite reconduction756.
– Durée rechargeable. – Ce qui est totalement innovant est le concept de rechargement fixé à l’article L. 255-12 du Code de la construction et de l’habitation selon lequel, dès lors que le nouveau titulaire du BRS a bien été agréé, « la durée du bail est de plein droit prorogée afin de permettre à tout nouveau preneur de bénéficier d’un droit réel d’une durée égale à celle prévue dans le contrat initial ».
Ainsi, sous réserve que la durée initiale ne soit pas trop courte et que le preneur initial reste titulaire du BRS pendant toute cette durée jusqu’au terme du contrat (ce qui sera rarement le cas, la pratique constatée étant des BRS consentis pour des durées comprises entre 80 et 99 ans), le droit de propriété sur le logement résultant du BRS est perpétuel tant que l’OFS n’y met pas fin par préemption ou résiliation.
Des contreparties financières en partie plafonnées
– Double contrepartie. – Le BRS a deux contreparties financières : le prix de la cession des droits réels, ou prix de l’accession à la propriété du logement, objet des droits réels conférés, et la redevance foncière.
– Prix des droits réels réglementé. – Le prix des droits réels est plafonné (I), mais la redevance est libre (II) sous réserve qu’elle respecte l’article L. 255-8 du Code de la construction et de l’habitation selon lequel son « montant tient compte des conditions d’acquisition du patrimoine par l’organisme de foncier solidaire et, le cas échéant, des conditions financières et techniques de l’opération de construction ou de réhabilitation des logements et des conditions d’occupation des logements, objet du bail réel solidaire ».
Le prix de l’accession réglementé
– Plafonnement par zones du territoire. – Conséquence naturelle du plafonnement des ressources des ménages éligibles au BRS, le prix d’accession à la propriété du logement, ou de cession des droits réels conférant cette accession, est lui-même plafonné par les articles L. 255-2 et R. 255-1 du Code de la construction et de l’habitation, renvoyant aux mêmes articles et au même arrêté de 2004, utilisé pour les plafonds de ressources757.
Plafonds de prix pour l’accession en BRS
Pour 2023, ces plafonds sont les suivants (en euros, par mètre carré de surface utile) :
ZONE GÉOGRAPHIQUE | PRIX MAXIMUM en euros/m² habitable |
---|---|
A Bis | 5 502 |
A | 4 168 |
B1 | 3 338 |
B2 | 2 914 |
C | 2 548 |
– Différenciation selon le mode d’accession à la propriété en BRS. – Simple et claire en ce qui concerne la fixation du premier prix d’accession dans le cadre d’un BRS direct entre l’OFS et le premier ménage accédant, la question du plafond devient plus complexe dans le cas de la cession des droits réels.
Lorsque l’accédant signe un BRS directement avec l’OFS, conformément à l’article L. 255-2 du Code de la construction et de l’habitation, ce contrat qui n’est pas une vente, n’est pas soumis à la TVA758 et bénéficie d’une fiscalité qui lui est propre. Dans ce cas, la règle du plafond ci-dessus fixé s’applique simplement.
Lorsque l’accédant signe une cession des droits réels créés par un BRS préexistant, cette cession peut être opérée à son profit soit par un opérateur dans le cadre de l’article L. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation, soit par un précédent ménage. Tant juridiquement que fiscalement, l’opération est assimilée à une vente d’immeuble. Elle est donc soumise à TVA au taux de 5,5 % si le vendeur est un assujetti et si le logement est en état futur d’achèvement ou neuf. Dans ces cas, une règle anti-spéculative fixée à l’article R. 255-3 du même code vient encadrer le prix de cession des droits réels.
Dans le cas d’un opérateur cédant, le prix de cession sera fixé d’un commun accord avec l’OFS et ne devra pas être supérieur au plafond des prix en accession PSLA ci-dessus visés.
Dans le cas d’une cession entre particuliers, le prix ne peut excéder le prix d’acquisition révisé par application d’un indice et majoré de la valorisation des travaux d’amélioration effectués entre l’acquisition et la cession (selon des modalités prévues dans le BRS), sans que cette règle permette de dépasser le plafond des prix en accession PSLA ci-dessus visés.
Mais ces règles anti-spéculatives ne vont pas sans quelques difficultés de compréhension.
Le BRS, un contrat anti-spéculatif par essence
Les dispositions de l’article R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation soumettent la cession des droits réels tirés d’un BRS à une règle anti-spéculative.
CCH, art. R. 255-3 : « En cas de mutation, le prix de cession des droits réels, parts et actions permettant la jouissance du bien n’excède pas le prix d’acquisition des droits réels, actualisé par application de la variation d’un indice choisi par l’organisme de foncier solidaire, et majoré de la valorisation des travaux effectués entre l’acquisition et la cession. Les modalités de valorisation et la nature des travaux sont déterminées par le bail réel solidaire liant le preneur et l’organisme de foncier solidaire.
Le contrat de bail peut fixer une méthode d’évaluation du prix de cession des droits réels, parts et actions permettant la jouissance du bien.
Le prix ainsi convenu ne peut excéder celui défini à l’article R. 255-1, lequel s’entend pour son montant, taxe sur la valeur ajoutée en vigueur au moment de la mutation comprise. »
Ce texte pose cependant deux difficultés d’interprétation :
1. La question du dépassement du plafond de l’article R. 255-1 en cas d’application du plafond légal de l’article R. 255-3, alinéa 1
Le premier alinéa de l’article R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation pose le principe qu’en cas de cession, le prix ne peut pas dépasser le prix d’acquisition initial des droits réels, majoré de l’indice choisi par l’OFS et des éventuels travaux réalisés par le cédant selon des modalités fixées par le contrat. Étant rappelé que le prix d’acquisition initial est celui fixé dans le respect du plafond de l’article R. 255-1 du même code.
Le deuxième alinéa de cet article autorise cependant une autre méthode d’évaluation, sur laquelle il ne fournit aucun détail.
Le troisième alinéa, quant à lui, institue un plafonnement. Mais que plafonne-t-il au juste ? Le prix de cession déterminé conformément à l’alinéa 2, c’est-à-dire par une autre méthode que celle suggérée par l’alinéa 1 ? Ou le prix de cession déterminé soit par la méthode légale prévue à l’alinéa 1, soit par celle conventionnelle prévue à l’alinéa 2 ? En d’autres termes, le troisième alinéa de l’article R. 255-3 réfère-t-il seulement à l’alinéa 2, ou indifféremment aux alinéas 1 et 2, ce que pourraient laisser penser les termes « le prix ainsi convenu ».
À notre sens, l’alinéa 3 ne vient réguler le prix obtenu que dans le cas d’une convention des parties, et ne s’applique donc qu’au prix déterminé par application de l’alinéa 2. Le premier alinéa fixe un plafond, et non pas une libre convention, de sorte qu’il est assez légitime de penser que les termes « le prix ainsi convenu » ne peuvent pas s’appliquer à l’alinéa 1.
Notons, à titre de comparaison légistique :
- que l’article L. 255-11 du Code de la construction et de l’habitation dispose clairement à son troisième alinéa que « les règles fixées aux alinéas précédents sont prescrites à peine de nullité de la vente ou de la donation » : le cas d’une application à plusieurs alinéas est clairement identifié ;
- et que l’article suivant, L. 255-11-1, indique à son alinéa 2 que : « Les règles fixées au premier alinéa du présent article sont prescrites à peine de nullité de la vente » : là encore, la précision de l’application à l’alinéa précédent figure, alors même qu’elle semble superfétatoire car n’y a que deux alinéas dans cet article.
Ce qui devrait bien signifier que, faute de précision, l’application du 3e alinéa de l’article R. 255-3 au premier alinéa est loin d’être évidente.
L’enjeu est évidemment très important. Compte tenu des risques pour la validité des contrats, la pratique a pris une position de prudence en appliquant le troisième alinéa comme un plafond absolu. C’est ce que signifie la notion de double plafonnement utilisée par la plupart des commentateurs759. Ce qui veut dire que ni l’indice, ni la valorisation des travaux ne peuvent permettre de dépasser le plafond de l’article R. 255-1. Dans l’hypothèse d’un prix initial égal au plafond, cette solution n’est pas logique, car le premier accédant a non seulement payé un prix initial égal au plafond, mais a pu également procéder à des travaux qu’il ne pourra pas valoriser.
2. Problème posé par l’article R. 255-3, alinéa 3 en cas d’application de la TVA au prix de cession
L’alinéa 3 de l’article R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation prévoit ensuite que le plafond défini à l’article R. 255-1 du même code « s’entend pour son montant, taxe sur la valeur ajoutée en vigueur au moment de la mutation comprise ».
Or le tableau de l’annexe II de l’arrêté de 2003 indique des montants hors taxes, comme le précise l’article 3 de cet arrêté dans les termes suivants : « Le prix de vente maximum mentionné au II du même article est fixé, en euros par mètre carré de surface utile, au montant défini à l’annexe II au présent arrêté, selon les zones définies à l’article D. 304-1, majoré du montant de la taxe sur la valeur ajoutée applicable ».
D’où une forte ambiguïté d’interprétation de la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation en présence des cas où un opérateur doit céder des droits réels sur des logements neufs à des prix fixés à la limite du plafond :
- soit l’on considère que « lequel s’entend pour son montant, taxe sur la valeur ajoutée en vigueur au moment de la mutation comprise » signifie qu’il faut ajouter la TVA au montant du tableau, conformément à l’article 3 de l’arrêté. Donc que le prix maximum TTC est celui du tableau majoré de la TVA ;
- soit l’on considère que cette phrase signifie que le plafond indiqué comme hors taxes dans le tableau de l’annexe II de l’arrêté doit s’entendre TTC. Donc que le prix maximum TTC est celui du tableau HT, sans majoration de la TVA.
Le débat reste ouvert, et les avis des praticiens divergent, chacun réagissant en faveur de l’une ou l’autre des interprétations comme si elle était évidente760.
Mais, comme pour le questionnement précédent, la prudence semble imposer à la pratique la solution plafonnant les prix TTC au plafond HT du tableau sans majoration de la TVA. L’argument en faveur de cette solution est que le premier ménage qui achèterait moyennant un prix HT égal au plafond HT perdrait cette TVA à la revente, car alors le fameux plafond s’appliquera sans qu’il y ait de TVA… sauf si l’on considère que l’alinéa 3 de l’article R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation ne s’applique pas à l’alinéa 1…
Par ailleurs, il faut noter que la perte de la TVA pour le premier accédant n’est pas nécessairement très douloureuse, car il a payé des frais réduits, contrairement au ménage suivant qui paiera un prix majoré des frais comprenant les droits d’enregistrement usuels entre particuliers de 5,80 % (sauf exception selon les départements).
La redevance foncière libre
– Redevance foncière non réglementée. – Aucune précision n’est apportée par les dispositions réglementaires sur les modalités de fixation du montant de cette redevance ou son indexation qui reste possible conformément aux règles bien connues761. En pratique, l’OFS établit le montant de cette redevance en fonction de son mode de financement (principalement le prêt Gaïa de la Caisse des dépôts et consignations) et des coûts de gestion.
Le niveau constaté est généralement de l’ordre de 2 à 2,50 € par mètre carré habitable et par mois, certaines opérations dont les fonciers sont très peu chers pouvant générer des redevances très faibles (entre 0,15 € et 1 € par m²/mois), le maximum étant de l’ordre de 3,50 €. L’arbitrage est à faire en fonction des ménages ciblés : augmenter la redevance permet de réduire les prix d’accession (qui sont financés par les ménages sur vingt ou vingt-cinq ans, alors que la redevance permet à l’OFS de financer la part foncière qu’il porte sur quatre-vingts ans), mais diminue la capacité d’épargne forcée des ménages.
L’attention des rédacteurs est attirée sur le fait qu’il faut éviter de convenir d’une redevance à la mesure, et la stipuler clairement forfaitaire, même si les présentations sont souvent faites en valeur/m² habitable.
L’article L. 255-8 du Code de la construction et de l’habitation ajoute que le preneur ne peut se libérer de la redevance en délaissant l’immeuble, ce qui semble être une précision relativement inutile dès lors que le même article dispose qu’« à défaut pour le preneur d’exécuter ses obligations contractuelles, notamment en cas de défaut de paiement de la redevance, le bail est résilié, après indemnisation de la valeur des droits réels immobiliers tenant compte du manquement ayant entraîné la résiliation du bail, selon les modalités prévues au contrat ».
– Bien comprendre la contrepartie du contrat signé (BRS ou cession des droits réels de BRS). – La bonne compréhension de ces deux contreparties est essentielle à l’application de la fiscalité des contrats : le BRS en tant que tel comprend ces deux contreparties, le contrat de cession des droits réels ne comprend que la contrepartie du prix de cession, la redevance étant un élément attaché aux droits réels cédés.
Les facteurs clés du succès d’une commercialisation en BRS
Le succès d’une opération de BRS résultera, en premier lieu, de la bonne compréhension du montage par les accédants, ce qui nécessite de faire preuve de pédagogie lors de la commercialisation. Cette information est d’ailleurs due de la part des OFS au titre de l’obligation générale d’information imposée par l’article 1112-1 du Code civil. Il dépendra également de la bonne identification de la cible de ménages susceptibles de pouvoir accéder à la propriété d’un logement par ce biais. Mais le succès est surtout lié au positionnement du produit BRS sur le marché local et à la capacité des ménages à être financés.
1. Positionnement de marché : une décote significative, mais pas trop importante, par rapport au marché libre. Compte tenu des contraintes résultant du régime du BRS, le prix d’accession à la propriété du logement (à payer en cas de BRS direct ou en cas de cession par un opérateur) doit être fixé dans le respect du plafond évoqué ci-dessus, mais à un niveau de décote suffisamment attractif par rapport au marché libre. Ce point est fondamental, et a tendance à être oublié par certains acteurs des politiques locales du logement qui cèdent à l’engouement en faveur du BRS en ne regardant que les avantages qu’il leur procure : maîtrise des prix sur la durée.
Pour qu’une commercialisation en BRS puisse réussir, il faut que les ménages cibles aient un réel intérêt à accéder à la propriété en BRS. Le BRS doit leur permettre d’accéder à la propriété d’un logement qui leur convient, et qu’ils ne pourraient pas obtenir autrement. Il faut donc que le prix d’accession soit suffisamment décoté par rapport au marché libre neuf ou ancien (sous réserve du coût de rénovation des logements anciens), et ne pas être en concurrence avec des territoires peu éloignés qui permettraient une accession en pleine propriété.
Point d’attention néanmoins : la réglementation du BRS supprime la loi du marché à la hausse… mais pas à la baisse ; si le marché libre chute et que la décote devient insuffisante, le marché en BRS disparaîtra faute d’intérêt des accédants.
La pratique constatée est une décote minimum de 25 % (même si des programmes ont été commercialisés à 15 % de décote), généralement constatée entre 30 et 40 %. À Paris, le marché est trop atypique pour servir de référentiel, le plafond des prix est de 5 502 €/m² utile générant une décote très importante qui risque de créer d’autres problèmes : si l’idée est de favoriser un parcours résidentiel en permettant à des locataires de sortir par le haut en accédant à la propriété en BRS, puis aux accédants en BRS d’en sortir pour accéder à la pleine propriété, un écart trop important risque de bloquer les premiers accédants en BRS qui ne pourront pas en sortir pour aller ailleurs en pleine propriété…
2. Identifier les banques locales susceptibles de financer les accédants. Les ménages, respectant les critères ci-dessus, doivent pouvoir se financer. Titulaires d’un droit réel, par définition susceptible de pouvoir être hypothéqué et saisi, ils devront avoir recours à un emprunt bancaire.
Sans revenir sur les contraintes posées par le Haut Conseil de stabilité financière762, après avoir rappelé que l’accession en BRS était éligible au prêt à taux zéro PTZ763, il est essentiel de comprendre que les banques de réseau traditionnelles ne sont pas en mesure d’émettre un prêt pour une accession en BRS sans une validation politique et stratégique de leur siège, car une saisie immobilière sera la plupart du temps impossible à mettre en œuvre en raison du plafond de prix de cession des droits réels et du nécessaire agrément par l’OFS de tout nouveau titulaire d’un BRS. Au cas où la banque proposerait une garantie sous forme de cautionnement d’un établissement financier, le problème reste le même en se déplaçant sur l’établissement de cautionnement : son recours ultime est en effet l’inscription d’une hypothèque judiciaire et une saisie immobilière. Il est donc indispensable, avant tout lancement commercial d’un programme en BRS, que l’OFS ait pu identifier un ou plusieurs établissements bancaires susceptibles d’offrir des prêts immobiliers aux ménages souhaitant accéder en BRS. Ce qui suppose, dans un certain nombre de cas, une convention passée entre la banque ou l’établissement de cautionnement et l’OFS pour convenir par différentes clauses du BRS d’un mode de sortie amiable d’un ménage en difficulté. Les pratiques sont en cours de stabilisation, le réseau Foncier Solidaire France essayant de jouer un rôle auprès des banques pour normaliser cette question.
L’obligation d’usage de résidence principale et la possibilité ou non de louer le logement
L’obligation légale de résidence principale
Le logement, objet du BRS, existant, à construire, à réhabiliter ou à rénover, doit constituer la résidence principale de son occupant, qu’il soit le titulaire du BRS ou un locataire764. Bien que la loi ne le précise pas, cette notion nous semble devoir être celle définie à l’article 2 de la loi de 1989765 : la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure766.
S’agissant d’une obligation essentielle dont le non-respect peut entraîner la résiliation du BRS, les OFS stipulent dans leurs modèles des clauses de vérification (taxe d’habitation notamment).
Cette obligation ne fait donc pas obstacle à l’exercice d’activités accessoires qui ne sont pas de nature à mettre en cause ce caractère de résidence principale, comme la domiciliation de sociétés, les activités autorisées à domicile (garde d’enfants notamment) et la location saisonnière accessoire de moins de quatre mois.
La possibilité d’inclure des lots accessoires dans un BRS
Les lots accessoires au logement, caves, stationnements voitures ou vélos, peuvent faire partie du BRS, à titre d’accessoire du logement, mais en attirant bien l’attention des preneurs sur le fait que ces lots sont « encapsulés » avec le logement dans le contrat de BRS, sans pouvoir être cédés séparément, car un BRS ne peut pas avoir pour seul objet un lot accessoire à un logement. Il peut donc être utile de s’interroger sur le fait de laisser ces lots accessoires, notamment les emplacements de stationnement, en pleine propriété en les vendant séparément du BRS.
La possibilité conventionnelle de louer
L’article L. 255-2 du Code de la construction et de l’habitation dispose en son alinéa 3 que : « Le contrat de bail peut, en fonction de ses objectifs et des caractéristiques de chaque opération, prévoir que le preneur doit occuper le logement objet des droits réels sans pouvoir le louer ».
La possibilité pour le ménage, preneur du BRS et occupant du logement dont il est propriétaire, de louer son logement dépend donc de la politique et de la stratégie fixées par l’OFS pour l’opération concernée. Le constat est assez partagé : dans les zones très tendues, où les décotes sont importantes, la possibilité de louer est souvent supprimée. Mais cette suppression de la possibilité de louer pose un problème compétitif pour le BRS dans les zones moins tendues où il est nécessaire de ne pas trop dégrader l’accession à la propriété en BRS par rapport à l’accession en pleine propriété.
L’inconvénient d’autoriser la location est que le régime locatif est celui de la loi de 1989, qui donne au locataire des droits importants, notamment de maintien dans les lieux. Or, en cas de cession ou de succession, la présence d’un locataire en droit de se maintenir dans les lieux peut faire obstacle à l’accession au logement de ménages sous plafond de ressources PSLA, qui n’ont pas vocation à être des investisseurs locatifs dans le cadre d’un BRS.
Par ailleurs, même si le BRS interdit la location, rien n’empêche l’OFS de l’accepter par avenant dans des circonstances particulières.
Point d’attention
La possibilité de louer de l’article L. 255-2 du Code de la construction et de l’habitation n’est encadrée par aucune règle plafonnant les revenus des locataires et les loyers, l’article R. 255-2 du même code ne mettant en place de tels plafonds que pour les locations consenties dans le cadre d’un BRS Opérateur locatif de l’article L. 255-4 dudit code. Si l’OFS entend autoriser la location, le rédacteur du BRS devra encadrer avec soin les conditions de celle-ci.
Précisions relatives à la location du logement objet d’un BRS
1. Problématique fiscale de la location pour l’OFS
Dans la suite des précédents régimes de TVA à taux réduit en faveur du logement social ou de l’accession aidée à la propriété767, l’article 284, IV du Code général des impôts, mis en place dans le cadre de la TVA à taux réduit dont bénéficie le montage en BRS, dispose que : « Les organismes de foncier solidaire sont tenus au paiement du complément d’impôt lorsque les conditions auxquelles est subordonné l’octroi des taux réduits appliqués conformément au 4° du III de l’article 278 sexies ou au 5° du I de l’article 278 sexies A ne sont pas remplies dans les cinq ans qui suivent le fait générateur de l’opération ou cessent d’être remplies dans les quinze ans qui suivent l’acquisition des droits réels par la personne qui occupe le logement. (…) ».
Ainsi, si le BRS prévoit la faculté de location et que le ménage cédant met en œuvre cette option pendant les quinze premières années de la prise effet du BRS, le risque est de devoir rembourser l’écart de taux de TVA (14,5 % !), après application d’un abattement de 10 % du différentiel à compter de la cinquième année. Bien que le commentaire de ce texte au BOFiP
768 indique que « tel est le cas notamment lorsque le logement cesse de faire l’objet d’un bail réel solidaire ou n’est plus affecté à l’usage de résidence principale », la lettre même du texte visant les quinze ans qui suivent « l’acquisition des droits réels par la personne qui occupe le logement » laisse penser que c’est bien le titulaire du BRS qui doit occuper le logement. D’où la grande prudence des OFS qui sont bien alertés sur ce sujet.
Un amendement correctif a été déposé lors de l’examen de la loi de finances pour 2022, mais non retenu769.
2. L’héritier agréé du preneur du BRS peut-il louer ?
Nous verrons infra qu’en cas de décès du preneur du BRS, l’article L. 255-14 du Code de la construction et de l’habitation dispose que : « Les droits réels afférents au bien objet du bail réel solidaire sont transmis à son ayant droit. Le bail fait l’objet de plein droit d’une prorogation de telle manière que l’ayant droit bénéficie d’un bail d’une durée identique à celle prévue dans le bail initial, s’il répond aux conditions d’éligibilité mentionnées à l’article L. 255-2, L. 255-3 ou L. 255-4 ». Le problème relativement à la location vient :
- de la rédaction finale de cet article et du « ou » qui laisse penser qu’un BRS L. 255-2 pourrait être transmis à un ayant droit remplissant les conditions d’éligibilité de l’article L. 255-4 (lequel article relatif au BRS Opérateur locatif ne fixe d’ailleurs aucune condition d’éligibilité à l’égard du titulaire du BRS, comme l’article L. 255-3…) ;
- du premier alinéa de l’article R. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation qui dispose qu’« en application de l’article L. 255-14, l’ayant droit précise à l’organisme son intention d’occuper ou de donner le bien en location ».
Certains considèrent donc que l’ayant droit a la possibilité de louer, alors même que le BRS dont les droits réels sont transmis n’autoriserait pas la location.
Notre avis n’est pas celui-ci : nous considérons, d’une part, que le « ou » de la phrase de l’article L. 255-14 distingue les cas de BRS à transmettre, mais ne permet pas à un preneur de BRS de changer à son gré le statut du BRS, selon qu’il ressort de l’article L. 255-2, L. 255-3 ou L. 255-4. Sauf avenant consenti par l’OFS, qui est toujours possible, le preneur à son seul gré ne nous semble pas pouvoir modifier le type de BRS signé. C’est un principe de base du droit, repris par l’adage nemo plus juris déjà évoqué770.
D’autre part, s’agissant de l’article R. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation, notre avis est que si l’OFS a interdit la location dans le contrat initial, cette obligation suit les titulaires du contrat, sauf avenant particulier. Sinon, la phrase de l’article L. 255-2 du même code n’a aucun sens, étant rappelé qu’un décret ne peut pas modifier un texte de loi.
La conservation de la valeur du logement en cas fin du contrat
Autre particularité importante du BRS, la valeur du droit de propriété du logement reste dans le patrimoine du preneur et donne droit à une indemnisation par l’OFS dans tous les cas de fin du BRS, selon les modalités fixées au contrat.
C’est ce qu’affirment de manière très claire les six articles relatifs à la question de la fin ou de la résiliation du BRS :
- en cas de sinistre sans reconstruction de l’immeuble : « En cas de sinistre entraînant résiliation du bail, le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels, dans les conditions prévues par le bail » (CCH, art. L. 255-7, al. 7) ;
- en cas de résiliation pour faute : « À défaut pour le preneur d’exécuter ses obligations contractuelles, notamment en cas de défaut de paiement de la redevance, le bail est résilié, après indemnisation de la valeur des droits réels immobiliers tenant compte du manquement ayant entraîné la résiliation du bail, selon les modalités prévues au contrat » (CCH, art. L. 255-8, al. 2) ;
- en cas de refus d’agrément lors d’une cession : « Le bail réel solidaire peut être résilié conventionnellement et le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels immobiliers, dans les conditions prévues par le bail » (CCH, art. L. 255-13) ;
- en cas de refus d’agrément lors d’une succession : « À défaut de cession dans ces délais, le bail réel solidaire est résilié et l’ayant droit est indemnisé par l’organisme de foncier solidaire de la valeur de ses droits réels immobiliers, dans les conditions prévues par le bail » (CCH, art. L. 255-14, al. 3) ;
- en cas de préemption : « Le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels immobiliers dans le respect des modalités de calcul du prix de vente stipulées dans le bail et de la valeur maximale mentionnée à l’article L. 255-5 » (CCH, art. L. 255-15, al. 2) ;
- en cas d’expiration du BRS : « À l’expiration du bail, les droits réels immobiliers du preneur deviennent la propriété de l’organisme de foncier solidaire après indemnisation de la valeur de ses droits réels immobiliers, dans les conditions prévues par le bail et dans la limite de la valeur maximale mentionnée à l’article L. 255-5 » (CCH, art. L. 255-16, al. 1) ;
L’article R. 255-5 du Code de la construction et de l’habitation rappelle que la méthode de calcul des indemnités doit figurer dans les BRS : « Les méthodes d’évaluation des indemnisations de la valeur des droits réels prévues aux articles L. 255-7, L. 255-8 et L. 255-13 à L. 255-16 sont prévues par le contrat de bail », ce qui en soi n’apporte rien par rapport aux textes cités… Mais cet article ajoute que « le preneur est indemnisé dans un délai de six mois à compter de la notification par l’organisme de foncier solidaire de sa décision conduisant à indemnisation ou à compter de la date d’expiration du bail ».
Les cas de fin et de résiliation n’appellent pas de remarques particulières en dehors de celles suivantes relatives au cas du sinistre (I), à la procédure de résiliation pour faute (II) et à la pratique de la décote et de la clause de rencontre mises en place par de nombreux OFS (III), ainsi qu’à la question du sort des baux en fin de BRS (IV).
Cas du sinistre
Comme nous l’avons vu, et de manière classique, l’article L. 255-7 du Code de la construction et de l’habitation impose au preneur une obligation de maintien en bon état d’entretien et de réparations, avec une obligation de reconstruction (qui est couverte par les assurances multirisques usuelles) sauf destruction par cas fortuit ou force majeure, ou par un vice de la construction antérieur au bail.
Par ailleurs, les modèles existants de BRS prévoient à l’instar de la pratique des baux à construction une résiliation du BRS en cas d’impossibilité de reconstruction.
Ainsi, « en cas de sinistre entraînant résiliation du bail, le preneur est indemnisé de la valeur de ses droits réels, dans les conditions prévues par le bail ». De manière logique, dans un tel cas, le BRS étant résilié du fait de la disparition de son objet, il est prévu que l’indemnité d’assurance soit versée à l’OFS qui doit à son tour indemniser le preneur du fait de la résiliation. Or la pratique fixe la plupart du temps l’indemnité au montant du prix d’acquisition des droits réels, indexés, mais dans la limite de l’indemnité d’assurance perçue. Ce qui laisse au moins deux questions non traitées, sur lesquelles les notaires doivent attirer l’attention de leurs clients OFS :
- d’une part, l’OFS doit verser l’indemnité dans les six mois de la date d’expiration du bail (qui n’est pas forcément à la date à laquelle il aura perçu l’indemnité), ce qui peut générer une difficulté importante de trésorerie ;
- d’autre part, plafonner l’indemnité au montant de l’assurance perçue, souvent égale à la valeur de reconstruction à neuf, vétusté déduite, peut poser un problème lorsqu’il peut être anticipé que l’indemnité d’assurance ne peut pas être égale à la valeur des droits réels. Par exemple : en zone Abis, le plafond de prix de 5 502 €/m² pourrait être supérieur à une valeur de reconstruction à neuf (disons 3 000 €/m²), la valeur du terrain n’étant pas assurée et restant dans le patrimoine de l’OFS. Ces clauses risquent donc de générer une perte pour les ménages.
Procédure de résiliation pour faute
La question de la procédure de résiliation a été posée à l’occasion de la rédaction des premiers modèles : cette résiliation doit-elle être judiciaire ? de plein droit ? unilatérale ? Les pratiques sont divergentes. De nombreux commentateurs considèrent que compte tenu des nombreuses protections qui entourent le logement, la résiliation ne peut être que judiciaire. Néanmoins, l’article L. 255-6 du Code de la construction et de l’habitation dispose que « le bail réel solidaire ne peut prévoir aucune faculté de résiliation unilatérale de la part du bailleur en dehors des cas prévus au présent chapitre, ni faire l’objet d’une tacite reconduction », sans évoquer le caractère judiciaire de la résiliation, comme c’est le cas dans d’autres législations771.
La différence flagrante entre ces réglementations, et la lettre tant de l’article L. 255-6 que de l’article L. 255-8 du Code de la construction et de l’habitation selon lequel, de manière un peu « radicale » : « À défaut pour le preneur d’exécuter ses obligations contractuelles, notamment en cas de défaut de paiement de la redevance, le bail est résilié, après indemnisation de la valeur des droits réels immobiliers tenant compte du manquement ayant entraîné la résiliation du bail, selon les modalités prévues au contrat », permettent de penser que la stipulation d’une clause de résiliation unilatérale serait possible.
La procédure de résiliation reste donc très incertaine, et il y est remédié en pratique par l’insertion d’une clause de rencontre que nous évoquons plus loin (V. infra, no
) et qui a vocation à démontrer que tout a été fait pour éviter la résiliation, même en cas de faute du preneur, puis par la rédaction de clauses reprenant les termes utilisés par le code, telles que : « En cas de défaut du preneur persistant à l’issue du délai de trois (3) mois de la période de rencontre visée à l’article précédent, ou de refus de rencontre, ou de non-rencontre, ou faute de solution, le BRS pourra être résilié unilatéralement et de plein droit, si bon semble à l’OFS, conformément à l’article L. 255-8 du Code de la construction et de l’habitation, deux (2) mois après un commandement de payer ou une sommation d’exécuter, mentionnant la présente clause de résiliation et resté(e) infructueux(se), même dans le cas de paiement ou d’exécution postérieur(e) à l’expiration du délai ci-dessus ».
Etant rappelé que l’usage des clauses résolutoires est encadré par une jurisprudence très stricte, protectrice du droit de propriété résultant de la nature réelle des droits constitués.
Fixation de l’indemnité : pratique de la décote et de la clause de rencontre
Fixer une méthode de calcul d’une indemnité de résiliation dans un contrat d’une durée généralement supérieure à quatre-vingts ans est un exercice délicat, qui doit tenir compte de deux contraintes : d’une part, l’indemnité ne pourra pas être supérieure aux valeurs maximales des droits réels telles que résultant des articles L. 255-5 et R. 255-3 du Code de la construction et de l’habitation772 ; d’autre part, le marché peut baisser, de sorte qu’il faut garder une marge de prudence entre le montant de l’indemnité et la valeur initiale, pour fixer une règle donnant si possible un résultat inférieur à la valeur du marché lors de la résiliation.
D’où la pratique de nombreux OFS, pour calculer l’indemnité, de retenir la valeur historique, de l’indexer, mais de diminuer le résultat d’une décote permettant : 1) d’éviter ce risque du marché ; 2) de faire en sorte que le preneur n’ait pas trop intérêt à une résiliation contre indemnité, mais soit plutôt encouragé à céder amiablement ses droits réels sur le marché (que l’OFS doit faire en sorte d’animer). Cette décote peut être assez importante, de l’ordre de 20 à 40 % selon les OFS qui la pratiquent et les particularités du territoire et du montage.
Elle rejoint ce que prévoit la garantie de rachat que les OLS doivent fournir en cas de vente HLM773.
Lorsqu’une telle décote est prévue, pour éviter qu’elle ne joue trop vite, et pour faire en sorte que les ménages défaillants aient toutes les chances de trouver une solution amiable plus avantageuse, les OFS ont développé la pratique des clauses dites « de rencontre », préalables à la mise en œuvre de toute résiliation pour faute.
Ces clauses ne soulèvent pas de difficulté juridique dans la mesure où la loi renvoie au contrat, dans lequel il convient qu’elles soient correctement rédigées.
Sort des baux à la fin du BRS
Dans tous les cas de résiliation pour faute, défaut d’agrément du cessionnaire, préemption et sinistre, et en fin de bail, le preneur doit quitter le logement concerné dont il perd la propriété, moyennant la perception de l’indemnisation prévue. La loi ne prévoit rien à ce titre. Le contrat devra donc indiquer ce qui se passe en cas de libération tardive.
Le seul cas prévu par le texte est celui du sort des baux consentis par le preneur en cas de survenance de la fin du BRS (donc dans l’hypothèse d’un BRS L. 255-2 autorisant la location ou d’un BRS L. 255-4) :
CCH, art. L. 255-16 : « Dans les baux qu’il consent, le preneur du bail réel solidaire mentionne, en caractères apparents, la date d’extinction du bail réel solidaire et son effet sur le contrat de bail en cours.
À défaut de cette mention, les bénéficiaires du droit au bail d’habitation ont le droit de se maintenir dans les lieux pendant une durée de trente-six mois à compter de la date d’expiration du bail réel solidaire moyennant une indemnité d’occupation égale au dernier loyer d’habitation expiré et payable dans les mêmes conditions. Cette durée est réduite à douze mois pour les bénéficiaires de baux consentis en application des chapitres II et III du titre III du livre VI du présent code ».