Les obligations des opérateurs de places de marchés en ligne résultent des contrats qu'ils concluent avec leurs utilisateurs. Concernant les rapports entre les utilisateurs, les plateformes s'exonèrent généralement de toute garantie, sous réserve des législations existantes
Pour un panorama des garanties et causes de responsabilité des plateformes en ligne : V. JCl. Commercial, fasc. 827, Vo Places de marché en ligne. Responsabilité, par A. Robin.
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Des plateformes offrant de faibles garanties
Des plateformes offrant de faibles garanties
Rapport du 117e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2021
Les obligations découlant des conventions unissant les opérateurs à leurs utilisateurs, professionnels ou non, dépendent de la nature du contrat.
- d'une part, que la plateforme n'a pas permis l'accès à son site internet ;
- et, d'autre part, que ce manquement est dû à une négligence que n'aurait pas commise une « personne raisonnable ». Il s'agit donc de comparer le comportement de l'opérateur avec un modèle de référence agissant de manière à exécuter ses obligations089.
De même, les plateformes ne peuvent déréférencer librement un utilisateur et/ou ses produits. Une telle pratique serait cause de responsabilité, sauf si elle est justifiée notamment par une inexécution par l'utilisateur de ses propres obligations.
Le contrat de courtage : comme indiqué précédemment
V. supra, no .
, il est le plus répandu dans ce domaine. L'obligation principale du courtier est d'assurer l'entremise des futurs cocontractants. Cela se traduit en réalité par une technique informatique permettant la mise en relation des utilisateurs sur une plateforme. Les opérateurs doivent donc assurer l'accès et le bon fonctionnement de leur site internet. Cette obligation est de moyens et non de résultat, de sorte que l'inexécution ne sera source de responsabilité que si l'utilisateur prouve :
En tout état de cause, les plateformes ne peuvent être tenues pour responsables de la non-conclusion du contrat entre ses usagers ou de l'inexécution par l'un d'eux de ses obligations
En ce sens : V. TI Nîmes, 4 janv. 2011, Marylin S. c/ PriceMinister.
. Ainsi, si le service rendu n'est pas conforme ou le bien livré endommagé par exemple, la plateforme ne peut voir sa responsabilité engagée. L'exception résulte des conditions générales de l'opérateur, lorsque celui-ci garantit expressément l'exécution de leurs obligations par ses utilisateurs
Pour un exemple, la plateforme en ligne Airbnb prévoit sous conditions une garantie Hôte permettant l'indemnisation de certains biens ayant subi des dommages causés par les voyageurs et non réparés par ceux-ci.
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Le courtage « classique » dans un environnement non numérique génère habituellement une obligation du courtier de contrôler l'identité, le sérieux et la solvabilité de ses clients. Il est toutefois communément admis
En ce sens : V. JCl. Commercial, fasc. 827, Vo Places de marché en ligne. Responsabilité, no 6, par A. Robin.
que l'application de ces solutions jurisprudentielles au courtage en ligne est incertaine, en raison de son caractère totalement impersonnel.
Il semblerait en outre que l'opérateur de plateforme en ligne, en sa qualité de courtier, puisse être condamné sur le fondement de l'article L. 442-2 du Code de commerce (C. com., art. L. 442-2) relatif à l'interdiction de revente hors réseau
En ce sens : V. JCl. Commercial, fasc. 827, Vo Places de marché en ligne. Responsabilité, no 7, par A. Robin.
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Concernant le contrat de mandat, les obligations du mandataire découlent des articles 1991 et 1992 (C. civ., art. 1991 et 1992) du Code civil. Tout dépend donc des missions mises à la charge de l'opérateur dans le contrat, leur inexécution entraînant une responsabilité en cas de faute de gestion.
? Les obligations découlant de législations particulières. ? Outre ces obligations résultant du type de contrat liant la plateforme à ses utilisateurs, diverses sources de responsabilité découlent de législations particulières, notamment celle relative au e-commerçant. En effet, la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)
L. no 2004-575, 21 juin 2004.
prévoit en son article 15, I que « toute personne physique ou morale exerçant l'activité définie au premier alinéa de l'article 14
L. no 2004-575, 21 juin 2004, art. 14 : « Le commerce électronique est l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Entrent également dans le champ du commerce électronique les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d'accès, de récupération de données, d'accès à un réseau de communication ou d'hébergement d'informations, y compris lorsqu'ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ».
est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. ». Une incertitude existe quant à l'application de cette disposition aux plateformes numériques dans la mesure où le texte vise uniquement « l'acheteur ». Toutefois, la référence à « toute personne physique ou morale exerçant » une activité de commerce électronique et aux « prestataires de services » laisse penser à une application plus large, notamment aux plateformes en ligne
En ce sens : C. Rojinski et G. Teissonnière, L'encadrement du commerce électronique par la loi française du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, in Conférence « Les lois de la société numérique : responsables et responsabilités » : Lex Electronica 2005, vol. 10, no 1.?JCl. Commercial, fasc. 872, Vo Droit commun des plateformes numériques. Le déroulement de la relation entre la plateforme et les usagers, no 6, par S. Zinty ; JCl. Commercial, fasc. 827, Vo Places de marché en ligne. Responsabilité, no 17, par A. Robin.
. Cette interprétation, défendue par de nombreux auteurs, permet de justifier le fondement d'une responsabilité de plein droit, éventuellement du fait d'un tiers, et contrecarrer la pratique des plateformes qualifiant leurs obligations de moyens, et non de résultat.
Cette responsabilité de plein droit concerne exclusivement les engagements de la plateforme résultant du contrat de marketplace ci-dessus examinés, et non l'exécution par ses utilisateurs de leurs propres obligations. Cela a pour objectif de faciliter l'indemnisation des usagers, lesquels ont simplement à apporter la preuve de l'inexécution pour obtenir réparation. La plateforme ne pourra échapper à sa responsabilité qu'en « apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure »
L. no 2004-575, 21 juin 2004, art. 15, I, al. 2.
. Cette responsabilité de plein droit pourra notamment être activée en cas de fuite des données personnelles, ou encore en cas de dysfonctionnement du service de paiement en ligne ou de l'hébergement du site.
D'autres causes de responsabilité, qui ne sont pas propres aux plateformes en ligne, ne feront pas ici l'objet de développement
Pour une étude approfondie des causes de responsabilité des plateformes numériques, V. JCl. Commercial, fasc. 827, Vo Places de marché en ligne. Responsabilité, par A. Robin.
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Les législations tant nationales qu'européennes tentent donc de réguler l'activité nouvelle des plateformes numériques. Il est tenu compte du déséquilibre significatif qui peut exister entre les opérateurs en ligne et leurs utilisateurs. Malheureusement, il existe encore un certain nombre d'incertitudes quant au champ d'application de ces législations, notamment dans un contexte international, et leur caractère d'ordre public ou supplétif. Les conditions générales de ces contrats d'adhésion sont trop souvent l'occasion de limiter les obligations et la responsabilité des acteurs face à des parties plus faibles, même professionnelles.
Lors de la phase des négociations, fondée également sur le principe de la bonne foi, certaines obligations précontractuelles d'information s'imposent aux parties. Pour les exécuter, elles peuvent désormais s'appuyer sur les outils offerts par le numérique.
Les projets de réforme européens
Face à cette « irresponsabilité des géants du numérique »099, la Commission européenne a publié le 15 décembre 2020 deux projets de règlements européens :
- le Digital Service Act, destiné à lutter contre la diffusion de contenus et produits illicites, dangereux ou contrefaits ;
- et le Digital Markets Act, destiné à créer des obligations graduées à la charge des plateformes numériques, dépendant de leur importance sur le marché.
L'objectif est une adoption avant début 2022 pour une régulation des plateformes numériques100.