L'obligation d'information généralisée des opérations en milieu rural englobe désormais le domaine de préemption réservé à la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L. 411-1-1)
1506447430314. Ce domaine induit la notion complexe de biens ruraux dont les contours ne sont pas clairement définis (A). Les biens et droits immobiliers susceptibles de préemption sont déterminés en fonction de leur vocation ou de leur utilisation agricole (B). Quant aux biens mobiliers, ils sont préemptables sous réserve de leur attachement à l'exploitation agricole (C).
Les biens susceptibles de préemption par la SAFER
Les biens susceptibles de préemption par la SAFER
Rapport du 114e Congrès des notaires de France - Dernière date de mise à jour le 31 janvier 2018
La notion de biens ruraux
– L'absence de définition de la notion de biens ruraux. – Le praticien a besoin de connaître le périmètre exact de l'obligation d'information à délivrer à la SAFER pour l'exercice de son droit. Il rencontre une première difficulté : la notion de biens ruraux ne fait l'objet d'aucune définition, ni légale ni jurisprudentielle. Bien qu'introduite dans le Code rural en 1999
1505060744618, la seule référence à cette notion figure dans une analyse de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de 2002
1505060702119. Les critères de qualification d'un bien rural, bâti ou non, retenus par la doctrine
1505061547445sont multiples. Le critère spatial est régulièrement cité : les biens ruraux sont ceux situés dans l'espace rural. Cependant, aucune définition légale ou jurisprudentielle de l'espace rural n'existe. Dans l'attente de précisions, il est nécessaire de définir la notion de bien rural en combinant plusieurs critères
1505069227598 :
- une définition spatiale a contrario : la notion d'unité urbaine s'opposant à la notion d'unité rurale 1505063277445, les biens ruraux sont ceux situés sur le territoire d'une commune ou d'un ensemble de communes comportant une zone bâtie continue de moins de 2 000 habitants) 1505655047285 ;
- et une définition beneficii causa : les biens ruraux regroupent tous biens situés en milieu naturel, agricole, pastoral ou forestier 1506771502171.
Les biens immobiliers susceptibles de préemption
La SAFER est susceptible d'exercer son droit de préemption sans considération de lieu lorsque les biens sont affectés à l'activité agricole. Deux critères sont utilisés (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1) : celui de la vocation agricole et celui de l'usage agricole. Le droit de préemption s'applique en cas d'aliénation portant sur des terrains nus à vocation agricole (I) et sur des biens immobiliers à usage agricole et les biens mobiliers leur étant attachés (II). Des règles singulières régissent les aliénations portant sur des biens démembrés (III).
Les terrains nus à vocation agricole
– La définition des terrains nus. – Les terrains nus concernés (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1) sont les terrains non construits ou non équipés, affectés à une activité agricole. Il s'agit principalement des terres arables, des pâturages, des vergers ou des vignes. Les terrains supportant des friches, des ruines ou des installations temporaires, des occupations ou des équipements n'étant pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole sont considérés comme des terrains nus. Comme tels, ils sont soumis au droit de préemption de la SAFER. Pour y échapper, même en présence d'un équipement, d'une installation ou de l'exercice d'une activité extra-agricole au jour de la mutation, il est nécessaire d'établir positivement que l'installation permanente, l'occupation et/ou l'équipement est de nature à compromettre définitivement la vocation agricole du terrain. Ce n'est pas le cas des jardins d'agrément, des terrains garnis d'un potager et d'arbres fruitiers même trentenaires destinés à la consommation personnelle des propriétaires, d'un terrain de loisir planté de nombreux types d'arbres et équipé d'un bungalow
1506774172084ou des installations d'éoliennes
1512298598185.
Exemples de terrains ayant perdu leur vocation agricole
Un terrain ayant fait l'objet de travaux de viabilisation, lorsque l'importance de l'aménagement lui fait perdre sa vocation agricole, n'est pas soumis au droit de préemption si la SAFER est incapable de remplir les objectifs assignés par la loi en s'en portant acquéreur. Une parcelle équipée d'un parking bitumé a également définitivement perdu sa vocation agricole.
– La vocation agricole fondée sur le zonage urbain. – À défaut de définition de l'espace rural, l'article L. 143-1 du Code rural et de la pêche maritime se fonde sur le zonage urbanistique pour définir la zone à vocation agricole constituant l'assiette du droit de préemption de la SAFER. Deux situations se distinguent en fonction de l'existence ou non d'un document d'urbanisme.
- En présence d'un document d'urbanisme, la SAFER est en mesure d'exercer son droit de préemption lorsque les terrains nus à vocation agricole sont situés :
- En l'absence d'un document d'urbanisme (RNU), la SAFER est en mesure d'exercer son droit de préemption lorsque les terrains nus à vocation agricole sont situés dans les secteurs ou les parties non encore urbanisées des communes, à l'exclusion des bois et forêts.
Ainsi, la loi limite la possibilité pour la SAFER d'exercer son droit de préemption en zone urbaine des plans locaux d'urbanisme (PLU), hors zone agricole protégée (ZAP), aux seuls biens immobiliers à usage agricole.
– Le cas particulier du terrain situé sur deux zones d'un plan local d'urbanisme (PLU). – Lorsqu'un terrain non exploité est situé en partie en zone U et en partie en zone A ou N d'un PLU, il est susceptible de préemption pour partie (C. rur. pêche marit., art. L. 143-4, 5°). Dans cette hypothèse, en l'absence de ventilation, la SAFER est contrainte de faire une offre de prix uniquement pour la partie située en zone agricole ou naturelle. L'article L. 143-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, complété par l'article R. 143-4, indique les possibilités de réaction du vendeur (V. n° ).
Lorsqu'il est exploité par le cédant dans le cadre de son activité agricole, l'ensemble du terrain, bien que partiellement situé en zone U du PLU, entre dans le champ d'application du droit de préemption de la SAFER (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1).
Néanmoins, la SAFER n'a pas la possibilité d'exercer son droit de préemption dans les hypothèses suivantes (C. rur. pêche marit., art. R. 143-3) :
- lorsqu'un engagement exprès de construire dans les trois ans est pris par l'acquéreur. Il est formulé sur papier libre et joint à la notification 1506795381831. Ce délai court à compter de la réception de la notification par la SAFER ;
- lorsque le terrain cédé, destiné à la construction de maisons individuelles, a une superficie inférieure soit à 2 500 mètres carrés par maison, soit à la superficie minimale exigée par la réglementation urbaine si elle est supérieure ;
- lorsque le terrain cédé est destiné à la construction d'immeubles collectifs, quelle que soit sa superficie, lorsque les constructions, jardins et cours couvrent la totalité du terrain ;
- lorsque le terrain cédé est destiné à la construction d'immeubles autres qu'à usage d'habitation pour plus des trois quarts de sa superficie totale, dans la limite des surfaces occupées par les constructions à édifier et par les dépendances nécessaires à l'exploitation de ces constructions.
– Le cas particulier de terres situées sur des zones d'intervention de plusieurs SAFER. – À l'occasion d'une vente pour un prix unique de terres situées sur la zone d'action de plusieurs SAFER, elles peuvent choisir de réaliser l'opération ensemble de manière indivisible en exerçant leur droit de préemption de façon solidaire et conjointe. Ainsi, elles ne sont pas tenues d'utiliser la procédure de délégation de compétence (C. rur. pêche marit., art. R. 141-6)
1512822088286.
L'opération conjointe est toutefois subordonnée à l'avis des commissaires du gouvernement de chacune des SAFER.
Les bâtiments et terrains à usage agricole
– Les bâtiments agricoles susceptibles de préemption. – Les bâtiments d'exploitation à usage agricole sont soumis au droit de préemption. Les bâtiments ayant perdu cet usage entrent également dans le champ de la préemption dans la mesure où ils se situent dans une zone à vocation agricole au regard des documents d'urbanisme et où ils ont eu une utilisation agricole au cours des cinq dernières années. Néanmoins, la SAFER n'est en mesure de les préempter que dans le but de leur rendre un usage agricole. La cession en bloc des terres et des bâtiments d'exploitation ne pose pas de difficulté particulière, dans la mesure où elle fait présumer l'unité physique et économique des éléments cédés
1506786102213. La SAFER a vocation à préempter l'ensemble, conformément à l'objectif de conservation d'exploitations viables existantes (C. rur. pêche marit., art. L. 143-2, 6°). Elle a également la faculté de ne préempter qu'une partie seulement lorsque l'aliénation porte simultanément sur des terrains à usage agricole ou à vocation agricole et des bâtiments à usage agricole, des bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole, des bâtiments situés dans les zones ou espaces à vocation agricole utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1-1).
– Les bâtiments d'habitation concernés par la préemption. – Les bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole sont obligatoirement soumis à préemption, sans limite de superficie (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1, al. 2 et R. 143-2)
1506774611492. Cette disposition a pour objectif d'éviter le démantèlement des exploitations.
La SAFER est également autorisée à exercer sa prérogative de puissance publique concernant les bâtiments d'habitation situés en zones préemptables (V. n° ) ne dépendant pas d'une exploitation mais ayant fait l'objet d'une activité agricole au cours des cinq dernières années précédant la mutation. Il s'agit par exemple d'un ancien bâtiment d'exploitation transformé en habitation ou d'une ancienne grange devenue maison d'habitation par suite de travaux. En pratique, il est parfois délicat de déterminer si l'habitation cédée a fait partie d'une exploitation agricole au cours des années précédentes, notamment dans l'hypothèse où le bâtiment est resté longtemps inoccupé et laissé à l'abandon
1506775569086.
La condition imposée à la SAFER pour exercer valablement son droit de préemption est de rendre un usage agricole aux anciens bâtiments.
La préemption avec offre de prix inférieure est inapplicable en l'espèce (C. rur. pêche marit., art. L. 143-10). Cela signifie que le bâtiment est cédé au prix d'une maison d'habitation. La SAFER, tenue par ce prix, n'est pas en mesure de prétendre qu'il est exagéré.
– Les dépendances immédiates des bâtiments à usage d'habitation. – Les dépendances immédiates des bâtiments d'habitation ne faisant pas partie d'une exploitation agricole sont soumises au droit de préemption de la SAFER. L'exemple le plus fréquent est la cession d'une maison d'habitation à la campagne.
Dans cette hypothèse, il convient cependant de nuancer la solution :
- si les dépendances entrent dans la catégorie des terrains nus à vocation agricole préemptables et sont cédées seules, la SAFER est en mesure d'exercer son droit de préemption à condition que le seuil de superficie soit atteint ;
- si les dépendances sont cédées concomitamment avec les bâtiments, à défaut de ventilation de prix entre les différents éléments 1506763666217, la solution est discutable dans la mesure où aucune disposition claire ne figure dans les textes 1506763411695. Néanmoins, la SAFER est susceptible de considérer que la cession porte sur plusieurs catégories de biens, dont des terrains à vocation agricole, et de revendiquer un droit de préemption sur la seule partie non bâtie, estimant qu'il s'agit d'un bien à même d'accueillir une future activité agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1-1).
Les biens démembrés
– La cession isolée de l'usufruit. – La cession de l'usufruit d'un bien au profit des nus-propriétaires n'est pas soumise au droit de préemption de la SAFER. Toute autre cession de l'usufruit au profit d'un tiers entre en revanche dans son champ d'application
1506270109159.
– La cession de la seule nue-propriété. – En cas de cession de la nue-propriété d'un bien, l'exercice du droit de préemption de la SAFER s'applique uniquement dans trois hypothèses (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1, al. 5) :
- lorsque la SAFER concernée détient déjà l'usufruit ;
- lorsque la nue-propriété est aliénée concomitamment à l'usufruit (V. n° ) ;
- et lorsque l'usufruit restant à courir ne dépasse pas deux ans.
Sur ce dernier point, les montages visant à écarter l'intervention de la SAFER en utilisant le démembrement de propriété sont à utiliser avec précaution. En présence d'un usufruit trop bref, la SAFER pourrait en effet tenter de démontrer qu'il s'agit d'un abus de droit, considérant qu'un tel montage ne revêt aucune motivation patrimoniale. Tel n'est pas le cas lorsque l'usufruit réservé est un usufruit viager. En effet, le montage consistant pour le vendeur à se réserver l'usufruit d'un bien agricole et à consentir un bail au cessionnaire de la nue-propriété n'est pas caractéristique d'une fraude
1506254027590.
En outre, les acquisitions de la nue-propriété d'un bien par les usufruitiers échappent au droit de préemption (C. rur. pêche marit., art. L. 143-4, 8°).
– La vente simultanée de l'usufruit et de la nue-propriété. – La vente simultanée de la nue-propriété et de l'usufruit portant sur un immeuble rural, en présence de vendeurs distincts à un acheteur unique moyennant un prix unique, donne lieu à ouverture du droit de préemption de la SAFER
1506250651236. La vente concomitante de la nue-propriété à une personne physique et de l'usufruit à une EARL dont la personne physique est le gérant associé majoritaire par un unique vendeur se trouve également soumise au droit de préemption de la SAFER
1506250258060. Dans ces hypothèses, alors même que l'opération consiste en une double cession, la vente est considérée comme portant sur la pleine propriété, permettant à la SAFER de préempter
1506264769994.
Les biens mobiliers
– La nécessité d'un rattachement aux biens immobiliers cédés. – La SAFER dispose d'un droit de préemption sur la vente des biens mobiliers à condition qu'ils soient attachés aux biens immobiliers cédés concomitamment. Ainsi, la cession isolée de biens mobiliers ne rentre pas dans le cadre d'une préemption possible par la SAFER.
– La détermination des biens mobiliers susceptibles de préemption par la SAFER. – Les biens mobiliers susceptibles de faire l'objet d'une préemption par la SAFER sont les suivants (C. rur. pêche marit., art. R. 143-2) :
- les cheptels mort et vif ;
- les stocks nécessaires à l'exploitation. En revanche, les stocks destinés à être vendus ne sont pas concernés 1506449110147 ;
- tout autre élément ou investissement réalisé en vue d'améliorer le fonds. Par exemple, cette disposition concerne les serres incorporées à une propriété et affectées à son exploitation de manière définitive en dépit de leur mobilité très limitée sur des rails 1506438306883, la terre de bruyère nécessaire à la culture des plantes 1506438385053et les tonneaux garnissant le chai pour élever les vins ;
- et tout autre élément ou investissement réalisé en vue de diversifier et de commercialiser la production.
– Le cas particulier du fonds agricole. – Le fonds agricole est un meuble incorporel. En pratique, il s'agit d'une universalité de fait susceptible de comprendre un cheptel mort ou vif, des stocks, une marque, de la clientèle, une enseigne, des brevets, des contrats cessibles dont le bail cessible hors cadre familial (C. rur. pêche marit., art. L. 311-3). Le fonds agricole n'entre pas dans le champ d'application du droit de préemption de la SAFER, peu important qu'il soit cédé isolément ou avec des bâtiments et des terres. Par ailleurs, aucune notification n'est nécessaire. En effet, le Code rural et de la pêche maritime ne mentionne à aucun moment le fonds agricole à ce titre
1506448165046.
– Le cas particulier des droits à paiement de base (DPB). – La SAFER est autorisée à exercer son droit de préemption uniquement à l'occasion d'une cession à titre onéreux, lorsque la vente porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des DPB (C. rur. pêche marit., art. L. 143-1, al. 4)
1506442193012. Les DPB ne constituent pas des accessoires du foncier
1506442536558. En outre, la préemption s'exerce globalement sur l'ensemble aux seules fins de rétrocession conjointe pour garantir à terme la viabilité des exploitations.
Les modalités de la rétrocession autorisent la formation de plusieurs lots (C. rur. pêche marit., art. D. 142-1-1). Dans ce cas, la rétrocession des DPB s'opère proportionnellement à la valeur unitaire des lots formés. Lorsque l'attributaire est non-exploitant, il a l'obligation de louer les biens et les DPB à un même preneur agréé par la SAFER concernée.
Lors d'une vente séparée de terre et des DPB, le droit de préemption de la SAFER ne joue pas, à l'exception toutefois d'une fraude caractérisée. Aucune formalité n'est requise dès lors que ces droits incorporels ne sont pas énumérés à l'article L. 141-1, II du Code rural et de la pêche maritime.