La donation-partage par deux parents mariés, dite « donation-partage conjonctive », est consacrée par les articles 1076-1 et 1077-2, alinéa 2 du Code civil, qui visent les donations-partages faites conjointement par des époux. La donation-partage va être influencée par le régime matrimonial des époux donateurs copartageants.
La donation-partage par les époux
La donation-partage par les époux
Rapport du 116e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2020
Les distinctions selon le régime matrimonial
- Les époux communs en biens. - Il pourra être fait masse des biens propres et des biens communs pour en ressortir autant de lots que de copartagés sans considération de l'origine des biens paternels ou maternels. Les copartagés sont même réputés tenir leurs droits de chacun de leurs parents dans des proportions identiques. Il se peut que dans la masse des biens donnés, il existe des droits à récompense soit au profit de la communauté, soit au profit de l'un des patrimoines propres. Il est admis que la donation-partage conjonctive éteint ces droits à récompense parce qu'ils figurent dans la donation elle-même. La validité d'une telle extinction des récompenses a été longuement controversée en ce qu'elle constituait une liquidation partielle anticipée d'un régime matrimonial et qu'elle procédait d'une convention matrimoniale modificative sans en respecter les formes. Aujourd'hui cet abandon ne fait plus aucun doute
0612. Il est néanmoins conseillé de préciser par une clause de la donation cette extinction des récompenses portant sur les biens donnés et partagés. Cette extinction des récompenses de la communauté, voire de créances entre patrimoines propres des époux n'est pas sans incidence sur le règlement de leurs propres successions. En effet, l'un des époux peut ainsi se trouver appauvri et les droits de ses héritiers amoindris.
- Les époux séparés de biens. - Leur situation est encore plus simple que celle des époux communs en biens. La donation-partage peut porter sur des biens personnels à chacun des époux ou sur des biens indivis entre eux. De la même manière, chacun des copartagés est réputé tenir ses droits des deux donateurs même si son lot ne comprend qu'un bien personnel de l'un ou l'autre. Tous les biens donnés et partagés font masse. Il est également conseillé de prévoir que l'acte de donation-partage éteint toute créance entre époux au sujet des biens donnés et attribués, à l'image des récompenses sous la communauté.
- Les époux en participation aux acquêts. - Si ce régime, comme la communauté d'acquêts, procède de l'idée d'un partage des richesses en fin de mariage
0613, au cours de régime les biens restent personnels à chacun. Aussi l'époux, seul propriétaire de ses biens, peut accomplir sur ceux-ci tout acte de disposition. Il peut notamment les aliéner par donation ; les deux époux, comme sous la séparation des biens, peuvent consentir une donation-partage. À l'image de ce que nous avons dit pour le régime de la séparation des biens (créances entre époux) ou pour le régime de la communauté (récompenses), il y aura lieu de prévoir un abandon entre les époux de toutes les créances entre époux afférentes aux biens donnés et partagés et de préciser que ces biens et les plus-values qui auraient pu leur être apportées au cours de régime et financées par des acquêts ne seront plus pris en compte dans la liquidation de leur régime.
Les distinctions selon les configurations familiales
- Attribution à des enfants de lits différents. - Les époux et les parents non mariés peuvent consentir une donation-partage à leurs enfants communs, mais aussi à leurs enfants issus d'autres lits. Le récent article 1076-1 du Code civil le permet désormais, mais cette faculté est soumise à plusieurs conditions :
- il doit y avoir au moins deux enfants communs, car une donation-partage ne peut être faite qu'à plusieurs présomptifs héritiers. S'il n'y a pas au moins deux enfants communs, l'un d'entre eux se trouvera seul dans l'opération de partage par son parent 0614 ;
- le ou les enfants non communs ne peuvent être attributaires que des biens propres de leur auteur, ou de biens communs. Cet allotissement devra être autorisé, bien évidemment, par le conjoint (C. civ., art. 922). Ce second époux n'est pas codonateur et cette donation-partage fera naître une récompense au bénéfice de la communauté (C. civ., art. 1437).
Sur le plan fiscal, les droits dus par l'enfant attributaire sont calculés sur la valeur totale du bien mis dans son lot au tarif qui le lie au donateur (CGI, art. 778 bis).
Il ne semble pas possible d'attribuer à l'enfant non commun des biens indivis au donateur, de sorte que sont exclus de ces donations-partages à enfants de plusieurs lits non seulement les époux séparés de biens ou en participation aux acquêts, mais aussi les concubins et les partenaires liés par un Pacs
0615.
Les distinctions quant à l'action en réduction
- L'exception peu protectrice : le report de l'exercice de l'action en réduction. - En matière de donation-partage conjonctive, il est une exception au principe de prescription de cinq années à compter de chacun des décès. Le délai est ici décompté à compter du deuxième décès
0616. Cette règle de l'article 1077-2, alinéa 2 du Code civil part de l'idée que les deux successions doivent être réglées de manière confondue et que les droits réservataires doivent être appréciés en considération des deux successions. La règle peut être lourde de conséquences au regard de la protection des différents ayants cause. Au décès du prémourant, une liquidation de sa succession sera effectuée pour éventuellement déterminer des indemnités de réduction des autres donations qui auraient pu être consenties par le de cujus. Cette première liquidation ne sera que provisoire, car pour calculer une éventuelle réduction de la donation-partage, il y aura lieu de procéder à une nouvelle liquidation au décès du second, et c'est à la date du second décès qu'il faudra se placer pour calculer les indemnités de réduction éventuelles. Il faudra alors reprendre la première liquidation et l'actualiser ; tous les biens seront donc réévalués au second décès
0617. Si une longue période sépare les deux décès, alors les fluctuations dans les valeurs peuvent être importantes et remettre en cause les résultats de la première liquidation ; elles peuvent rendre réductible ce qui ne l'était pas, ou inversement ! Ce système n'est sans doute pas très protecteur, non pas des copartagés qui sont logés à la même enseigne, mais des autres héritiers ou gratifiés (par ex., un légataire universel…). Ce report a été, à juste titre, critiqué
0618 et une analyse globale de la donation-partage sans considération de l'origine des biens pourrait permettre de l'éviter, en revenant à la règle classique
0619.
- L'exception à l'exception : retour au principe général. - Si la donation-partage a été faite a des enfants communs et à des enfants nés d'autres lits, alors, pour ces derniers, l'action en réduction contre la donation-partage faite par son auteur doit être introduite dans les cinq ans du décès de son auteur (C. civ., art. 1077-2, al. 2 in fine)
0620.